Les primaires républicaines – Le salissage
Serge Truffaut 24 janvier 2012 États-Unis
Le combat que se sont livré les prétendants à l’investiture républicaine lors de la campagne afférente au caucus de la Caroline du Sud et celui qui se poursuit en Floride ont mis en lumière un sursaut. De quoi? L’assassinat politique du concurrent. CQFD: tous les coups sont permis.
Après avoir mordu la poussière dans les primaires antérieures, voilà que Newt Gingrich a doublé, et plus que doublé, Mitt Romney, le candidat préféré de l’establishment du Parti républicain. Il l’a emporté en concentrant énergies et flot d’argent au dénigrement, au salissage de ce Romney qui a fait fortune en dépeçant des entreprises lorsqu’il était le patron du fonds d’investissement Bain Capital; de ce Romney trop modéré pour gouverner les États-Unis; de ce Romney plus proche des idéaux démocrates que de ceux que cultivent les militants républicains de base; enfin de ce Romney un tantinet socialisant, ainsi que l’illustre le régime d’assurance santé qu’il a mis sur pied alors qu’il était gouverneur du Massachusetts. Bref, Gingrich a vaincu en déployant la stratégie de la canonnière, tous azimuts.
Afin de ne pas être en reste, et alors que tous les prétendants ferraillent d’ores et déjà en Floride, Romney a amorcé une contre-offensive au diapason de celle arrêtée par Gingrich en Caroline du Sud. Mais encore? Tant qu’à être sales, soyons-le carrément. Gingrich est habité par les forces de la destruction, ainsi qu’en témoigne son passé de leader des républicains au Congrès dans les années 90; il a abandonné ses deux premières femmes alors qu’elles combattaient la maladie; il fut consultant de Freddie Mac, assureur hypothécaire, lors de la débâcle des subprimes; il n’est pas assez discipliné pour observer les devoirs qu’exige une campagne aussi longue; il est si versatile qu’il aligne une idée par minute, mais demeure incapable de les coordonner et encore moins de les appliquer.
Le récent déroulement de cette lutte est l’illustration d’une culture politique quelque peu malsaine. Une culture que Karl Rove a articulée, déployée, alors qu’il était le conseiller de Bush fils lorsque celui-ci se porta candidat au gouvernorat du Texas au milieu des années 90. En clair, la stratégie de Rove consista à désinformer les électeurs de cet État en usant du mensonge, en confectionnant des légendes dans les 48 heures précédant le jour du scrutin, dans le but évidemment d’abattre Ann Richards, gouverneur alors en poste. Lors des primaires de l’an 2000, Rove récidiva en ciblant cette fois John McCain. Chaque fois, cette perversité politique s’avéra rentable.
Il y a peu, dans un article paru dans le New York Times, l’auteur soulignait que de récentes études consacrées aux campagnes politiques confirmaient que salir l’adversaire était plus efficace que, mettons, lancer un débat d’idées. On sait que le dénigrement a existé de tout temps, mais, au cours des seize dernières années, il a rarement atteint le degré observé aux États-Unis durant la dernière semaine. Romney, Gingrich, Santorum et Paul ont plus échangé des accusations qu’ils n’ont disserté sur les moyens susceptibles de requinquer l’activité économique. Ils se sont plus injuriés qu’ils n’ont échangé sur la politique étrangère. Ils ont plus fait de procès en sorcellerie religieuse que dialogué sur les questions environnementales ou autres. En fait, les couteaux ont volé si bas qu’ils ont transformé la scène politique en théâtre du pitoyable.
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