Mitt Romney, Republicans and Women’s Vote: A Lost Cause?

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Au lendemain du retrait du tenace Rick Santorum de la course à l’investiture de son parti, Mitt Romney a commencé à s’attaquer aux choses sérieuses. Parmi ses premières priorités : ramener le débat sur le terrain de l’économie, alors que l’embellie de l’emploi semble ralentir, et surtout combler l’écart considérable à l’avantage de Barack Obama parmi l’électorat féminin, alors qu’on parle de plus en plus d’une guerre contre les femmes menée par le parti républicain. Et pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? Romney affirme en effet depuis quelques jours que que la vraie guerre contre les femmes est le résultat de l’échec des politiques économiques de l’administration Obama.

Mitt Romney peut-il combler l’écart dont souffre son parti dans l’électorat féminin ? Il sait très bien que le chemin de la victoire passe par une réponse à cette question. Quelle est l’ampleur de cet écart ? Pourquoi s’est-il approfondi depuis quelques mois ? Est-ce que les efforts entrepris par Mitt Romney lui permettront de rattraper son retard ? Je tente ici d’esquisser quelques éléments de réponses à ces questions qui resteront au cœur des débats jusqu’à novembre.

Depuis quelques semaines, les démocrates martèlent le thème de la « guerre » menée par les républicains contre les femmes, un électorat davantage acquis au parti de Barack Obama, mais surtout un électorat dont les choix partisans ont tendance à être moins solidement ancrés que chez les hommes. La lutte entre Romney et Santorum a mis en lumière les positions résolument conservatrices du parti républicain sur des enjeux comme l’avortement, la contraception et l’égalité de traitement dans l’emploi, entre autres. Dans ce contexte, certains sondages ont enregistré des écarts considérables entre les hommes et les femmes dans leurs appuis respectifs à Romney et Obama. En 2008, Barack Obama avait obtenu 56% du vote des femmes contre 49% de celui des hommes. Les sondages les plus récents montrent que cet avantage persiste aujourd’hui dans sa confrontation avec Romney. Un sondage ABC News/Washington Post mené du 5 au 8 avril donnait une avance de 7 points à Barack Obama (51% à 44%), mais surtout il indiquait la plus large avance à ce jour en faveur de Barack Obama chez les femmes : 57% à 38%.

Graphique 1 : Préférences pour Barack Obama ou Mitt Romney chez les hommes et chez les femmes (10 avril 2012)

Cette mesure est exceptionnellement élevée, mais elle reflète une tendance lourde qui a perduré pendant le premier mandat du président Obama. Par exemple, le graphique suivant montre que les taux d’approbation de la performance de Barack Obama se sont presque toujours maintenus à un niveau plus élevé chez les femmes que chez les hommes.

Graphique 2 : Approbation du Président Obama chez les hommes et chez les femmes, 2009-2012 (sondages ABC News/Washington Post)

Les sondages ABC News/Washington Post suggèrent que les débats récents autour des enjeux chers touchant plus directement les femmes auraient consolidé l’avantage du président démocrate dans ce segment de l’électorat, mais la mesure hebdomadaire de Gallup ne permet pas de noter un creusement de l’écart aussi considérable, du moins pas pour le moment. Le graphique ci-dessous montre néanmoins que l’avantage que possède Obama chez les femmes ne s’est pas démenti tout au long de sa présidence.

Graphique 3 : Taux d’approbation du Président Obama chez les hommes et chez les femmes, 2009-2012 (sondages Gallup) (image à haute résolution)

Il convient de séparer ici l’écart systématique entre les hommes et les femmes de l’écart qu’on observe dans le cadre des débats actuels. Les écarts de votes entre les hommes et les femmes ne sont pas un phénomène nouveau. Par exemple, au début du 20e siècle, les femmes ont voté en plus grand nombre pour les républicains (environ six points de pourcentage) à cause de leur appui à la prohibition, mais la différence entre les partis s’est amenuisée, sauf dans les années 1950, où Eisenhower était un peu plus populaire chez les femmes que chez les hommes (cinq points). Mais ce n’est qu’en 1980 qu’on retrouvera un écart significatif, cette fois à l’avantage des démocrates. Depuis lors, comme le montre le graphique ci-dessous, les démocrates on conservé un avantage chez les femmes. »

Graphique 4 : Evolution du vote démocrate des hommes et des femmes, 1972-2008

Source : Sondages de sortie des urnes, Pew Center for the People and the Press, « The Gender Gap : Three Decades Old, as Wide as Ever »

L’écart persistent entre les homes et les femmes s’explique largement par les différences entre les deux partis au chapitre des politiques sociales. En effet, aux États-Unis comme ailleurs, les femmes ont tendance à appuyer les partis qui proposent des politiques sociales plus généreuses et une politiques étrangère moins militariste. C’est l’arrivée en scène de Ronald Reagan et la résurgence du conservatisme au sein du parti républicain qui a provoqué cet écart dont il est important de noter qu’il se manifeste surtout chez les femmes non mariées et chez celles qui participent au marché du travail. Selon une étude de Janet Box-Steffenmeier, Suzanna De Boef et Tse-Min Lin (APSR, 2004, accès limité), l’écart entre les hommes et les femmes augmente lorsque le climat politique tourne au conservatisme, l’économie se détériore et le nombre de femmes célibataires économiquement vulnérables est élevé. Toutes ces conditions sont réunies cette année, ce qui permet de comprendre les écarts que nous commençons déjà à observer.

