Barack Obama’s Long Route

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Washington, correspondante – Tous les présidents l’ont dit, mais cette fois Barack Obama a probablement raison : l’élection présidentielle de 2012 aux Etats-Unis sera “cruciale”. Au-delà de l’échec ou du succès du premier président noir des Etats-Unis, c’est le modèle américain qui est en jeu. Quelle protection sociale, quel rôle pour l’Etat fédéral, quelles solidarités entre les citoyens ? Compte tenu du poids que conserve l’économie américaine et du contraste entre les candidats sur des sujets planétaires comme le changement climatique, l’enjeu dépasse Washington, même si cette dimension semble souvent être le cadet des soucis des Américains.

La campagne des primaires républicaines le montre tous les jours : les deux partis n’ont jamais été aussi éloignés sur le plan des idées. Les démocrates estiment que le sauvetage de la classe moyenne passe par un deuxième New Deal, soit des investissements dans les infrastructures et le maintien de la protection sociale mise en place depuis Franklin Roosevelt, même si Barack Obama, qui courtise le centre, est favorable à de larges réductions budgétaires (3 000 milliards de dollars en dix ans pour un déficit actuel de 1 500 milliards de dollars) qui ne manqueront pas d’affecter le système des retraites ou de l’assurance-santé.

Les républicains veulent secouer le cocotier. Privatiser les retraites – ou les “personnaliser”, comme préfèrent le dire leurs spécialistes en communication. L’ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney a préféré adopter des positions pas trop éloignées du centre (“Il y a des démocrates qui aiment autant l’Amérique que les républicains”, disait-il dans le débat du 15 décembre dans l’Iowa). Mais certains républicains remettent en cause les acquis du XXe siècle : le système de retraites par répartition, l’assurance médicale pour les seniors, l’impôt sur le revenu, les réglementations fédérales sur l’environnement, les droits syndicaux… Voire même des traits du système institutionnel, comme la désignation à vie des juges fédéraux.

Ce contraste est l’argument sur lequel Barack Obama compte appuyer sa campagne. “En 2008, le message était “Washington est cassé” (broken). Cette fois, cela va être : le Parti républicain est cassé ; et je suis celui qui va vous sauver de leurs plans”, prévoit Paul Taylor, du Pew Hispanic Center, un centre d’études sur les Latinos. Le président américain a commencé à roder ses angles d’attaque au cours des cinquante-sept rassemblements qu’il a tenus en 2011 dans les Etats les plus disputés, et devant les donateurs qui continuent à se presser dans les soirées de récolte de fonds. “Les valeurs essentielles de ce pays sont en jeu”, répète-t-il. A Osawatomie (Kansas), il a exprimé, le 6 décembre, la vision qu’il compte développer : “Un pays où chacun a sa chance, où chacun fait sa part, où chacun joue selon les mêmes règles” (“Fair shot, fair share, fair-play”).

Obama proclame qu’il n’a pas démérité. Et il fait la liste des changements auxquels il a présidé : “Le changement, c’est la décision que nous avons prise, impopulaire à l’époque, de sauver l’industrie automobile”. Et maintenant, “nous voyons des voitures à consommation réduite sortir des usines, avec ces mots pleins de fierté : “Made in America””. Le changement, c’est la réforme de l’assurance-santé, l’acceptation des homosexuels dans l’armée ; la fin de la guerre en Irak, insiste-t-il. Quoi qu’il en soit, les sondages sont mauvais. Pour la première fois, une majorité (52 %) penche contre sa réélection, selon un sondage AP publié le 16 décembre.

Pourtant l’entourage de Barack Obama est confiant. Un oeil sur le taux de chômage – pratiquement identique à ce qu’il était en 1983, un an avant que Ronald Reagan ne soit réélu dans un raz-de-marée -, un autre sur l’évolution démographique qui favorise le candidat non blanc, l’équipe de campagne laboure déjà la douzaine d’Etats où se joue l’élection. Comme chacun s’en souvient depuis la Floride en 2000, le scrutin aux Etats-Unis ne se décide pas à la proportionnelle nationale, mais Etat par Etat, selon un système qui favorise les orfèvres en stratégie électorale.

Désillusions récurrentes

Selon une étude du Center for American Progress (CAP), un think tank démocrate, les groupes qui avaient majoritairement voté pour le sénateur démocrate en 2008 – les Noirs, les Latinos – sont en expansion. Cette évolution pourrait lui permettre de compenser la désaffection déjà largement constatée en 2008 des Blancs non diplômés, une catégorie dont la part est en diminution dans la population. En 2008, les minorités représentaient 18 % de l’électorat. Le CAP estime que leur part sera de 28 % en 2012. La représentation de la classe ouvrière blanche – une catégorie qui, depuis Ronald Reagan, vote majoritairement républicain – ne cesse de s’éroder : elle est passée de 50 % à 39 % en dix ans. En 2008, Barack Obama avait remporté 43 % du vote des Blancs.

Malgré les désillusions récurrentes des uns et des autres, Obama devrait pouvoir compter sur ses soutiens de 2008. Il en veut pour preuve le nombre de petits donateurs – plus d’un million – qui ont déjà contribué à sa campagne. Avec près de 100 millions de dollars collectés fin octobre, M. Obama avait plus d’argent que tous ses adversaires réunis. Le héros de 2008 est parti à la reconquête des déçus. Il leur fait miroiter que, élu pour un deuxième et dernier mandat, il pourra se montrer le réformateur qu’il n’a pas pu – ou pas osé – être. C’est oublier qu’il devra probablement continuer à composer avec un Congrès hostile : une des Chambres, au moins, devrait rester aux mains des républicains.

Pour Barack Obama, l’élection va se jouer sur une équation simple : l’avance que lui donne la démographie sera-t-elle suffisante pour compenser le handicap que constitue l’état de l’économie ? A tous ses partisans de 2008, il a lancé un conseil, le 12 décembre, dans une interview télévisée : “Ne me comparez pas au Tout-Puissant. Comparez-moi à l’alternative.”

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