Obama and the King of Bain’s Tax Return

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Nous ne dédaignons pas le succès financier dans ce pays. » Pour son troisième discours sur l’état de l’Union, mardi soir au Capitole, Barack Obama n’a pas déclaré la guerre au « monde de la finance ». Glissant rapidement sur une réforme de Wall Street aux fruits improbables, il a préféré insister sur la renaissance des « big three » de Detroit et la mort d’Oussama ben Laden. Tout en faisant de l’équité fiscale le thème central de sa campagne à venir, il s’est bien gardé d’évoquer directement le « King of Bain », Mitt Romney, ou son rival républicain Newt Gingrich, auréolé de son récent succès en Caroline du Sud. Non ! Son véritable « adversaire sans visage », c’est plutôt l’inertie d’un Congrès prisonnier de ses clivages. A dix mois de l’élection du 6 novembre, Barack Obama a voulu se placer au-dessus de la mêlée en plaidant pour davantage de justice fiscale. Au risque, parfois, de se servir de l’immobilisme du Congrès comme d’un paravent.

« Le principal coup dur asséné au climat de confiance dans notre économie l’année dernière n’est pas venu d’événements hors de notre sphère de contrôle. Il est venu d’un débat à Washington sur le fait de savoir si les Etats-Unis doivent ou non payer leurs factures. A qui profite ce fiasco ? », s’est interrogé le 44 e président des Etats-Unis. La petite phrase en dit long sur l’amertume présidentielle. Pour Barack Obama, la perte du AAA américain n’est pas anecdotique. Souvent critiqué pour son côté « cérébral pur » ou hésitant, le président démocrate rejette volontiers sur l’appareil bureaucratique de Washington la responsabilité d’une grande partie des échecs ou des frustrations de son premier mandat. Mais l’impression que l’Amérique est en stand-by domine depuis plusieurs mois. Et l’administration démocrate n’en sort pas forcément indemne. Même si elle a remporté une victoire tactique mineure, à la veille de Noël, en forçant les républicains à accepter l’extension de la baisse des cotisations sociales pour deux mois, l’administration Obama n’a plus engagé de chantier majeur depuis les élections de mi-mandat de 2010. Certes, l’actuel président peut se retrancher derrière l’obstructionnisme systématique de la majorité républicaine à la Chambre. Mais c’est un alibi facile aux yeux des indépendants, déçus par la timidité de la réforme du secteur financier.

Force est de constater que le troisième discours sur l’état de l’Union de l’auteur de « L’Audace d’espérer » manque singulièrement d’audace par rapport au début de mandat. Ni l’idée de favoriser le retour des emplois industriels sur le sol américain, ni la relance des énergies propres ne sont vraiment nouvelles ou particulièrement clivantes. Seule la promesse de la « Buffett rule » sur l’imposition des millionnaires aura vraiment frappé les esprits. En clair, Barack Obama propose d’instaurer un taux effectif minimal de 30 % pour tous les revenus annuels supérieurs à 1 million de dollars. « Vous pouvez appeler cela de la lutte des classes si vous le souhaitez. Mais demander à un milliardaire de payer au moins autant d’impôt que sa secrétaire s’appelle du bon sens commun pour la plupart des Américains », a insisté Barack Obama au Capitole. Las ! Suggérée dès l’été 2011 par le milliardaire d’Omaha lui-même, la fameuse « règle Buffett », bien que soutenue par une majorité de 52 % d’Américains selon un récent sondage CBS-« New York Times », est encore restée dans les limbes jusqu’ici. En la remettant au centre du débat électoral, Barack Obama vise surtout à discréditer celui qu’il considère comme son adversaire le plus crédible dans la course à la Maison-Blanche. C’est bien pourquoi son appel en faveur de la justice fiscale a été lancé le jour même où le favori républicain, Mitt Romney, menacé sur sa droite par le « populiste » Newt Gingrich en Floride, a dû rendre publique sa feuille d’impôt, révélant un taux d’imposition effectif de 13,9 % en 2010. Certes, l’ancien patron de Bain Capital a versé 4 millions de dollars à l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (mormons). Mais son régime privilégié n’en tranche pas moins avec l’esprit de la « règle Buffett ». Pour autant, on peut se demander pourquoi l’administration démocrate n’a pas réussi à faire aboutir la réforme de la fiscalité des plus-values et le traitement privilégié des gérants de fonds spéculatifs et de sociétés de capital-investissement lorsqu’elle avait encore la majorité au Congrès. Difficile aussi de promettre l’équité fiscale lorsqu’on n’a toujours pas réussi à encadrer les bonus de Wall Street en trois ans.

Rien n’est joué. « Obama est tellement faible qu’il fait apparaître Jimmy Carter fort », assure le candidat favori des évangéliques, Newt Gingrich. Formule percutante, mais historiquement inexacte. Avec une cote de popularité moyenne de 44 % pour sa troisième année de pouvoir selon Gallup, Barack Obama reste derrière Bill Clinton (47,5 %) et G. W. Bush (59,6 %), mais loin devant Jimmy Carter (37,4 %). Si son image reste singulièrement faible auprès des indépendants (avec seulement 37 % de satisfaits contre 56 % de déçus), le président sortant conserve un avantage potentiel décisif sur le « King of Bain », dont l’image de présidentiable reste fragile. Bien que la Réserve fédérale semble encore douter de la vigueur de la reprise américaine, le recul du chômage à 8,5 % pourrait se révéler un levier nettement plus puissant que la promesse de « règle Buffett ». A condition que la reprise de l’emploi se confirme dans les prochains mois et que l’équipe Obama parvienne à combler son déficit de crédibilité auprès des indépendants. « It’s not only the economy, stupid !… », comme disait Bill Clinton.

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