For Obama, the Carnage of Aurora Has Nothing to Do with Firearms

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Pour Obama, le carnage d’Aurora n’a rien à voir avec les armes à feu

Rédigé par Stephane Trano le Mardi 24 Juillet 2012 à 00:44 | 0 commentaire(s)

http://www.marianne2.fr/obj-washington/Pour-Obama-le-carnage-d-Aurora-n-a-rien-a-voir-avec-les-armes-a-feu_a125.html

L’impact de la tuerie sur la violente campagne que mènent les deux prétendants à la Maison Blanche devrait obliger les deux camps à rebattre les cartes face à une opinion américaine très choquée et qui exprime ses inquiétudes pour l’avenir. Mais il est probable que rien ne changera fondamentalement la donne.

Points de repère:

• Aux Etats-Unis, près de 100.000 personnes se font tirer dessus chaque année.

• Selon les données de l’ATF, 70% des armes à feu récupérées et tracées dans des crimes de cartels de la drogue au Mexique proviennent des États-Unis.

• Le taux d’homicide par armes à feu aux Etats-Unis est de 20 fois le taux combiné des autres pays occidentaux.

• Si vous faites feu dans la ville de Newark (New Jersey), Il y a 80% de chances que vous ayez été arrêté auparavant et en moyenne déjà 10 fois.

• Depuis septembre 2001, 270 000 Américains ont été victimes de tirs d’armes à feu à leur domicile.

• Le chef de cabinet du représentant (Républicain) Allen West a déclaré aux participants d’un rassemblement du Tea Party « Nous utiliserons des balles si les bulletins de vote ne fonctionnent pas. »

• Michael Bloomberg: «Nous pouvons empêcher les suspects terroristes de monter à bord d’un avion, mais le FBI n’a pas le pouvoir de les empêcher d’acheter de la dynamite ou un AK-47.”

Source: Politifact

L’Amérique est partagée, en ce début de semaine, entre amertume et angoisse. Dans le New Yorker, l’un des magazines les plus sérieux du pays qui constitue une valeur sûre depuis 1925 et qui se tient prudemment à l’écart du partisanisme, le journaliste Alex Koppelman signe ce matin un article de réflexion qui illustre parfaitement cet état d’esprit singulier que l’on peut ressentir à travers le pays: « Il existe un protocole dans la politique américaine pour faire face à des jours comme ça. Ceux qui font la politique s’en détournent. Ils offrent des mots réconfortants pour les victimes et leurs familles. Ils parlent de prière, des proches, de leurs propres enfants et petits-enfants. Ils délivrent des discours émouvants. Ils ne parlent pas du contrôle des armes. » Ces mots sont ceux d’une amertume qui dissimule à peine la colère.

Barack Obama a été omniprésent depuis la survenue du carnage du cinéma d’Aurora ce vendredi. Il a suspendu la campagne. Il a délivré un discours poignant lors de son passage écourté à Tucson, en Arizona. Il s’est rendu ce dimanche auprès des victimes dans le Colorado. Le moindre de ses mots et de ses gestes ont été abondamment suivis par les photographes. Mais il n’a pas réussi à transformer cet exercice de communication un peu forcé en quelque chose de convaincant aux yeux d’une partie de la presse. Alex Koppelman écrit: « Aucun des deux hommes (Obama et Romney, DNA) n’a évoqué la question qui, dans un autre pays, ou à un autre moment dans l’histoire de ce pays, aurait été sur toutes les lèvres. »

Un président qui néglige les lois

« Bien que Barack Obama est souvent accusé ou perçu comme étant catégoriquement pour le contrôle des armes (…) il a été un catalyseur pour la hausse des ventes d’armes à feu, et la vérité est que les démocrates ont renoncé à des mesures de contrôle il ya une décennie » écrit Koppelman. Mais il souligne également que « quand il était gouverneur du Massachusetts, Romney a signé une loi qui aurait interdit l’une des armes utilisées dans les attentats (d’aujourd’hui). Il ne veut pas avoir à s’expliquer sur une autre dossier concernant sa mandature, pas plus qu’Obama ne veut risquer de perdre encore plus d’hommes blancs dans les swing states (ces Etats dont le vote très incertain peut pencher en faveur de l’un ou l’autre des candidats au dernier moment et décider du résultat final de l’élection, NDA). Il s’agit de la réalité de la vie dans une campagne présidentielle: les politiciens l’emportent presque toujours sur la politique. »

Précision au sujet de la remarque de Koppelman sur Mitt Romney: En 2004, le gouverneur du Massachussets Mitt Romney a signé une interdiction permanente des armes d’assaut comme le AK-47 et Uzi. La NRA a qualifié cette loi d’« inefficace et inutile.»

