The “Canyon” Between the American and French Right

Edited by Lydia Dallett

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Le fossé entre la droite américaine et la droite française n’a jamais été aussi grand. En temps normal les français ont du mal à comprendre les républicains. La défense du droit à acquérir et détenir (ce n’est pas la même chose que le port…) des armes, le refus du principe de couverture universelle par l’État des dépenses de santé, l’opposition au principe d’une carte nationale d’identité…autant de sujets qui laissent pantois les électeurs de Nicolas Sarkozy. Et même ceux de Marine Le Pen.

La tournure prise ces derniers jours par les campagnes présidentielles de part et d’autre de l’Atlantique aggrandit le “canyon” entre les convictions et les valeurs des républicains américains et des celles des droites françaises.

J’écoutais tout à l’heure une ministre française défendre le droit à l’accès gratuit, anonyme et confidentiel à la contraception pour les mineurs. Cette position est inimaginable aux États-Unis pour un républicain et même pour nombre de démocrates.

Ce qui m’intéresse le plus en tant que journaliste, est la nécessité de faire comprendre à mes lecteurs qu’il faut qu’ils abandonnent leur désir instinctif de retrouver aux États-Unis leurs repères français. Ron Paul n’a rien à voir avec Le Pen. Barack Obama est plus à droite que Nicolas Sarkozy. Il faut cesser de prendre les américains pour des fous parcequ’ils ne sont pas comme les français. Il faut accepter que des pays de cultures et d’histoires différentes produisent des candidats profondément différents. Je suis choqué du complexe de supériorité de nombre de français à l’égard des américains, qualifiés de “grands enfants” ou de “barbares” à tout bout de champ. Acceptez la différence. La France, ni même l’Europe, ni l’Amérique ne sont le centre du monde civilisé. Le monde est diversifié.

Tous les systèmes politiques ne convergent pas vers un “modèle français” que chaque nation rêverait de copier. Je dis la même chose aux américains: “cessez de croire que le monde veut devenir comme vous”.

L’exemple le plus frappant de l’écartement entre les deux pays est la manière dont le populisme sévit. Le populisme américain est d’abord libertarien, favorable à la libre entreprise et l’individualisme, anti-taxation, anti-État. Il dérive parfois dans la xénophobie anti-immigration, mais pas toujours. Il prétend s’inspirer des pères fondateurs de l’Amérique. C’est le Tea Party.

Ce “populisme de droite” n’existe pas en France. Les électeurs du Tea Party passent en France pour des extra-terrestres. C’est dommage car si l’on prenait la peine d’écouter leur raisonnement, on pourrait mieux comprendre leur vision du monde, si arbitraire ou fausse qu’elle puisse paraître.

Mais il y a aussi aux États-Unis un mouvement populiste à gauche qui dénonce avec colère les inégalités de revenus et de conditions. Les démocrates tentent de le récupérer depuis quelques mois. Il est moins puissant, mais la presse qui est largement pro-démocrate s’en fait beaucoup l’écho. Ce populisme-là est en partie inspiré d’Europe. Il est au coeur de la campagne de plusieurs candidats en France aujourd’hui à droite comme à gauche.

L’idée qu’un candidat de droite aux États-Unis puisse faire de l’augmentation des impôts et de l’invention quotidienne d’un nouvel impôt plus malin que les autres impôts, un axe de sa campagne est parfaitement impensable. Surtout dans le contexte de la fiscalité déjà très lourde qui sévit en France.

L’absence de débat approfondi en France à droite sur la manière de réduire les dépenses publiques est tout aussi incompréhensible pour le républicain. L’américain de droite a l’impression que la droite française a d’emblée concédé à la gauche la supériorité morale de ses arguments: l’État doit redistribuer les richesses, l’initiative privée est cause d’inégalités, si les riches sont riches c’est qu’ils ont volé l’argent quelquepart.

Le recours à la fiscalité, non pas simplement pour lever des recettes, mais pour appauvrir les riches, s’appelle ici “social engineering”. C’est un terme hautement péjoratif dans la bouche de l’américain moyen, car c’est une théorie qui admet que le modèle américain est fondamentalement faussé. La liberté individuelle et la responsabilité des citoyens conduiraient à une société de classes ? Le républicain ne veut pas le croire. Mais surtout il veut croire que laisser l’État corriger ces “inégalités” est pire que le mal !

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