Bizarre affaire que ces primaires républicaines, avec tous ces candidats qui feraient passer George W. pour un dangereux progressiste, le seul qui soit présentable étant… un mormon!
Il y a plus bizarre encore. Saviez-vous que Mitt Romney, ledit mormon qui pourrait sauver le Parti républicain du ridicule, parle très bien français?
Vous l’ignoriez? Rien d’étonnant. Ce qui constituerait un bel atout pour un politicien dans n’importe quel pays est au contraire le secret le mieux gardé de la campagne Romney.
Dans ce pays dont presque tous les présidents ont été unilingues (exceptions : Jefferson, qui vécut à Paris à la fin du XVIIIe siècle, et George W., qui parlait « mexican », comme il disait), la connaissance d’une langue étrangère est un handicap politique.
Le démocrate John Kerry, qui parlait français, en a fait les frais en 2004. Et le fait d’avoir prononcé quelques mots en mandarin durant un débat a fait dérailler l’éphémère campagne de Jon Huntsman aux primaires républicaines.
Non seulement ce dernier, ancien ambassadeur en Chine, était-il considéré comme trop libéral, mais le républicain lambda a été horrifié par ce qu’on appelle maintenant le « mandarin moment » de Huntsman, comme on dit « a senior moment » à propos d’un trou de mémoire.
Ses propos en mandarin étaient « ridicules », décréta Donald Trump, tandis que des loustics le baptisaient « China Jon » ou « The Mandchurian candidate ».
Le français, c’est encore pire : ça vous donne un petit côté sulfureux, ça évoque le libertinage et la frivolité, les orgies au champagne et les Folies bergères, le snobisme et le communisme… Une pub négative de Newt Gingrich contre Romney se termine, sur fond d’accordéon, par les mots « And on top of it, he speaks French! », comme pour dire que de tous ses défauts, celui-ci est le pire!
C’est lors d’un premier séjour en Chine, comme missionnaire mormon, que Hunstman avait appris le mandarin. De la même façon, Mitt Romney a appris le français durant les deux années qu’il a passées comme jeune missionnaire en France.
Les mormons sont de drôles de bêtes, qui n’ont rien à voir avec leur image folklorique. Loin d’être une secte polygame et attardée, les mormons d’aujourd’hui sont au contraire, pour la plupart, rigoureusement monogames, et plus instruits que la moyenne.
Plus sages aussi… et c’est peu dire! Ils sont « abstinents » mur à mur : pas de tabac, pas d’alcool, pas de café ni même de thé… et pas de rapports sexuels en dehors du mariage.
Le travail missionnaire fait partie de l’entraînement d’un bon jeune mormon, et c’est ainsi qu’en 1966, Mitt Romney s’est retrouvé affecté à 21 ans à la mission française, d’abord à Bordeaux, puis à Paris.
Il a appris le français jusqu’à le parler « presque sans accent », racontent des témoins au Monde, en faisant du porte-à-porte dix heures par jour pour tenter de convertir les Français. Sans succès, bien sûr : quoi, pas de vin, pas de p’tit noir, pas de p’tites pépées, pas de Gauloises? Non mais!
Le pauvre s’est en outre trouvé confronté à Mai 68, un événement stupéfiant, « à l’opposé des valeurs d’ordre et de civilité que nous voulions propager », rappelle l’un de ses compagnons de l’époque. Autre expérience marquante : il s’est résolu à manger du coq au vin, après qu’on lui eût expliqué que l’alcool s’évapore du vin cuit.
Malgré ces déconvenues, le jeune Romney s’est signalé par son sérieux, son dévouement et un sens de l’organisation exceptionnel, au point d’assumer à 23 ans la présidence de la mission…
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