Les faits donnent raison au New Yorker, loin d’être le seul grand média qui, ce lundi, tente de sortir de l’ornière du choc émotionnel pour réengager le débat d’idées, au moment où les deux candidats redémarrent leurs campagnes sur le terrain. De la Maison Blanche le secrétaire de presse Jay Carney a déclaré aux journalistes à bord d’Air Force One, le dimanche que l’administration Obama n’a pas l’intention de pousser de nouvelles mesures de contrôle des armes à feu dans le sillage de la fusillade mortelle dans un cinéma du Colorado.

Dans Politico, Donovan Slack écrivait bien à propos hier que Jay Carney, le porte-parole du Service de presse de la Maison Blanche, a dit aux journaliste présents ce dimanche à bord d’Air Force One que « l’Administration Obama n’a pas de projet concernant de nouvelles mesures pour le contrôle des armes ». Carney a clairement indiqué qu’une réautorisation de l’interdiction de certaines armes à feu datant de l’ère Clinton et qui a expiré au cours de l’administration de George W. Bush (en 2004, NDA) est « exclue ». « Le président se concentre sur les choses que nous pouvons faire pour la protection des droits du deuxième amendement dont il pense qu’il est important, mais aussi pour rendre plus difficile pour les personnes qui ne le devraient pas en vertu du droit existant de se procurer des armes à feu » a indiqué Carney.

Or, il est pour le moins singulier qu’au moment où la nation américaine est en état de choc, la Maison Blanche réaffirme aussi clairement son engagement pour la défense du deuxième amendement, lequel garantit à tout citoyen le droit de posséder une arme à feu. Obama s’est evertué, durant quarante-huit heures, à déplacer sur le terrain de la folie les causes du carnage d’Aurora. Alors qu’il est à la peine dans les sondages et qu’il tente d’arracher sur le terrain les voix des électeurs qui, dans certains états décisifs pour sa réélection, ne lui pardoneraient pas une remise en cause de ce droit constitutionnel, le président a joué la carte de l’émotion et laissé son équipe rassurer le puissant lobby de la NRA (National Rifle Association, qui réunit l’industrie des marchands d’armes et revendique 4,3 millions de membres).

Pourquoi un étudiant américain peut-il se procurer quatre armes à feu dont un fusil d’assaut pouvant tirer en quelques secondes 90 projectiles de gros calibres et pourquoi peut-il acheter sur internet 6000 munitions délivrées à son domicile? A aucun moment, ni Obama ni son équipe n’ont permis que la question ne lui soit posée directement. Elle ne le sera pas. Car il ne répondra pas. Parce qu’il ne l’a pas empêché. Et qu’il ne l’empêchera pas.

Un débat vite évacué

Le maire de New York Michael Bloomberg, l’un des partisans du pays les plus médiatiques du contrôle des armes, continue de faire pression sur le président Obama et Mitt Romney pour qu’ils se prononcent sur le contrôle des armes à feu, « s’ils veulent nos voix, ils doivent faire mieux. »

Les jours prochains dissiperont rapidement ce débat impossible sur la vente et la détention d’armes à feu pour les particuliers aux Etats-Unis. Si Obama l’avait voulu, et contrairement à ce qu’indique son service de presse, il aurait facilement pu passer outre le Congrès pour imposer le renouvellement de la loi passée par Bill Clinton dans ce domaine. En rejetant la faute sur les congressistes, la Maison Blanche perpétue un grand classique de la présidence Obama: tout ce qui ne s’est pas fait depuis 2008 est du à l’attitude du Congrès. Curieux, lorsque l’on sait qu’au cours de ses deux premières années, le 44ème Président des Etats-unis bénéficiait des forces suffisantes au Sénat et à la Chambre des représentants pour imposer la plupart de ses promesses.

Obamania irrationnelle

Un clip de campagne durant les primaires républicaines a été diffusé par le staff de campagne de Rick Santorm, pour dénoncer la déclaration de Mitt Romney « Je ne suis pas d’accord avec la NRA » (la National Rifle Association, le lobby des vendeurs d’armes, NDA).

A San Francisco où il est arrivé ce dimanche, le candidat Mitt Romney a donné un ton particulier à sa campagne. Devant les donateurs qui se réunissaient pour la première fois depuis trois jours, il a indiqué qu’il se montrerait non partisan et a même rendu hommage à l’action d’Obama auprès des victimes d’Aurora. Il a réaffirmé une volonté exprimée maintes fois au cours des cinq semaines de bombardement médiatique qu’il vient de subir de la part de l’équipe d’Obama sur ses finances personnelles, qu’il souhaitait que le débat porte sur la politique économique. Puis il a rencontré le Premier ministre australien pour un entretien privé à son hôtel, à la veille de s’envoler pour une tournée qui va le conduire en Europe et en Israël.

