Le blues des jeunes enseignants américains
Les temps sont durs pour les jeunes professeurs américains. A New York, cette année, près de la moitié des professeurs du primaire au lycée ayant enseigné au moins trois ans et demandé, grâce à cette ancienneté, l’équivalent d’un contrat à durée indéterminée ont été recalés, selon les chiffres publiés vendredi 17 août par le département de l’éducation de la ville. Ces quelque 2 000 jeunes enseignants du public devront être réévalués par leur proviseur l’an prochain. Quelques-uns ont été renvoyés (3 % des demandeurs) et ils sont de plus en plus nombreux à renoncer (16 %).
Les professeurs de New York ne sont pas les seuls dans ce cas. En 2011, pas moins de 18 Etats à travers le pays ont légiféré sur les “tenures”, ces postes d’enseignant que certains critiquent comme des emplois à vie. Bien qu’ils n’en soient pas, ils offrent une sécurité rare dans le secteur public américain, inconnue dans le privé. Les professeurs et leurs syndicats les considèrent comme des défenses contre les éventuels abus de pouvoir, discriminations et choix politiques de proviseurs investis d’une forte autorité.
Cette remise en cause est très récente. A New York, en 2007, à peine 3 % des demandes de postes étaient reportées à l’année suivante ou refusées. En 2009, pas un Etat n’avait touché à ses lois sur les “tenures”. Un an plus tard, Barack Obama plaidait pour une meilleure évaluation des professeurs, et plusieurs gouverneurs conservateurs partaient en croisade contre des enseignants jugés “invirables” et sous-motivés.
Ainsi, l’an dernier, l’Idaho s’est totalement débarrassé de ce type de contrats. Cet Etat conservateur du Nord-Ouest a adopté une loi qui refuse à tout professeur embauché la garantie de voir son contrat renouvelé d’une année sur l’autre. La Floride a adopté une loi similaire et, le mois dernier, le New Jersey a facilité le renvoi de professeurs aux performances jugées mauvaises.
“AU MÉRITE”
A New York, ce durcissement a été lancé en 2010 par le maire Michael Bloomberg comme un enjeu majeur de son troisième et dernier mandat. Le milliardaire, non-affilié aux deux principaux partis américains, affirmait vouloir “en finir avec la ‘tenure’ telle que nous la connaissons, afin qu’elle soit décernée au mérite, et non considérée comme acquise d’office”.
Pour évaluer ce mérite, les proviseurs des écoles new-yorkaises se penchent d’abord sur les résultats d’une classe à des tests standardisés, que le professeur tentera de faire grimper au fil de l’année. Ils ont l’obligation de visiter les classes et sont entraînés par une équipe récemment mise en place par la mairie à évaluer la contribution de chaque professeur “à la vie de l’établissement”. Chacun de ces trois critères est évalué, de “très efficace” à “inefficace”.
Said Shael Polakow-Suransky, le patron des écoles publiques de la ville, qui emploient environ 75 000 professeurs, affirmait vendredi au New York Times : “Je pense que New York a certains des meilleurs professeurs du pays. C’est une belle ville. Les gens veulent être ici. Nous avons donc beaucoup de chance. Mais nous voulons aussi continuer à les stimuler, comme nous continuons à stimuler nos élèves.”
COUPES BUDGÉTAIRES
Les syndicats, eux, se gardent d’attaquer frontalement cette incitation à la performance : Michael Mulgrew, le président du syndicat professoral de la ville (UFT), affirme avoir toujours défendu une procédure d’attribution “rigoureuse mais juste”. Il s’alarme pourtant en constatant que de nombreux jeunes abandonnent la profession après quelques années d’exercice, faute de perspectives. Selon son syndicat, parmi 5 200 professeurs embauchés en 2008, 30 % avaient jeté l’éponge après trois ans.
Ce débat s’inscrit dans un contexte d’inquiétude sur les performances du système scolaire américain et de sévères coupes budgétaires. Depuis 2009, selon un rapport de la Maison Blanche, le système éducatif américain a perdu plus de 300 000 emplois (tous postes confondus), principalement en raison de ces coupes. Samedi, M. Obama demandait aux législateurs locaux et fédéraux de cesser de se servir des licenciements d’enseignants pour équilibrer leurs budgets.
Ce faisant, il tentait de marquer sa différence avec son rival pour la présidentielle de novembre, Mitt Romney, et avec le colistier républicain, Paul Ryan, connu pour son inflexible rigueur en matière budgétaire. Récemment, le président démocrate a proposé un plan de 25 milliards de dollars de soutien aux Etats afin d’éviter les licenciements d’enseignants. Ce programme avait été bloqué par les conservateurs s’opposant à des dépenses supplémentaires.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.