“Homeland” vs. “24”: Obama’s America Against Bush Junior’s

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“Homeland” vs “24” : l’Amérique Obama contre l’Amérique Bush junior

LE PLUS. De George Bush à Barack Obama, les États-Unis ont changé de visage. L’Amérique combative prête à en découdre après le 11-Septembre a sombré dans la déprime. Un phénomène qui se ressent dans les séries télé, comme l’analyse Etienne de Haas, critique amateur.

L’Amérique est en guerre déclarée contre le terrorisme depuis le 11-Septembre. Cette “war on terror” a connu bien des rebondissements jusqu’à la mort récente d’Oussama Ben Laden. Si elle est perceptible du côté du cinéma, une évolution lente mais inexorable se sent jusque dans les séries télé.

Une Amérique forte et déterminée

Car la série phare des années Bush (2000-2008), qui traitait ce sujet, était une série policière violente et plutôt manichéenne : “24 heures chrono”.

C’était l’époque où l’Amérique était aussi forte et déterminée qu’un animal blessé. Le terroriste est là, facile, identifiable. Il apparaît tout de suite sur un écran vidéo, on connait sa vie, son œuvre, et son objectif est de détruire l’Amérique. Ni plus, ni moins. Les quelques traîtres “locaux” sont avides ou revanchards contre l’oncle Sam, mais systématiquement pour de mauvaises raisons.

C’est l’Amérique de Bush : elle est inquiète mais ne doute pas une seconde de l’identité de son ennemi. L’argent coule toujours à flot, d’où des moyens technologiques considérables pour combattre avec une grande efficacité ces petits réseaux fantômes. Tout le monde est fiché, mais ce n’est pas grave, puisque cela permet de retrouver les dangereux terroristes dans les temps.

Des histoires marquées par l’ombre du 11-Septembre, mais comme une motivation de revanche. Ce qui n’enlève rien à la valeur d’une série dont les deux premières saisons resteront des références en terme d’action et de suspense.

Générique d’ouverture de “24 heures chrono”.

Mais aujourd’hui, cela ne semble plus possible. Car les années Obama ont succédé aux années Bush, et cela se sent dans la production télévisuelle. L’Amérique est tombée de son piédestal, elle a été frappée de plein fouet par la crise économique et ne parvient pas à boucler les deux guerres qu’elle a initié à l’étranger.

Déprime totale

Alors tout n’est pas si sombre sur le petit écran, il n’y a qu’à voir la joyeuse insouciance de “Glee”, “How I met your Mother”, “The big bang theory” ou encore “Modern Familly”. Et bien sûr les séries policières qui ne font pas trop réfléchir, qui restent en tête des courbes d’audience…

Mais du côté de l’action ou des séries sérieuses, c’est la déprime la plus totale : des morts-vivants dans “The walking dead”, des royaumes à l’agonie qui s’effondrent dans “Game of Thrones” et même le serial killer qui devient un prêcheur de l’apocalypse dans “Dexter”. Même dans “The good wife”, c’est l’économie qui va très mal, les licenciements se multiplient et l’insécurité sociale est partout… sans parler de la corruption.

Ce n’est plus l’Amérique triomphante ou revancharde… Si cela peut se lire en sous-titre dans les séries policières, les drames ou la science-fiction, c’est dans le genre de l’espionnage que le virage est le plus fort. “24h chrono” serait la série des années Bush, ses successeurs celles des années Obama. Avec deux exemples frappants : “Homeland” et “Rubicon”.

Dans les deux séries, l’ombre du 11-Septembre est encore omniprésente mais en toile de fond, alors que celles d’Abou Graib, de la guerre en Irak et Afghanistan sont sur le devant de la scène. L’ennemi est flou, rarement identifié, souvent américain et même ses motivations ne semblent pas très claires. Après le temps du patriotisme décomplexé vient celui du doute. Et si tout cela n’avait servi à rien ?

Dans “Homeland”, l’ennemi est intérieur, il prend la forme d’un soldat américain, mais le pauvre bougre semble presque moins dangereux que les allumés de la CIA. Les services secrets ont tous les pouvoirs, ils mettent sur écoute, espionnent, mentent… L’Amérique s’interroge sur le Patriot Act, sur le pouvoir laissé à ceux qui sont censés la protéger.

Et en s’incarnant dans l’espionne timbrée jouée par Claire Danes, l’Amérique se demande si elle n’est pas elle même devenue folle. En tous cas, tout le monde semble avoir compris que l’impact des deux guerres menées sous l’administration Bush est dévastateur, pour la sécurité nationale, et bien sûr pour les soldats américains.

Et la profession applaudit, en décernant deux Golden Globes.

Le temps de l’analyse

Dans “Rubicon”, fini les écrans multiples, les reconnaissances faciales et les drones. Bienvenue dans un monde d’analyse, de recoupement. Comme pour exorciser une guerre en Irak bâtie sur des informations erronés, les services de renseignement cherchent à vérifier chaque donnée avec une minutie qui n’est pas loin parfois de la folie.

Pour compliquer encore les choses, personne ne semble vraiment savoir pour qui il travaille. Confusion, interrogation, prise de pouvoir des lobbys et des organisations de l’ombre, “Rubicon” glisse dans une délicieuse paranoïa vraiment dans l’air du temps (on pense beaucoup aux “Falsificateurs”, l’excellent bouquin d’Antoine Bello).

Comble de l’ironie, c’est James Badge Dale, un ancien de “24h chrono” qui incarne le héros. Espion indestructible en mode Superman dans la saison 2 de “24”, il devient un analyste apeuré et sensible dans “Rubicon”… tout un symbole.

Mais renvoyer un miroir aussi laid ne paye pas toujours. Si la première saison d'”Homeland” a connu un joli succès, “Rubicon” a été arrêtée au bout d’une saison, avec des audiences acceptables mais pas exceptionnelles. De quoi anticiper le retour de l’Amérique triomphante dans les prochaines années ?

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