Mais le staff de campagne d’Obama n’attendra pas son retour pour repasser à l’attaque, de crainte que les dégats causés à la campagne de son adversaire par l’affaire Bain Capital et par les embarras causés sur la question de son revenus ne disparaissent des esprits américains. Pourtant, la suite de la campagne électorale va probablement donner lieu à l’une des situations les plus singulières connues par les Etats-Unis à l’approche d’une élection présidentielle.

En effet, s’il ne fait toujours guère de doute qu’Obama sera réélu le 6 novembre 2012 et que l’Obamania, toute irrationnelle qu’elle soit à l’étranger et dans une partie de la population américaine ne faiblira pas, ce sera sans doute l’une des rares fois où un président qui ne parvient pas à atteindre le niveau de 50% d’opinion favorable emportera sa réélection et peut-être haut la main. Car en dépit de la centaine de millions de dollars déjà dépensée rien que pour la publicité de sa campagne, sur le milliard de dollars amassé en sa faveur par les donateurs, Barack Obama, comme l’indique le dernier sondage Gallup publié par le Washington Post ce week-end, voit toujours 47% des sondés juger négativement son action contre 46% positivement. Pour l’institut Rasmussen, le pourcentage est de 49% d’opinion favorable contre 50% d’opinion défavorable. Et pour la très républicaine Fox News, la réparttion est de 47% d’approbation contre 49% de désapprobation.

L’hyperprésident

Mais Barack Obama serait également le premier président des Etats-Unis réélu avec un taux de chômage supérieur à 7,2%. Or, ce taux se maintient à 8,2%.

Autre anomalie: alors que toute la campagne contre Mitt Romney vise à faire oublier les contre-performances de l’économie américaine et les nouveaux scandales qui frappent de plein fouets les plus grands établissements financies du pays, preuve que la moralisation tant défendue par Obama a échoué, et à faire apparaitre son adversaire comme le candidat des « super-riches » qui va détruire la classe moyenne américaine à travers son programme fiscal, une enquête publiée aujourd’hui par The Atlantic Wire estime que ce ne sont pas moins de 21 trilliards de dollars qui sont placés actuellement par les vrais « super-riches » dans les paradis fiscaux et en particulier aux îles Caimans. Sur ce point également, Obama qui a été inerte ne peut s’en prendre à personne: ni au Congrès, ni à son rival.

Obama a également estimé que les mesures fiscales de Mitt Romney crééeraient 800 000 emplois… hors des Etats-Unis. Ce 22 juillet, l’agence Bloomberg et Newsweek le démentent: « Sur ce nombre, le président a tort. Investissement et croissance de l’emploi à l’étranger ne signifient pas nécessairement des pertes d’emplois aux Etats-Unis. Et plus important encore, le plan de Romney pour taxer les multinationales sur le revenu qu’ils gagnent dans le pays est sur la bonne voie. Bien structuré, et combiné avec un taux d’imposition plus bas sur les entreprises, un soi-disant système territorial pourrait rendre les entreprises américaines plus compétitives, simplifier le code fiscal, réduire les coûts de conformité, augmenter les salaires réels et permettre aux entreprises de rapatrier plus d’1,2 trilliards de dollars actuellement en actifs à l’étranger, à cause de la crainte des impôts. »

Il ne sera pas, non plus, reproché à Barack Obama de ne pas avoir tenu 320 des 508 promesses de son programme durant la campagne électorale de 2008.

Mitt Romney le sait: il va lui falloir beaucoup de chance et d’aide pour parvenir à empêcher son adversaire de poursuivre dans sa stratégie de distraction qui suscite le vacarme tandis que les motifs de réelle inquiétude reviennent au galop aux Etats-Unis qui se croyaient pourtant, jusqu’au printemps dernier, sortis de la pire crise depuis 80 ans. Ce matin encore, l’Associated Press annonçait que le taux de pauvreté aux Etats-Unis est montant à son niveau le plus important depuis les années 60, touchant 15,7% de la population américaine.

Mais surtout, Romney n’a aucune chance de battre Obama à son propre jeu lorsqu’il s’agit d’user de son charisme et de son charme. Un président capable de regarder la nation au fond des yeux et de pleurer avec les familles des victimes d’un massacre perpétré par un jeune homme auquel la loi confère le droit de détenir un arsenal, tout en affirmant que cela n’a rien à voir avec la loi mais qu’il s’agit d’un problème de responsabilité individuelle, est sans doute un président qui peut tout se permettre sans qu’on le lui reproche. En cela, ceux qui le comparent à John-Fitzgerald Kennedy, le playboy qui posa les bases de l’horreur du Viet-Nam, ont bien raison. Et c’est aussi, sans doute, l’oeuvre de l’aveuglement de tous ceux pour qui le diable en personne, Bush, fait pardonner bien des erreurs à ses successeurs.

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