Alors que s’ouvre demain à Tampa, en Floride, la Convention républicaine, est-il possible de tirer des leçons des dernières élections présidentielles françaises pour prédire le résultat des élections américaines ?
En France, les électeurs se sont largement déterminés en fonction du style personnel des deux principaux candidats en présence. Ils ont rejeté (à une faible majorité) le « bonapartisme » du président en place pour choisir l’approche plus « consensuelle » d’un candidat socialiste qui avait su, en dépit de son extrême réserve personnelle, se mettre en scène et se « révéler aux Français » lors du discours du Bourget, qui avait lancé sa campagne en janvier 2012.
Mitt Romney, le candidat de l’opposition républicaine, se trouve aujourd’hui dans la position où se trouvait François Hollande hier. Saura-t-il sortir du mystère qui entoure sa personnalité ou demeurera-t-il aux yeux des Américains ce qu’était resté Lionel Jospin en 2002, une personnalité désincarnée, froide et lointaine ?
Tel est le premier enjeu des élections américaines, qui tient à l’éligibilité personnelle d’un homme. Barack Obama, en dépit de sa distance aristocratique, de son approche cérébrale des problèmes, apparaît d’une extrême chaleur communicative en comparaison de Mitt Romney. C’est encore aujourd’hui avec le président en place, plus qu’avec son rival, qu’une majorité d’Américains préféreraient « prendre une bière ». Qu’en sera-t-il à l’issue de la campagne ?
Au-delà des hommes, il y a leurs programmes. Le second enjeu du scrutin est cette année de nature idéologique. En prenant Paul Ryan comme colistier, Mitt Romney a-t-il – toutes proportions gardées -, en termes français, fait le choix d’une stratégie « à la Patrick Buisson » ? Dans le cas américain, la question de la taille et du rôle du gouvernement s’est substituée à celle de l’identité nationale. Mais Romney ne risque-t-il pas – pour ne pas perdre une seule voix sur sa droite et mobiliser les ultra-conservateurs du Tea Party -d’aliéner une partie des électeurs du centre, ces électeurs dits « indépendants » qui s’étaient ralliés massivement derrière Obama en 2008 ?
Certes, ces électeurs ne sont pas très nombreux, mais ne sont-ils pas – à la marge -décisifs, comme a pu l’être en France ce « marais humaniste » qui s’est reporté pour des raisons éthiques sur François Hollande.
En durcissant sa campagne, en lui donnant une orientation plus idéologique, Mitt Romney le « centriste », que le Parti républicain jugeait trop tiède, ne risque-t-il pas aussi d’affaiblir la portée de son message central ? En mettant l’accent sur la question du déficit, Romney dit aux Américains « le changement, c’est urgent » ou « c’est moi ou le déclin inéluctable ». Mais s’il pose une bonne question, le candidat républicain y apporte-t-il une bonne réponse ? Même si Paul Ryan mettra très certainement de l’eau dans son vin intégriste en matière de lutte contre les déficits, la classe moyenne américaine n’est pas prête à se serrer seule la ceinture au moment où les plus riches connaîtraient des dégrèvements fiscaux importants. Peut-on lancer un grand et nécessaire débat de société -êtes-vous prêts à remettre en cause des avantages acquis que la société n’a plus les moyens de vous assurer ? -si au point de départ tout le monde, en fonction de sa richesse, ne se voit pas demander des sacrifices.
De plus, le durcissement idéologique sur le plan économique s’accompagne d’un virage à droite sur les questions dites de société. Comment les femmes, et une grande partie des jeunes, peuvent-ils se rallier à un ticket républicain qui se veut responsable et moderne sur le plan économique, mais qui apparaît à ce point rétrograde en matière de société, des questions d’avortement à celles du droit des homosexuels ? L’Amérique peut être légitimement obsédée par le spectre de son déclin relatif, voir dans le caractère abyssal de ses déficits la source majeure de ses problèmes ; elle n’est sans doute pas prête à une contre-révolution sociale et sexuelle. Et en faisant de l’élection un référendum sur le futur de Medicare, donc sur le rôle et la taille du gouvernement, le Parti républicain prend le risque de perdre définitivement les classes moyennes dans les Etats clefs. A un peu plus de deux mois des élections, les chances d’Obama aux Etats-Unis sont plutôt meilleures que ne l’étaient à la même période celles de Sarkozy en France.
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