Regulation: Wall Street’s Triumph

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Régulation : la victoire de Wall Street

Ecrit par

François VIDAL

Le 11 avril 2007, New Century Financial, le numéro deux des crédits « subprime », faisait faillite, qui s’en souvient ? Cette déconfiture ouvrait pourtant la crise du siècle. Elle révélait aussi au grand jour les conséquences désastreuses des lacunes de la réglementation financière américaine, incapable de prévenir les abus de Wall Street. Cela fait cinq ans maintenant, jour pour jour, et pourtant l’indispensable réforme du secteur financier américain reste à faire.

Non pas que Washington soit resté l’arme au pied. Au contraire, de nombreuses initiatives ont été prises dans le cadre de la loi Dodd-Frank, comme la rationalisation du rôle des régulateurs par exemple, la mise sous la tutelle de la Fed des plus grandes banques du pays ou encore l’interdiction faite à celles-ci de réaliser des opérations spéculatives, la fameuse « Volcker Rule ». A cela on peut ajouter les travaux entrepris au niveau international dans le cadre du G20 ou du Comité de Bâle, afin d’imposer davantage de rigueur à l’ensemble des banques de la planète. Sur le papier, l’essentiel a donc été fait.

Le problème c’est que, dans la réalité, peu de choses ont concrètement changé de l’autre côté de l’Atlantique. D’abord, on le sait depuis quelques semaines, les chances que Bâle III s’y applique sont des plus minces. Ensuite, l’avenir de la « Volcker Rule » n’est guère plus assuré. Wall Street n’a jamais caché son opposition à ce texte et Ben Bernanke, le patron de la Fed, a indiqué lundi soir en Géorgie que son application soulevait encore « de nombreuses difficultés ». Enfin, l’épineuse question du « shadow banking », le secteur financier non régulé des « hedge funds », reste à traiter. Pas étonnant dans ces conditions que l’un des sujets majeurs de la crise, le risque systémique, c’est-à-dire la possibilité qu’un sinistre majeur emporte l’ensemble du système financier, « reste une préoccupation », selon Ben Bernanke lui-même. C’est un aveu d’échec qui doit donner à réfléchir de ce côté-ci de l’Atlantique, où l’on se livre à un véritable concours de vertu en la matière. A quoi bon se doter d’une réglementation financière renforcée ou envisager de couper les banques en deux pour se protéger des dérapages futurs de la planète finance, si Wall Street, coeur de la finance mondiale, peut s’abstraire des nouvelles règles communes. Il serait temps que l’Europe unie fasse entendre sa voix sur ces sujets et rappelle à Washington son rôle dans le déclenchement de la crise il y a cinq ans.

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