Empêtré jusqu’au cou dans la guerre en Afghanistan, le gouvernement américain découvre à ses dépens que ce sont les soubresauts du terrain, et non les plans bien ordonnés du Pentagone, qui dictent sa politique dans la région. Coup de sang «tragique et consternant», selon les propres termes du président Barack Obama, le massacre perpétré dimanche à l’aube par un GIdans la province de Kandahar, pourrait même sonner le glas de toute présence américaine en Afghanistan dans un avenir proche.
Washington et Kaboul venaient d’enregistrer un premier succès vendredi dans le cadre des pourparlers autour d’un «partenariat stratégique» censé définir le cadre de la présence américaine à long terme en Afghanistan au-delà du retrait prévu des forces combattantes en 2014: le transfert de responsabilité vers les autorités afghanes de la prison de Bagram, là même où des exemplaires du Coran avaient été incinérés accidentellement en février, provoquant des manifestations meurtrières à travers le pays.
L’Afghanistan exigeait en préalable à la signature de tout accord la remise des clés de tous les centres de détention étrangers sur son territoire, et la fin immédiate des raids héliportés nocturnes de l’Otan, qui font régulièrement des victimes civiles. Mais l’essentiel pour l’Administration Obama semblait acquis: la perspective d’un retrait en douceur de ses 90.000 hommes étalé sur deux ans. Au-delà de cette échéance, quelques centaines d’instructeurs américains resteraient pour finir de former l’armée afghane.
Grande émotion
Cette ébauche de réconciliation entre deux alliés à couteaux tirés ne tient désormais plus qu’à un fil. Le président Hamid Karzaï n’a eu d’autre choix que de relayer la colère populaire, en dénonçant «un acte impardonnable».
La signature d’un accord de partenariat stratégique risque-t-elle d’en être pour autant retardée? «Il s’agissait d’un acte individuel isolé, tempère Abdul Hadi Arghandihwal, le ministre afghan de l’Économie. Cela devrait déclencher de nombreuses manifestations, mais ne changera rien aux décisions de notre gouvernement dans sa relation avec les États-Unis.» Le Parlement afghan n’en a pas moins appelé à un procès public de l’auteur de la tuerie sur place, une suggestion poliment ignorée par les autorités américaines.
Le massacre soulève aussi une grande émotion aux États-Unis, au moment où les Américains, en pleine campagne présidentielle aux relents isolationnistes, s’interrogent sur le sens de leur engagement en Afghanistan. Dans un sondage daté de lundi, 60% des personnes interrogées estiment que la guerre engagée en 2001 n’en valait pas la peine. «N’oublions pas que nous sommes allés en Afghanistan, car c’est là que les attentats du 11 Septembre ont été conçus», objecte Maria Cardona, stratège démocrate du Dewey Square Group. «Cela fait longtemps que nous aurions dû quitter l’Afghanistan, rétorque Will Cain, consultant conservateur pour CNN. Nous n’y avons jamais eu d’objectifs stratégiques clairement définis, et nos soldats continuent de mourir pour rien.»
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