It’s Not Only About the Economy, Stupid!

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“It’s about the economy stupid”, avait lancé le conseiller de Bill Clinton, James Carville, après la défaite fracassante du président sortant George Bush père, chassé de la Maison Blanche par les électeurs malgré son halo de vainqueur de la première guerre du Golfe. Depuis, les experts es sciences électorales invoquent à tout propos cette phrase pour asséner que l’état de l’économie américaine sera l’enjeu central et omniprésent de l’élection de novembre 2012. Ils n’ont pas tort, bien évidemment. La question de l’emploi et de la dette sont clairement au coeur des préoccupations de l’Amérique.

Mais cette lecture des enjeux manque de nuances et occulte l’importance des incontournables batailles sur “les valeurs”. La stupéfiante passe d’armes qui s’est jouée cette semaine entre l’administration et la hiérarchie catholique américaine à propos d’une disposition de la loi d”Obama sur la santé, qui prévoyait de forcer hôpitaux et autres institutions catholiques à assurer le remboursement des pilules contraceptives de leurs employés, démontre avec éclat à quel point les guerres “culturelles” et la question des “valeurs” restent présentes dans le débat politique.

Comme je l’ai déjà noté plusieurs fois dans ce blog, Dieu n’est jamais loin dans le débat politique américain et y déclenche régulièrement des tempêtes. Or c’est bien un véritable ouragan qui a soufflé ces derniers jours quand un front formé d’évêques catholiques menés par l’archevêque Timothy Dolan, de maintes organisations religieuses, des candidats présidentiels républicains et même d’une partie du camp Obama, se sont mobilisés pour faire plier la Maison Blanche.

La décision, annoncée en août par la secrétaire à la santé Kathleen Sibelius, de faire porter aux organisations catholiques (tels que des hôpitaux ou des établissements universitaires) le poids du remboursement d’actes de contraception (ou de stérilisation) en contradiction avec leurs convictions éthiques, a été présentée comme une atteinte flagrante à la liberté religieuse. Ce vendredi, lors de la conférence annuelle des conservateurs (CPAC), les candidats Mitt Romney et Rick Santorum s’emparaient avec délice du sujet pour dénoncer un président ‘antireligieux” qui souhaiterait donner à l’Etat le pouvoir de “s’immiscer dans la vie des gens” et “les contrôler”. Il s’agit tout bonnement d’une mesure anti-constitutionnelle, s’est écrié le chrétien conservateur Rick Santorum, promettant de protéger les droits d’une nation qui “les tient de Dieu, pas d’un quelconque gouvernement”.

Un tel tollé, bien évidemment impensable en France, où le remboursement de la contraception ne fait pas dresser un sourcil depuis des années, reflète les divisions d’une Amérique, où une partie de l’électorat, en général démocrate, plaide pour le droit individuel des femmes à planifier sa sexualité, tandis que l’autre Amérique parle de la liberté de religion. A écouter les deux parties ferrailler sur les chaînes de télévision et de radio, on avait l’impression d’un dialogue de sourds, chacun défendant sa Vérité morale et politique bruyamment.

Mais le président a finalement dû céder à la pression des catholiques et de la droite ce vendredi, quand il a fait une rare apparition dans la salle de presse de la Maison Blanche pour annoncer une formule de compromis.

Soucieux de ne pas envenimer une querelle avec l’électorat catholique, qui risquerait de lui coûter très cher en novembre, il a proposé, l’air sombre, que les compagnies d’assurance assument le coût de la contraception au lieu d’imposer aux établissements et hôpitaux catholiques de payer. Ce rétropédalage risque d’être critiqué par les milieux féministes, la puissante organisation du Planning familial et la gauche du parti démocrate, mais la Maison Blanche a visiblement jugé qu’elle ne pouvait se permettre de laisser les Républicains s’emparer de ce boulevard politique. Plusieurs organisations catholiques, proches de l’administration, dont Soeur Carol Keehan, patronne d’un groupement d’hôpitaux catholiques, ont visiblement poussé à réagir rapidement, jugeant catastrophique cet affrontement en pleine période électorale. Il semble que le dossier ait été très mal géré à la Maison Blanche, où le président n’avait pas été suffisamment briefé. “C’était une mauvaise décision sur le principe et sur le plan politique”, a souligné la Soeur Keehan. Je l’ai dit au président”. Le vice-président Joe Biden, un catholique, aurait également mis tout son poids dans la balance pour concocter un compromis rapide.

Vendredi Barack Obama avait l’air fatigué et quelque peu exaspéré de se retrouver sous le feu de critiques enflammées l’accusant d’un agenda anti-religieux. “L’électorat catholique est un électorat charnière, susceptible de basculer d’un côté ou de l’autre, c’est un vrai danger pour OBama”, confiait jeudi le conservateur Richard Viguerie, grand spécialiste de marketing politique. Deux des principaux candidats républicains à la présidence, Rick Santorum et Newt Gingrich sont catholiques. Mais l’électorat – une force certaine de 70 millions de personnes – vote pour les deux partis. En 2008, 54% des catholiques avaient choisi Barak Obama.

Au delà de la question de lélectorat catholique, cet incendie, qui n’est visiblement pas éteint (les évêques viennent de publier un communiqué dans lequel ils affirment ne pas avoir obtenu satisfaction car la loi exige toujours des Américains d’acheter, et des assureurs privés de payer, pour des stérilisations et des formes de contraception contraires à leurs convictions) reflète l’ADN de l’Amérique, cette Nation, située à la droite du centre, pour laquelle la religion est si centrale. Dans un pays où 70% des Américains vont à la messe le dimanche et où à peu près le même nombre dit les grâces avant chaque repas, le président dispose d’une marge de manoeuvre soigneusement bordée par les groupes religieux, rappellent les auteurs John Micklewaith et Adrian Woolbridge, deux journalistes du journal Economist, dans un passionnant ouvrage sur la “Nation de droite” (The Right Nation, Penguin press), publié en 2004. Ils y rappellent que la droite chrétienne dispose de quelque 200 chaînes de télévision à travers l’Amérique et de près de 1500 radios!

Dans un tel pays, it can’t be only about the economy stupid!

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