Hillary Clinton achève une tournée dans huit pays. Barack Obama affiche un regain d’intérêt pour le continent
Hillary Clinton clôturera ce vendredi au Ghana et au Bénin une tournée de onze jours sur le continent africain. A l’occasion de ce marathon diplomatique, qui a précédemment conduit la secrétaire d’Etat américaine au Sénégal, au Soudan du Sud, en Ouganda, au Malawi, en Afrique du Sud et au Nigeria, quel bilan faut-il dresser de la politique africaine menée par le président américain pendant quatre ans?
Premier constat: Barack Obama, dont l’élection avait fait naître de très fortes attentes en Afrique en raison de ses origines kényanes, ne s’est guère employé à bâtir une relation privilégiée avec le continent. Sa seule visite sur son territoire remonte à 2009. Le chef d’Etat avait alors passé dix-neuf heures au total sur le sol africain, et avait choisi pour point de chute le Ghana, pays stable, dirigé par des autorités démocratiquement élues, peu représentatif des problèmes auxquels sont confrontés tant d’autres Etats subsahariens.
Au cours de ce voyage, Barack Obama avait prononcé un discours fort, soulignant l’importance des institutions démocratiques et faisant appel au sens des responsabilités des Africains. «De tels propos n’auraient jamais été acceptés venant d’un président blanc», note J. Peter Pham, directeur du Michael S. Ansari Africa Center à Washington, soulignant par ailleurs que le président «a, personnellement, été totalement désengagé sur le front africain durant son mandat». Mais cela «n’a rien de surprenant en réalité, estime-t-il, car rien dans sa biographie et son parcours politique ne laissait présager qu’il serait particulièrement actif dans ce domaine. Certains ont conçu des attentes irréalistes, simplement en raison de la couleur de sa peau.»
La faible implication personnelle du chef d’Etat en Afrique n’a cependant pas hypothéqué l’action menée sur la durée par son administration sur le continent. «La politique américaine en Afrique ne connaît pas de rupture en fonction de l’alternance politique, relève J. Peter Pham, elle est au contraire caractérisée par sa continuité. C’est l’un des rares sujets qui fait l’objet d’un consensus entre républicains et démocrates.» En son temps, Bill Clinton avait lancé l’African Growth and Opportunity Act, qui avait permis de développer les exportations africaines et est toujours en vigueur aujourd’hui. Après lui, George W. Bush, dont l’action en Afrique est considérée comme l’un des rares succès de sa politique internationale, avait instauré le Pepfar (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), pour lutter contre le sida. «Ce projet a été étendu durant le mandat d’Obama, qui a largement construit sur les bases posées par ses prédécesseurs», souligne J. Peter Pham. En Afrique du Sud, où elle est restée du 5 au 9 août, Hillary Clinton a ainsi rappelé que, entre 2003 et 2011, les Etats-Unis avaient attribué à ce pays, via le Pepfar, plus de 3,2 milliards de dollars.
Philippe Hugon, chercheur à l’Institut français de relations internationales et stratégiques, relève lui aussi l’absence «d’orientation particulière» de la politique américaine en Afrique sous l’égide d’Obama, «même si les Etats-Unis ont été présents sur le continent au cours des dernières années, sur divers fronts, et notamment sur le plan militaire, en raison de la montée de l’islamisme radical sur le continent.»
Reste que, au cours de ces derniers mois, Barack Obama lui-même a montré un regain d’intérêt pour les affaires africaines. Le 29 juillet dernier, il accueillait à la Maison-Blanche quatre dirigeants d’Afrique noire francophone, le Béninois Thomas Boni Yayi, le Guinéen Alpha Condé, le Nigérien Mahamadou Issoufou et l’Ivoirien Alassane Ouattara, en saluant le caractère démocratique de leur élection. Six semaines plus tôt, le 14 juin, il présentait son plan en faveur du développement de l’Afrique. Le document, promu par Hillary Clinton auprès de ses Etats hôtes durant sa tournée, ne contient pas d’innovations majeures, mais énonce quatre objectifs principaux: renforcer les institutions démocratiques, stimuler la croissance et les investissements, donner la priorité à la paix et à la sécurité et promouvoir le développement.
«Deux facteurs contribuent aujourd’hui à un investissement accru des Etats-Unis en Afrique, souligne Philippe Hugon, la concurrence de la Chine, très active au sud du Sahara et stratégiquement dangereuse [ndlr: Pékin vient d’annoncer le doublement, à 20 milliards de dollars, de ses crédits à l’Afrique, dont il est le premier partenaire commercial], et le marché potentiel de 1 milliard de personnes que représente le continent.»
Lors de son passage en Afrique du Sud, premier partenaire économique des Etats-Unis sur le continent, Hillary Clinton n’a pas manqué de saluer la forte croissance affichée par divers pays africains, et de souligner la volonté des Américains d’y contribuer. Sans citer directement la Chine, la secrétaire d’Etat a également plaidé dans ses divers discours en faveur de la démocratie, en soulignant l’impossibilité de «gouverner comme avant», en fustigeant les dérives autocratiques, et en insistant sur la volonté des Etats-Unis d’offrir à l’Afrique «un partenariat plutôt qu’un patronage».
En attendant de voir si son activisme portera ses fruits dans les mois à venir, la secrétaire d’Etat aura déjà la satisfaction de ramener de sa tournée ce qui ressemble à un succès concret, avec l’accord conclu entre le Soudan et le Soudan du Sud pour régler leur différend pétrolier. Le document a été signé samedi dernier, le lendemain du passage de la secrétaire d’Etat à Juba, où elle avait pressé les autorités de résoudre le problème au plus vite.
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