What If Obama Was Like Nixon?

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Et si Obama faisait comme Nixon ?

Un jour, le président Richard Nixon, qui était fourbe et malhonnête, décida de faire la paix avec l’un des ennemis les plus irréductibles des Etats-Unis : la Chine. C’était pendant la guerre froide. Mais, au moins autant que l’URSS, la Chine de Mao jurait d’humilier le Tigre de papier américain, et le Grand Timonier, comme on appelait alors le président chinois, s’en donnait à cœur joie : guerre à l’île nationaliste rebelle Taïwan, grande alliée de Washington dans la région ; soutien à tous les mouvements révolutionnaires possibles ; actes de piratage et de subversion, ici ou là, en Asie ; propagande antiaméricaine échevelée à la maison.

Richard Nixon avait bien du mérite. Il avait bâti toute sa carrière sur un anticommunisme forcené. Son parti, celui des républicains, passait pour le plus intransigeant dans la guerre froide. Nixon détestait tout ce qui pouvait ressembler à une marque de faiblesse face à l’adversaire. Bref, quand le 37e président de l’Union américaine se rend à Pékin, en février 1972, il trahit son “milieu”, son parti, sa famille politique, la pensée stratégique dominante à Washington, le Pentagone et le département d’Etat.

Mais il gagne sur toute la ligne. Il isole l’URSS. Il facilite sans doute le retrait américain du Vietnam. La lente normalisation des relations entre la Chine et les Etats-Unis ouvre une ère politique et économique nouvelle à Pékin. L’Asie en est transformée, le monde aussi.

Quarante ans plus tard, le 43e président américain, Barack Obama, qui est un homme franc et honnête, a un gros problème stratégique : l’Iran est en passe d’acquérir la capacité de créer une arme nucléaire.

La République islamique de l’ayatollah Ali Khamenei conspue les Etats-Unis – le Grand Satan a remplacé le Tigre de papier ; héritage de l’histoire, elle a des velléités de domination sur ses voisins, que ranime son prosélytisme révolutionnaire ; à l’intérieur, elle martyrise sa propre population ; à l’extérieur, elle soutient des partis extrémistes. Bref, elle déstabilise le Proche-Orient et, au moins à deux reprises, ses dirigeants ont souhaité que le vent de l’histoire raye Israël de la carte.

La perspective de voir ce régime se doter de l’arme nucléaire nourrit les cauchemars de la Maison Blanche. L’administration Obama pense que les Arabes ne laisseront pas le monopole de l’arme nucléaire à deux Etats non arabes de la région, Israël et l’Iran. Si Téhéran accède à l’arme nucléaire, l’Arabie saoudite suivra, l’Egypte peut-être aussi – bref, rien de très rassurant.

Bizarrement, les dizaines de têtes nucléaires, bien réelles celles-là, que possède le Pakistan inquiètent moins Washington que la bombe iranienne, encore virtuelle. Pourtant, le Pakistan est un Etat vacillant, l’establishment militaire à Islamabad soutient des mouvements djihadistes et l’opinion publique locale manifeste volontiers sa haine des Etats-Unis. A l’inverse, l’Iran est un très vieil Etat dont les habitants sont à coup sûr les plus pro-américains de la région.

Dans l’affaire iranienne, Barack Obama subit une contrainte particulière : la menace de frappes israéliennes sur les installations nucléaires de la République islamique. Si elle se concrétise, il n’est pas sûr que la réplique de l’Iran – il y en aura une – débouche sur des affrontements prolongés, mais Washington ne veut pas en prendre le risque. Une telle opération pourrait entraîner les Etats-Unis dans la guerre, au moment où ils se dégagent d’Irak et d’Afghanistan. L’opinion américaine est lasse des aventures en terres d’Orient.

Le Conseil de sécurité de l’ONU – Chine et Russie comprises – accuse l’Iran de violer le Traité de non-prolifération dont il est signataire. Amis de la République islamique, Chinois et Russes sont tout aussi inquiets. Avec les Etats-Unis, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, ils forment le groupe des Six qui s’efforce depuis des années de faire céder l’Iran à la table de négociation. Sans succès : trois nouvelles rencontres, en mai et juin, n’ont abouti à rien. Les Six ont été unanimes à juger que la République islamique ne bougeait pas.

Elle paie cher son intransigeance : l’Iran est soumis à de dures sanctions économiques. Il n’en a pas moins musclé son programme nucléaire. Il a acquis des centrifugeuses en plus grand nombre et multiplié ses capacités d’enrichissement de l’uranium, cependant qu’il enterrait ses laboratoires dans la montagne. Israël prétend que les installations de l’Iran risquent d’être très vite à l’abri de tout bombardement.

Quarante-quatre sénateurs, démocrates et républicains, viennent d’écrire à M. Obama pour lui dire que sa politique iranienne est un échec : les négociations traînent, les centrifugeuses tournent… Les deux parties jouent la montre. Téhéran juge qu’Obama ne fera pas de concession avant le scrutin présidentiel de novembre, mais sera plus souple s’il est réélu. Washington pense que l’entrée en vigueur d’un embargo sans précédent sur le pétrole iranien en juillet – à l’instigation des Américains et des Européens – conduira l’Iran au compromis. Pari risqué, pour les uns et les autres.

A Téhéran, le régime joue une partie de sa crédibilité. Il a fait du nucléaire une cause nationale. Il ne peut reculer qu’en échange de concessions substantielles.

A Washington, le président ne s’est laissé aucune marge de manoeuvre. Sa politique, a-t-il dit haut et fort, ne consiste pas à endiguer un Iran nucléaire ; elle a pour objet d’empêcher Téhéran d’accéder à la bombe, par la force s’il le faut. M. Obama est dans la pire des situations : il pense que la guerre serait une catastrophe, mais il pourrait y être contraint.

Le précédent nixonien peut offrir une porte de sortie, sous la forme d’un compromis ambitieux. En échange de l’arrêt de son programme militaire, l’Iran obtiendrait gros : la normalisation avec les Etats-Unis – qui n’ont plus de relations diplomatiques avec Téhéran depuis 1979. Pareille offre tenterait assurément une partie du régime. Pour Washington, ce serait tout bénéfice. La normalisation avec l’Iran est l’une des conditions de l’apaisement au Proche-Orient, sur tous les fronts. M. Obama devrait réfléchir à un voyage à Téhéran.

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