Je suis sous le coup de la lecture d’un excellent éditorial publié dans le Wall Street Journal.
Brooks explique, en gros, que le projet de budget de Barack Obama est une fois de plus irresponsable. Il repousse aux calendes grecques (c’est le cas de le dire) le retour à une politique réduisant de manière crédible la dette publique. Il continue de couvrir de prestations financées par l’emprunt, une classe moyenne accroc et dépendante de transferts qu’elle ne veut pas payer par l’impôt. Il entretient le mythe, manifestement en vogue ailleurs aussi, selon lequel il suffit d’augmenter les taxes sur les riches pour résoudre tous les problèmes.
Mais surtout Brooks mentionne une extraordinaire expérience réalisée en 1972 par le psychologue Walter Mischel de l’Université de Stanford. L’épisode est semble-t-il connu. Mais je le découvre aujourd’hui: dans une pièce il a réuni de jeunes enfants autour d’une table. Sur la table: un sac de bonbons à la guimauve. Il leur a expliqué: “Si vous avez la volonté d’attendre 15 minutes, vous pourrez manger deux bonbons. Si vous n’avez pas ce courage, vous n’en aurez qu’un”.
Naturellement la plupart des enfants a choisi de manger un bonbon immédiatement.
Le plus intéressant est ailleurs ! Mischel a suivi ensuite ces enfants jusqu’à leur vie adulte…Ceux qui avaient très jeune le courage et la volonté de différer leur satisfaction ont mieux réussi professionnellement et socialement. La drogue, le chômage, l’échec ont davantage frappé ceux qui n’ont pas su résister à leur envie immédiate.
La social-démocratie d’Obama, dans laquelle se reconnaissent tant de français, consiste à dire aux électeurs: ne payons pas tout de suite, mais continuons de nous gaver. L’explosion de 40% de la dette publique depuis 2008 ? “c’était nécessaire pour éviter la dépression”. Encore 8% de déficit cette année en proportion du PIB ? “il faut continuer à relancer la demande”. La perte du AAA par l’Amérique ? “une sanction qui n’était pas méritée”.
Prêcher l’austérité aujourd’hui aux États-Unis est devenu politiquement trop dangeureux. Les sondages montrent que les républicains voient leur popularité reculer. Leur message plus ou moins orthodoxe (j’y reviens plus loin) en matière fiscale passe pour du masochisme. Obama est en train de convaincre ses concitoyens qu’il ne faut surtout pas réduire les dépenses publiques. Il souhaite en revanche taxer plus les millionnaires. Sa définition du millionnaire ? “celui qui gagne plus de 250.000 dollars par an”.
L’épisode de la guimauve est en fait une illustration de la même leçon que la fable de la cigale et la fourmi. La cigale social-démocrate est gentille. La fourmi capitaliste est méchante. La cigale veut l’égalité et l’équité. La fourmi pense au travail et ne veut pas redistribuer la richesse qu’elle a crée. La cigale chante aujourd’hui sans penser à demain. Comme les grecs l’ont fait longtemps, mieux que tous les autres peuples de pays démocratiques avancés. Angela Merkel est une horrible fourmi qui refuse de payer avec l’argent qu’elle a gagné par son sacrifice et son travail, pour aider les cigales de l’Europe du sud. Je shématise, je caricature, mais l’idée est là.
Pour être honnête, les républicains ne sont pas de vraies fourmis. D’abord parceque leurs prétendants à la Maison blanche refusent de dire où et comment ils vont réduire les dépenses publiques. Ensuite parcequ’ils continuent de dire qu’il faut baisser les impôts. Les républicains prétendent penser aux lendemains qui déchantent, mais fondamentalement ils se voilent aussi la face, à l’exception de quelques uns, qui ne sont pas candidats à la Maison blanche, comme Paul Ryan. Ce dernier ose dire comment on pourrait réduire durablement les dépenses publiques qui explosent: dans le domaine de la santé et des retraites. Son plan est discutable, mais il a le mérite d’exister.
Dernier point: il faut bien comprendre que ce que souhaitent les démocrates et les sociaux-démocrates européens, consiste à ne pas s’attaquer à la racine du mal. Ce sont eux les “conservateurs”. Ils veulent préserver l’État providence en sur-taxant “les riches”. Ces derniers ont souvent (peut-être pas toujours) beaucoup travaillé pour s’enrichir. Mais peu importe, au nom de l’équité, il faut les sanctionner pour donner à ceux qui ont préféré chanter et danser.
L’imposture consiste à faire croire que seule la ponction infligée aux “profiteurs et aux nantis” suffira pour sauver l’État providence et restaurer l’équité. Or en fait c’est à toute la classe moyenne qu’il faut faire payer plus. Hélas il n’y a pas assez de fourmis pour nourrir toutes les cigales à la guimauve.
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