Il est clair que la radicalisation du discours conservateur des républicains compte pour beaucoup dans l’écart qu’on observe aujourd’hui dans l’appui des femmes, ce qui a conduit les démocrates à accuser leurs adversaires de mener une « guerre contre les femmes ». La réplique de Mitt Romney est venue sous la forme d’accusations qui renvoyaient la balle à Barack Obama en soulignant que le solde des pertes et des gains d’emplois depuis janvier 2009 est nettement défavorable aux femmes. En effet, selon l’équipe Romney, la perte d’emploi nette totale depuis janvier 2009 se chiffre à 740 000 et la perte nette d’emploi chez les femmes totalise 640 000, soit 92 pourcent (voir ici). Mais cette accusation a été jugée abusive par plusieurs observateurs impartiaux, dont le site Politifact, qui la qualifie de « largement mensongère » (entre autres parce que la plupart des pertes subies lors des premiers mois sont directement attribuables à l’action de l’administration Bush, et parce que les emplois qui ont été les plus rapidement perdus au moment de la crise de 2008 sont largement des emplois masculins). De plus, au moment où il souhaitait prendre l’avantage du débat sur le champ de l’emploi, Romney a braqué le projecteur sur l’opposition quasi unanime de son parti à la toute première loi signée par le président Obama, faisait la promotion de l’équité salariale entre hommes et femmes (Lilly Ledbetter Fair Pay Act of 2009).

En fait, il est fort possible que le dossier de l’emploi féminin représente une boîte de Pandore pour les républicains. Premièrement, comme le montre le graphique ci-dessous, l’emploi féminin (rouge) a été moins immédiatement touché par la récession, car il est concentré dans le secteur des services, alors que les emplois qui ont écopé dans le premier choc de la récession étaient concentrés dans les manufactures et la construction.

Graphique 5 : Évolution de l’emploi civil non-agricole total pour les hommes (bleu) et pour les femmes (rouge) (image à haute résolution)

En creusant un peu plus loin, on constate qu’un bon nombre d’emplois féminins perdus après la récession l’ont été dans le secteur public (enseignantes, infirmières, employées de bureau, etc.), surtout à cause des mises à pied effectuées par les gouvernements d’États contrôlés par les républicains (voir ici). En effet, le graphique suivant montre nettement que la quasi-totalité des emplois féminins perdus depuis le début de 2009 dans le secteur privé ont été regagnés, alors que l’emploi féminin dans le secteur public (surtout les gouvernements étatiques et locaux) tire de l’arrière, ce qui explique la grande majorité des pertes déplorées par Romney.

In digging a bit deeper, one notices that a good number of female jobs lost after the recession had been in the public sector (teachers, nurses, office employees, etc.), mostly thanks to layoffs created by Republican-controlled state governments. In fact, the following graph clearly shows that the quasi-totality of female jobs lost since the start of 2009 in the private sector have been regained, so that the female jobs in the public sector (especially in state and local government offices) are dropping, which includes the majority of losses deplored by Romney.

Graphique 6 : Évolution de l’emploi civil non-agricole féminin dans le secteur privé (bleu, axe de gauche) et dans le secteur public (rouge, axe de droite) (image à haute résolution)

Pour conclure, il est clair que l’écart entre les hommes et les femmes est important et qu’il restera un facteur déterminant pendant toute cette année électorale. Sur la question du creusement de l’écart au cours des dernières semaines ou des derniers mois, les mesures ne concordent pas mais il serait étonnant que les tentatives des républicains de se gagner les faveurs des femmes en déplaçant le débat sur le terrain de l’emploi portent fruit. Selon toute vraisemblance, elles ne feront que mettre en lumière le rôle du parti républicain dans la compression de l’emploi public, où les femmes occupent une place prépondérante.

Et non, je ne parlerai pas de la controverse ridicule (voir ici et ici) entourant une déclaration maladroite d’une commentatrice de CNN d’allégeance démocrate (sans lien à la campagne Obama) qui s’en est pris à la femme de Mitt Romney : ce n’est qu’un feu de paille qui s’éteindra de lui-même et qui n’enflammera que ceux dont les votes sont déjà acquis à Romney.

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