Les attaques contre les ambassades des États-Unis après la sortie d’un film anti-islam mettent le président dans une situation délicate.
Est-ce que la flambée de violence de Tunis à Khartoum peut faire tomber Barack Obama ? C’est en tout cas ce qu’espère Mitt Romney. Le républicain est en perte de vitesse dans les sondages et doit tout faire pour essayer d’affaiblir son adversaire, notamment sur ses points forts comme la politique étrangère. Il a donc lancé une grande offensive contre le président Obama l’accusant d’être un faible qui s’écrase devant les ennemis de l’Amérique. Bref, un Jimmy Carter bis. Dans la bouche des républicains, c’est la pire des injures. L’ex-président démocrate incarne pour eux un être indécis, mou, irresponsable, qui a terriblement mal géré la crise des 52 Américains retenus en otage en Iran en 1979, ce qui lui a coûté sa réélection au profit de Ronald Reagan.
Ce n’est pas nouveau. Depuis des mois Mitt Romney martèle le même thème : Obama est un président qui passe son temps à s’excuser auprès du monde et sape la position dominante de l’Amérique. Lui, au contraire, assure-t-il, sera un vrai commandant en chef qui n’hésitera pas à taper du poing sur la table et à défendre les intérêts du pays. Son livre a d’ailleurs pour titre Pas d’excuse.
Les déclarations hâtives de Romney
Mais Romney peut-il être le nouveau Reagan ? Pour l’instant ça s’annonce mal. Alors que le Caire commence à bouger le 11 septembre, il se fend, sans attendre de voir comment les choses vont tourner, d’un communiqué accusateur : “Il est honteux que la première réponse de l’administration Obama n’ait pas été de condamner les attaques sur nos missions diplomatiques, mais de sympathiser avec ceux qui ont lancé les attaques.” Il remet ça le lendemain alors que l’attentat contre l’ambassade américaine à Benghazi en Libye a déjà fait quatre morts dont l’ambassadeur. En fait, ni Barack Obama ni Hillary Clinton ne se sont excusés ou n’ont exprimé la moindre sympathie envers les attaquants. Romney répond à une déclaration de l’ambassade américaine au Caire diffusée avant les manifestations qui condamnait les “individus malavisés” auteurs de la vidéo contre le prophète Mahomet qui avaient “blessé les sentiments religieux des musulmans”.
C’est donc non seulement incorrect, mais en plus le timing est terriblement mauvais. Cela lui vaut une volée de bois vert. Les critiques pleuvent, y compris dans son propre camp. On lui reproche son amateurisme en matière de politique étrangère et d’avoir exploité la crise par pur opportunisme alors que d’habitude en cas d’attaque contre le pays, républicains comme démocrates serrent les rangs et montrent un front uni.
Ces déclarations démontrent une “insensibilité et un manque de jugement sur ce qui se passe”, juge John Kerry, l’ex-candidat à la présidentielle. Le président Obama est encore plus dur : “Le gouverneur Romney semble avoir une tendance à tirer d’abord et viser ensuite”, lâche-t-il. “En tant que président, l’une des choses que j’ai apprises est que l’on ne peut pas faire cela. Il est important de s’assurer que les déclarations que vous effectuez sont soutenues par les faits, et que vous avez pensé à toutes les conséquences avant de les prononcer.”
“Jours difficiles”
Mitt Romney tempère un peu ses critiques les jours suivants, mais les républicains, eux, en rajoutent. “Le président Obama a clairement surpassé l’ex-président Jimmy Carter et ses actions pendant la crise de l’ambassade en Iran, comme la personne la plus faible et la plus inefficace à avoir jamais occupé la Maison-Blanche”, clame Allen West, un représentant de Floride, dans le Huffington Post. “S’excuser pour l’Amérique, apaiser nos ennemis, abandonner nos alliés et couper dans les dépenses militaires sont la marque de fabrique de la politique étrangère d’Obama,” écrit Liz Cheney, la fille de l’ex-vice président de George Bush, dans le Wall Street Journal.
Est-ce que cela suffira à faire oublier les gaffes de Romney et à lui assurer la victoire en novembre ? Une chose est sûre. En quelques heures, la campagne a changé du tout au tout. La politique étrangère, qui était jusqu’ici la dernière des préoccupations des Américains, est passée au premier plan et a introduit une sacrée dose d’incertitude.
Pour Barack Obama, c’est un test. À moins de deux mois du scrutin, il se retrouve avec une crise au Moyen-Orient, sans parler des tensions avec Israël et l’Iran. Les attaques contre les ambassades remettent en question les positions vis-à-vis des pays arabes et de l’Égypte notamment. Et puis si les émeutes augmentent, jusqu’à quel point l’opinion américaine est-elle prête à durcir le ton ? À la cérémonie du retour des corps des quatre Américains, le président a reconnu que l’on vivait “des jours difficiles”.
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