The Economic Crisis Is Everyone Else's Fault

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Mon séjour en Europe m’a révélé une chose qui me paraît importante: le français moyen me semble comprendre encore moins que l’américain moyen à quel point et pourquoi cette crise est grave.

Il faut de méfier des “impressions”. Mais je ne prétends pas ici à la rigueur scientifique. Mon vécu de mes conversations quotidiennes en octobre avec des français de tous milieux qui n’ont pas pour métier de suivre la crise, m’a convaincu que le diagnostic porté est très largement faussé. Je pense que la même chose est vraie aux États-Unis, mais de manière différente.

Le point commun des deux faux diagnostics est que les citoyens se sont laissés convaincre par leurs élus que la crise a été causée par des tiers. Pour les français, c’est simple: on accuse les méchants spéculateurs, les riches, les banquiers…Pour les américains: idem. C’est l’explication la plus pratique pour les gouvernants.

Cette crise est une crise de “l’addiction” à la dette. Pour les États-Unis, elle a commencé par une crise de la dette privée: sur-endettement des ménages, notamment par le crédit immobilier. Pour les pays européens, sur-endettement des États.

Pour contrer le risque de dépression, George W. Bush et surtout Barack Obama ont accéléré l’endettement public. L’Amérique se retrouve du coup tout aussi endettée qu’un pays européen social-démocrate moyen, sans pour autant offrir à ses citoyens le même niveau de prestations publiques…

N’étant candidat à aucune fonction politique, je peux me permettre de dire des choses désagréables qui garantissent que je ne serais jamais élu nulle part: la crise est causée par la demande des citoyens pour des services qu’ils ne veulent pas payer. La bulle de l’endettement public est le résultat de promesses intenables faites par des élus qui ont cru que l’emprunt financerait indéfiniment leurs promesses.

Pourquoi est-il plus difficile aux français de comprendre cette crise ? Il me semble que c’est parceque les élus de droite n’osent pas dire ouvertement que le “modèle social” français n’est plus viable. Les républicains de la Chambre des représentants – suicidaires peut-être – osent le dire clairement.

En France, on continue d’entretenir les électeurs dans l’illusion que de petites hausses de la TVA et l’élimination de “niches” va remettre la France dans le droit chemin. Si Nicolas Sarkozy osait dire qu’il faut tout remettre en question, de la Sécu au TGV, en passant l’éducation nationale et la télévision publique, il aurait perdu d’avance les élections. Sa politique va pourtant dans le bon sens. Mais elle n’ose pas dire toute la vérité. Il n’y a pas d’alternative à un retour graduel à une politique fiscale rigoureuse.

Si François Hollande est élu au printemps, il devra pratiquer une politique très voisine: il n’aura pas le choix…Il n’y a pas de sous pour embaucher des milliers de fonctionnaires…

Le français ne comprend pas parcequ’il ne se sent pas personnellement responsable du gonflement de la bulle. Il a certes profité de l’État providence, mais on lui a expliqué que c’était un modèle français, viable, que le monde entier révait de copier.

L’Américain le comprend un peu – un peu seulement – mieux parcequ’il a été personnellement impliqué dans le gonflement de la bulle: il a lui-même emprunté à tout crin pour s’acheter une maison trop grande pour lui, une voiture trop grande aussi et pour dissimuler par la dette la stagnation de son pouvoir d’achat. La dimension immobiliaire de la récession, puis de la crise financière, échappe beaucoup aux français.

J’ai tenté d’expliquer à mes amis français que la colère contre les banquiers était vaine. J’ai échoué. Oui, il est scandaleux que ceux qui ont mal géré des banques au point de faire appel au contribuable pour qu’on les sauve, percoivent ensuite de gros bonus. Oui il est anormal que les banquiers acceptent la nationalisation de leurs pertes mais insistent sur la privatisation de leurs profits. Hélas, saisir l’argent des banquiers aujourd’hui ne résout en rien le probléme du sur-endettement public et du déséquilibre démographique qui plombe tous les systèmes sociaux des vieux pays “riches”.

Réglementer les banques de manière à empêcher ces dernières de spéculer est certainement une bonne idée. Sauf si on admet (c’est là le modèle américain en théorie) que spéculer n’est pas en soi mauvais. Ce qui est mauvais c’est d’obliger l’État à sauver les spéculateurs qui se plantent. Mais tout ce débat intéressant ne change pas le fond du problème: il faut complètement revoir les finances publiques. Non seulement du point de vue des ressources (fiscalité) mais aussi et surtout du côté des dépenses.

L’Amérique a posé le problème clairement. Mais elle est incapable de le résoudre. En France, je ne crois pas que le problème ait été clairement posé.

En outre, il y a une autre raison à l’incompréhension du français moyen: la question de l’intégration européenne s’ajoute au problème du déficit chronique pour tout compliquer. La question de la souveraineté des questions fiscales vient tout brouiller. On accuse les grecs. Mais qu’ont fait les grecs ? ils sont allés plus loins que les français dans le mythe du “modèle social”. Ils ont été encore plus irresponsables. Mais fondamentalement, ils ont commis la même erreur: on ne peut pas vivre indéfiniment au dessus de ses moyens.

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