Première sensation de la campagne Romney, le choix du jeune Paul Ryan comme candidat à la vice-présidence, annoncé ce samedi, est une chance de revivifier sa campagne, mais paraît aussi particulièrement risqué. Petit résumé des principaux avantages et inconvénients de ce “ticket”.
LES ATOUTS
-42 ans, bien dans son corps et pas froid aux yeux : Paul Ryan apporte un coup de jeune à la campagne Romney. A 65 ans, Mitt Romney passe lui aussi pour beau gosse, plutôt bien conservé, mais sa campagne commençait à sérieusement sucrer les fraises. A Washington, les journées de Paul Ryan débutent généralement au club de gym du Congrès où il entraîne une petite douzaine d’autres élus.
-Enfin un élu qui a des convictions et ne craint pas de secouer Washington ! Depuis 2008 déjà, Paul Ryan propose une « feuille de route » qui réduirait considérablement l’Etat Providence, sous prétexte d’économies budgétaires. Il mettrait pratiquement fin à Medicaid, l’assurance-maladie des plus pauvres. L’assurance publique des retraités (Medicare) serait aussi remplacée par un système de coupons aidant les seniors à se payer des polices privées. Reprises et aménagées les années suivantes sous différents noms (le « budget Ryan » ou « le chemin vers la prospérité »…), les propositions Ryan visent à réduire drastiquement les dépenses de l’Etat, tout en réduisant aussi les impôts. Paul Ryan c’est la hardiesse qui manquait tant à Romney: un violent coup de barre à droite.
Avec Paul Ryan à ses côtés, Mitt Romney devrait enfin s’assurer le soutien des conservateurs « purs et durs » qui lui ont mené la vie dure durant les primaires et le trouvent encore beaucoup trop « centriste » ou « timoré ». Comme le pressentait la semaine dernière déjà Ezra Klein, l’excellent blogueur du Washington Post, en choisissant Ryan, Romney associera enfin pleinement ces ayatollahs à sa campagne. Cela devrait réveiller les forces du Tea Party, qui s’étaient montrées particulièrement efficaces dans la campagne des “midterms”, à l’automne 2010. Si Romney gagne, la présence de Ryan à la Maison Blanche devrait l’aider à garder ces irréductibles sous contrôle. S’il perd, sa défaite sera aussi la leur et une chance peut-être pour le parti conservateur de se rappeler que les élections se gagnent généralement au centre.
-Paul Ryan devrait aider à corriger l’image un peu trop « cuillère d’argent » de Romney. La légende Ryan veut qu’à 16 ans, il découvre son père mort d’une attaque cardiaque sur son lit et décide dès ce moment de se renfermer sur les livres pour parfaire son éducation. Travailleur acharné, il enchaîne les petits boulots de serveur ou de moniteur de club de gym avant de pouvoir se dédier entièrement à la politique. Jusqu’à présent, Ryan a su en tous cas parler aux « cols bleus », qui peinent à se reconnaître en Romney. Sa circonscription, au sud du Wisconsin, est de tradition encore ouvrière.
LES HANDICAPS
-Ce ticket Romney-Ryan ouvre un boulevard aux démocrates pour faire porter le débat sur les inégalités sociales et la défense d’un minimum de protection sociale, plutôt que sur le chômage et l’état pas très reluisant encore de l’économie. Pour un certain nombre d’indépendants, ou tous ceux qui se préoccupent de leur couverture santé, le zèle libéral de Paul Ryan pourrait être aussi un peu too much. Par le passé, Ryan se voulait même disciple d’Ayn Rand, l’une des principales théoriciennes du libertarianisme. Il a dû déjà prendre un peu de distance en précisant n’être pas un « libertarien pur et dur » et ne pas partager notamment l’athéïsme radical d’Ayn Rand.
-Plus « washingtonien » que Ryan tu meurs. Au moment où les Américains plus que jamais conspuent “le bourbier washingtonien”, Romney a choisi là un pur produit de Capitol Hill. Avant même de se faire élire au Congrès, en 1998, ce champion du « moins d’Etat » avait débuté sa carrière à Washington, comme assistant parlementaire. Un paradoxe qui n’en est plus un depuis longtemps : beaucoup d’autres porte-voix du « Tea Party » sont issus du même marécage, à commencer par Dick Armey, le patron de FreedomWorks.
-Un catholique pour décontaminer le mormon ? En 1960, la religion catholique de John Kennedy faisait sensation. Cette année, c’est le mormonisme de Romney qui est encore un peu dur à avaler pour un certain nombre d’électeurs américains. Et voilà que Mitt Romney ajoute un catholique à son fardeau ! Ce ticket présidentiel sera le premier de l’histoire américaine, où la religion joue encore un rôle essentiel, à ne pas compter le moindre protestant.
-Paul Ryan vient du Wisconsin, pas de l’Ohio ou de Floride, comme d’autres pressentis pour ce poste de vice-président (Rob Portman et Marco Rubio, longtemps donnés bien placés pour le poste). Le Wisconsin n’est pas totalement sans intérêt dans l’élection présidentielle à venir : l’Etat a voté très largement Obama en 2008, avant d’élire un gouverneur républicain en 2010. La nomination de Paul Ryan obligera au moins les démocrates à y faire sérieusement campagne s’il veulent remporter cet Etat. Mais le Wisconsin ne représente que 10 voix au collège électoral qui désignera le prochain président (sur un total de 538), contre 18 pour l’Ohio ou même 29 pour la Floride.
-Pas plus que Romney, Paul Ryan n’a aucune expérience de politique étrangère. Pas grave, ont tranché les stratèges républicains, voyant bien dans les sondages que les Américains ne s’en soucient guère. Du moins tant que les crises qui couvent au Moyen-Orient ne forcent pas les Etats-Unis à intervenir…
-Et si Ryan aussi était une girouette ? L’impitoyable coupeur de budget que l’on connaît aujourd’hui a aussi un passé : comme la plupart de ses amis républicains, Paul Ryan a voté dans les années Bush l’invasion de l’Irak, les baisses d’impôts, l’extension de la prise en charge des médicaments pour les retraités, puis le renflouement des banques et des constructeurs automobiles. Toutes mesures financées à crédit et à l’origine de l’endettement colossal qu’il s’agit aujourd’hui de résorber.
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