The American Way

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The American way

Et puis, croyez-vous que les États-Unis, notre principal partenaire économique, vont finir pas sortir de leur torpeur? Ça augure un peu mieux pour eux, si on se fie à la réaction de Wall Street qui applaudissait les consommateurs américains d’être allés magasiner en horde lors du Black Friday.

Lors de cette orgie de magasinage, les Américains ont battu un record: 11 milliards de dollars ont été dépensés pour toutes sortes de biens sûrement essentiels, dont 816 millions de dollars via les sites internet des magasins (un autre record).

La tendance est à l’espoir. Et elle est contagieuse: des journalistes de la télé, désireux d’expliquer cet engouement pour le Black Friday, ont traduit cela par le désir des Américains de se sortir de la récession. Rien de moins.

L’ampleur de cet événement a suscité cette interrogation de ma conjointe: les gens ont-ils payé leurs achats comptant ou à crédit? Bonne question. Parce que l’endettement des ménages américains et de leur gouvernement n’est-il pas l’une sinon la principale raison pour laquelle la super-puissance est dans la dèche?

Les chiffres sont ahurissants: en date du 17 novembre, la dette américaine s’élevait à 15 000 milliards de dollars. 15 000 milliards! Ça représente 99 % du produit intérieur brut de leur économie ou, vu autrement, 99 % de l’ensemble des biens et services produits dans une année aux États-Unis. Gigantesque.

Et la dette s’emballe rapidement: tous les sept mois et demi, elle augmente de 1000 milliards de dollars. L’année prochaine, calculent les experts, elle représentera 105 % du PIB. Puis 115 % en 2016. Les intérêts expliquent ces hausses, mais aussi les déficits annuels du gouvernement fédéral. Ceux-ci sont de l’ordre chaque année de 10 % de la taille de leur économie, donc de 10 000 milliards de dollars. Les guerres en Afghanistan et en Irak, qui coûtent aussi des fortunes, ont également une grande incidence sur le déficit, mais ça, c’est un autre débat.

Malgré ces chiffres abyssaux, la classe politique est incapable de prendre des décisions pour redresser ses finances publiques. Pendant que démocrates et républicains vivent dans le déni, le pays s’enlise.

Les ménages américains suivent la même chute financière. Leur dette collective, en juillet, était de 17 000 milliards de dollars. Quand on jette un coup d’œil aux statistiques sur l’emploi, on peut penser que ça risque de se détériorer encore plus pour eux. Les plus récentes données du département du travail font état de 3,74 millions de personnes qui sont au chômage depuis plusieurs semaines. Ça donne un taux de chômage de 9 %. Et là, on ne comptabilise pas les gens, découragés, qui ont cessé de se chercher un emploi.

Revenons à notre question initiale: comment les consommateurs américains ont-ils payé leurs achats du Black Friday? Et comment paieront-ils leurs achats des Fêtes? En s’endettant encore plus pour la grande majorité d’entre eux, peut-on conclure. Tout ça alors que les contrecoups de la crise hypothécaire, celle qui a forcé de dizaines de milliers de familles à remettre les clés de leur maison à la banque et qui a sérieusement plombé l’économie mondiale, se font encore sentir.

Comment des analystes peuvent-ils se réjouir de cette folle consommation en ces temps de crise des finances?

Notre système économique est basé sur la création de la richesse: les entreprises fabriquent des biens, les vendent, les gens les achètent, les consomment. Et ainsi tourne la roue pour générer de la croissance. Le problème survient dans l’excès de consommation, quand on vit au-dessus de ses moyens. Dans tel cas, gouvernements comme citoyens tombent dans une dangereuse spirale, celle de l’endettement. Ces dettes et les intérêts qui s’y collent réduisent graduellement leur marge de manoeuvre.

Comment s’en sortir alors? D’emblée, on dirait en réduisant ses dépenses. Mais c’est anti-américain, pourrait-on conclure à la lumière des records établis lors du Black Friday. Donc ils font le contraire. C’est The American way!

Ils sont fous ces Américains. Et ça fait la joie de ces irresponsables qui sévissent à Wall Street.

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