Banks: The American Exception

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PAR FRANÇOIS VIDAL

Banques : l’exception américaine

Jamie Dimon est en passe de gagner. En septembre, le patron de la première banque américaine, JPMorgan, réclamait que son pays n’applique pas Bâle III, qu’il s’abstraie de ces nouvelles règles prudentielles qualifiées par le banquier « d’antiaméricaines ». Il pourrait bien obtenir gain de cause. La Réserve fédérale l’a annoncé mercredi soir, l’entrée en vigueur de ces normes plus strictes est différée aux Etats-Unis. La messe n’est pas encore dite, mais on voit bien que le caractère universel de Bâle III a du plomb dans l’aile. Alors que l’Europe pousse les feux sur le sujet, les Etats-Unis, eux, traînent les pieds.

S’il fallait une preuve que Wall Street n’a pas perdu tout pouvoir d’influence sur Washington, malgré la crise financière du siècle, elle est apportée. Les banquiers de l’Oncle Sam sont certes loin d’avoir retrouvé leur splendeur d’avant 2007. Il est clair, en revanche, que leur capacité de lobbying est restée intacte. A vrai dire, cela faisait quelque temps déjà que l’on s’en doutait. La bataille menée pour atténuer la portée de la réforme de la régulation financière américaine, la fameuse loi Dodd Frank, en avait donné un aperçu. La « Volker rule », qui oblige les banques à se séparer de leurs activités les plus spéculatives, n’est d’ailleurs pas sortie indemne de cet intense travail de sape. Mieux, on est désormais certain qu’elle ne sera pas appliquée dans les temps, c’est-à-dire d’ici au 21 juillet. Et, là aussi, aucune nouvelle échéance n’a été arrêtée.

Du coup, c’est un paysage réglementaire à deux vitesses qui se dessine pour la banque mondiale. Avec des établissements américains disposant de règles un peu plus strictes que par le passé, mais tout de même bien plus « light » que celles qui vont s’imposer à leurs confrères européens en matière de fonds propres. Un retour à la situation qui prévalait entre 2004 et 2007, en quelque sorte. C’est la porte ouverte à des arbitrages réglementaires massifs pour les acteurs les plus agressifs, qu’ils soient américains ou européens, d’ailleurs. C’est aussi, et peut-être surtout, la mort annoncée de l’ambition née au lendemain de la faillite de Lehman Brothers d’une régulation du système financier harmonisée à l’échelle planétaire, véritable rempart contre les excès de la finance. Et, facteur aggravant, c’est précisément le pays d’où est partie la crise financière en 2007 qui pourrait, in fine, conserver les règles les plus permissives.

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