This Is Sport! — LINdispensable and LINdescribable

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C’est du sport! – Linattendu, linestimable et lindescriptible

Jean Dion — 16 février 2012

Comment devient-on une célébrité instantanée? Une overnight sensation, comme ils disent là-bas? Voici un exemple, pratiquement trop beau pour être vrai, mais le merveilleux monde du sport™ est conçu pour ça, nous faire sentir tout chaud au dedans du corps, non?

Depuis quelques jours, il est devenu radicalement impossible de circuler dans la grande sphère sans croiser le nom de Jeremy Lin. Les États-Unis ne se peuvent juste plus à son sujet, et l’ensemble de la planète basketball, qui demeure fort densément peuplée, n’a pas tardé à entrer dans la danse. Un véritable phénomène.

Lin est âgé de 23 ans, né en Californie de parents originaires de Taïwan. Six pieds trois pouces, 200 livres, un petit gabarit dans le monde de géants de la NBA. Une belle tête: diplômé en économie de l’Université Harvard, où il s’illustre sous les paniers.

En 2010, aucun club ne jette son dévolu sur lui au repêchage amateur de la NBA. Joueur autonome, les Mavericks de Dallas lui offrent un essai estival, mais ils ne le retiennent pas. Lin se retrouve avec les Warriors de Golden State, l’équipe de son patelin, mais il y réchauffe le banc pour l’essentiel, ne disputant que 29 matchs pendant la saison 2010-2011.

Libéré par les Warriors, Lin est récupéré par les Knicks de New York en décembre dernier. Les Knicks sont extrêmement populaires dans la cité qui ne dort jamais, mais ils sont aussi l’objet de nombreuses blagues pas toujours flatteuses en raison de leurs insuccès chroniques, eux qui n’ont pas remporté le championnat depuis 1973. À N.Y., Lin, un homme très croyant qui dit devoir à sa foi de n’avoir jamais songé à abandonner malgré les revers de fortune et en cela est fréquemment comparé à Tim Tebow, est encore un réserviste.

Jusqu’à ce que.

Le 4 février, les blessures qui s’accumulent dans son équipe forcent la main de l’entraîneur Mike D’Antoni: il confie à Lin le titre de partant au poste de garde de pointe face aux Nets du New Jersey. Le jeune homme répond à l’appel en inscrivant 25 points dans une victoire de 99-92.

Puis, le 6 février, 28 points. Le 8, 23. Le 10, 38. Le 11, 20. Mardi soir à Toronto, les Knicks tiraient de l’arrière 87-84 avec un peu plus d’une minute à jouer. Lin s’est chargé de combler l’écart, puis a tranché avec un tir de trois points avec une demi-seconde à écouler au temps réglementaire — hum, linextremis? —, 27 points au total. Gain de 90-87, et la légende continuait de grossir. New York, qui avait démarré la saison avec un rendement de 8-15, venait d’en gagner six de suite. (Les Knicks recevaient hier soir les Kings de Sacramento au Madison Square Garden.)

Un phénomène, disions-nous? En quelques jours, Jeremy Lin est passé de 20 000 à plus de 300 000 abonnés Twitter. Son maillot numéro 17 des Knicks est désormais le plus vendu de tous les joueurs de la NBA. La boutique en ligne de l’équipe rapporte une augmentation des ventes de l’ordre de 3000 %. Les gens se bousculent pour créer des jeux de mots (souvent discutables) avec son nom. Lincredible. Linpossible. Linderella. Lintelligence. Linstantaneous. La frénésie qu’il suscite? Linsanity.

Tout ça pour un gars qui, fraîchement arrivé dans la Grosse Pomme, confiait qu’il y a peu, il dormait encore sur le sofa dans l’appartement de son frère.

Pour la NBA, cette histoire constitue évidemment un sacré baume. Du point de vue relations publiques et lien avec les fans, le circuit a encore beaucoup à faire après un lock-out de plusieurs mois qui a repoussé le début de la saison régulière à Noël et forcé un calendrier écourté de 66 matchs. Et il cherche à rejoindre la population asiatique.

Un baume qui atteint les plus hauts niveaux. Hier, le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney a fait un détour pour souligner que le président Obama, un grand amateur de basketball, suivait de près les exploits de Lin et s’en trouvait «très impressionné».

Mais la nouvelle sensation est-elle vraiment sortie de nulle part, comme tout le monde le prétend? Lundi, le cinglant satiriste Stephen Colbert, animateur du désopilant Colbert Report sur Comedy Central, a déclaré qu’il adhérait à la Linsanity et a proposé du linoleum à l’effigie du joueur, en rigolant: «Voilà exactement ma définition de “nulle part”: Harvard!»

Reste seulement à voir si ce conte de fées va durer. Mais en attendant, comme disait le poète linspiré: wow.

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