From the Earth to the Moon: The Dream and the Power

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Neil Armstrong aura décidément eu, jusqu’au bout, le sens des symboles. L’homme qui fit le premier pas sur la Lune, voilà quarante-trois ans, a décidé de quitter la Terre au moment même où le robot Curiosity commence à arpenter le sol de Mars.

Les deux exploits résument l’aventure spatiale et ce rêve presque aussi vieux que l’humanité d’explorer l’univers pour mieux le comprendre. Dans le premier cas, c’est un terrien extraterrestre qui symbolisa la suprématie de l’Amérique dans la “guerre” scientifique, technologique et stratégique alors engagée avec l’URSS. Dans le second, une machine associe des équipes de recherche de nombreux pays au service de la science. La conquête hier, l’exploration aujourd’hui.

Au-delà de la part de rêve qu’elle comporte, cette aventure fut d’abord guerrière – ou, pour le moins, géostratégique. Les fusées V2 de l’alors nazi von Braun étaient destinées à détruire Londres. Toutes les technologies spatiales civiles sont les héritières de cette obsession de puissance.

Quand, moins de vingt ans plus tard, le bip-bip de Spoutnik retentit et que le Russe Youri Gagarine atterrit après un tour de Terre, c’est le modèle soviétique qui démontrait son ambition et son avance technologique. La course à la Lune lancée par John Fitzgerald Kennedy en 1961 n’avait pas d’autre objectif que de laver cet affront. Et d’épuiser les Russes dans cette course sans limite.

Voilà pourquoi la conquête de la Lune fut sans lendemain, ou presque : au total, douze hommes seulement, tous américains, ont foulé son sol entre 1969 et 1972. La démonstration était faite de la suprématie américaine, définitivement consacrée quelques années plus tard par le projet de “guerre des étoiles”.

L’espace obéit, ensuite, à la realpolitik : à l’heure de la perestroïka, Américains et Russes choisirent, cette fois, de coopérer pour partager le coût faramineux de ces programmes. Ce sera la station spatiale internationale. L’Europe, flattée d’être admise dans ce club très fermé, acceptera de participer au financement de ce laboratoire ruineux, pour y obtenir un strapontin. Certains regrettent que le Vieux Continent ait obéré le développement de projets spatiaux utiles, comme l’observation de la Terre, les télécommunications ou la géolocalisation.

Le match entre vol habité et exploration robotisée du système solaire reste d’actualité : les tenants de la machine assurent qu’elle est plus apte à glaner des données scientifiques ; les champions de l’homme dans l’espace assurent que celui-ci est mieux équipé pour s’adapter à l’inconnu.

Mais, aujourd’hui, le robot a pris l’avantage. Après la mise à la retraite de navettes trop coûteuses et dangereuses, les Etats-Unis n’ont même plus de moyens propres pour envoyer des astronautes dans l’espace. Ils doivent payer leur ticket pour prendre place dans les Soyouz russes, et Barack Obama a annulé le programme de retour sur la Lune. Un seul acteur semble en mesure de prendre la relève : la Chine, à son tour décidée à marier le rêve et la puissance.

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