Elderly Americans Stuck at Home? Serves Them Right

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Des vieillards américains cloués à la maison ? Bien fait pour eux !

Ils les ont voulues, leurs villes américaines étalées, sans transports en commun décents, sans trottoirs, dont les maisons à deux garages sont à des kilomètres des supermarchés et loin des docteurs. Maintenant les baby-boomers vieillissent, ils ne peuvent plus conduire et s’en mordent les doigts.

Rien de bien nouveau si ce n’est un article de l’Associated Press (AP) vaguement inquiétant publié fin mars, repris dans de nombreux journaux aux Etats-Unis et beaucoup commenté sur le web :

« Peu de villes américaines sont prêtes pour les baby-boomers vieillissants. »

Cette génération née après la guerre a voulu quitter les centres-villes pour s’installer en périphérie, dans des pavillons entourés de jardinets, dans des « subdivisions » encore appelées « communautés », où les transports en commun n’ont pas accès pour ne pas risquer d’introduire des étrangers dans le quartier.

Vivre à l’écart du monde trépidant

Tout ce qui permettait de vivre – magasins, écoles, hôpitaux, entreprises et tous les services – est ailleurs, loin et accessible uniquement en voiture. L’objectif était de vivre tranquille, chez soi, à l’écart des lieux collectifs où les gens sont obligés de se mélanger. La mode a duré plusieurs décennies.

Aujourd’hui, cette tendance reflue, les urbanistes travaillent autrement, les logements « suburbains » ont moins la cote, on recommence à envisager de vivre dans les centres, y compris en hauteur, ce que détestent les Américains. De plus en plus de municipalités consultent leurs administrés sur l’opportunité de construire des tramways, lesquels nécessiteront des impôts… Cruel dilemme.

Mais les seniors paniquent. Ils sont de plus en plus nombreux dans le pays : entre 2000 et 2030, le nombre de plus de 65 ans aura doublé, ils seront 72,1 millions (pour environ 363 millions d’habitants). La plupart d’entre eux ont encore leurs parents, âgés de 80, 90 ans ou plus (il y a énormément de centenaires aux USA).

« Vous allez dépendre de vos enfants. Fuck »

Ces vieux actuels sont moins nombreux que ne le seront les vieux baby-boomers. Et ces vieux-là ont fait plus d’enfants pour s’occuper d’eux aujourd’hui que n’en ont eu les baby-boomers. Lesquels réalisent qu’ils entrent dans la vieillesse en pleine récession économique.

Les services sociaux qui aident aujourd’hui leurs parents sont en train de disparaître faute d’argent public. Quand ils existent dans leurs cités, les transports en commun se dégradent à cause de la crise et ne sont la plupart du temps pas adaptés pour des usagers à mobilité réduite.

Un contributeur du site environnemental Grist résume crûment le dilemme :

« Il arrive un moment où vous n’avez plus le droit légal de conduire. Si vous dépendiez de votre voiture pour vivre, cela signifie que vous allez désormais dépendre de vos enfants. Fuck. »

A Houston (Texas) où j’ai vécu plusieurs années, je voyais passer dans mon quartier (du centre-ville, donc un peu pourri) la camionnette d’une association caritative, qui s’arrêtait chaque jour de semaine vers 10 heures devant les mêmes maisons. Là vivaient des personnes âgées, à qui un programme cofinancé par la ville et des églises distribuait un repas chaud par jour.

A cause de la crise, les aides ne sont plus financées

« Meals on Weels » (repas sur roues) existe dans plus de mille villes aux Etats-Unis. Cette association à but non lucratif dépend essentiellement des bénévoles pour ses tournées, mais elle doit payer les aliments, les voitures, et quelques permanents. Depuis 2008, les subventions publiques sont en chute libre et les repas distribués aussi. Que mangent désormais ces vieilles personnes qui vivent toujours chez elles ?

Un autre service rythme aussi la vie de millions de seniors américains : « Dial-a-Ride » (téléphonez pour un transport). Les villes d’une certaine taille possèdent des camionnettes équipées pour transporter des fauteuils roulants, qui se déplacent à la demande chez les vieux et les malades isolés.

C’est payant, mais beaucoup moins cher qu’un taxi pour aller chez le médecin. Car les docteurs ne se déplacent pas à domicile aux Etats-Unis, ni les infirmières sauf si on y met le prix, et dans ce cas l’assurance médicale ne paye rien.

Les services Dial-a-Ride valent de plus en plus cher, ou disparaissent les uns après les autres, car les municipalités ne peuvent plus entretenir les flottes de véhicules avec chauffeur. Comment font les vieilles personnes pour aller se faire soigner ?

Pas de salut pour les vieux mécréants

Là encore, les services sociaux des églises compensent, grâce à leurs bénévoles. Mais celles-ci ont aussi vu leurs fonds – basés sur les dons des fidèles – s’amenuiser. En plus, comment font les vieux athées qui n’ont jamais voulu frayer avec le moindre lieu de culte ? Gnark, gnark !

Qu’elles vivent en grande banlieue ou en centre-ville, les personnes âgées ne peuvent plus s’en sortir sans voiture. Admettons qu’elles aient encore leur permis de conduire (qui doit être renouvelé tous les cinq ans à partir de 55 ans, avec examen de vision et de code de la route, selon les Etats).

Heureusement, les voitures américaines ont des vitesses automatiques, c’est plus simple à partir d’un certain âge. Mais la route est un terrain dangereux. Le porte-parole de la National Association of Area Agencies on Aging a indiqué au journaliste de l’AP ce qu’il faudrait pour améliorer la situation des vieux conducteurs :

installer des panneaux routiers plus faciles à lire ;

mettre en place des programmes de covoiturage entre seniors allant à l’hôpital ou au supermarché.

Les baby-boomers pris à leur propre piège

Il est évident que l’isolement géographique des personnes âgées n’est pas un problème typiquement américain. Mais le nombre de seniors concernés est colossal aux Etats-Unis, où rien n’a été correctement pensé quand il était encore temps. Comme dit Grist :

« Les vieux baby-boomers ne pouvant plus conduire vont se retrouver prisonniers des villes interdites aux piétons qu’ils ont eux-mêmes conçues. »

La crise économique empêche désormais la plupart des villes de se lancer dans les programmes nécessaires, notamment dans la construction de transports collectifs adaptés. Finalement, ce n’était pas une si bonne idée de construire les villes à la campagne et de compter exclusivement sur les voitures pour relier les pôles.

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