A l’heure où les républicains sont réunis au centre de Tampa en Floride pour adouber leur candidat à la Maison-Blanche, Mitt Romney veut éviter un scénario qui pourrait altérer le message qu’il entend transmettre à l’Amérique. Le rival de Barack Obama dans la course à la présidence américaine n’est pas prêt à entonner le credo de la culture war, une guerre des valeurs sur les questions de société. En 1992, l’ultraconservateur Pat Buchanan avait radicalisé la rhétorique républicaine lors de la convention de Houston en tenant un discours qui dramatisait la «guerre de religion» entre démocrates et républicains en matière d’avortement et de droits des homosexuels.
Dimanche, à proximité du Centre de convention barricadé derrière un dispositif sécuritaire impressionnant, des centaines de militants de l’ONG Freedom and Faith Coalition ont martelé leur message contre l’interruption volontaire de grossesse, un acte légalisé en 1973 par la Cour suprême des Etats-Unis dans son arrêt Roe vs Wade. Candidat malheureux à l’investiture lors des primaires républicaines, Newt Gingrich a fait usage de l’hyperbole pour décrire l’actuel président: Barack Obama est «le président pro-avortement le plus extrême dans l’histoire» des Etats-Unis.
Pour Mitt Romney, qui fait de l’économie son principal argument de campagne, le retour de la question de l’avortement sur la scène médiatique est embarrassant. A Tampa, le républicain de Boston doit relever le défi de rassembler les tenants d’un conservatisme budgétaire incarnés par les milieux d’affaires et les partisans d’un conservatisme social promu par les évangéliques. Sans alliance entre ces deux blocs, une victoire le 6 novembre prochain paraît très hypothétique.
Or le programme électorale que la convention républicaine est censée adopter ces prochains jours défend une position radicale en la matière: l’avortement doit être prohibé en toutes circonstances, même en cas de viol et d’inceste. Le texte soumis aux 2286 délégués républicains appelle à criminaliser toute institution qui pratiquerait l’avortement et à en inscrire l’interdiction dans la Constitution. Se basant sur la Déclaration d’indépendance de 1776, le texte réaffirme «le caractère sacré de la vie humaine et rappelle que le fœtus a un droit fondamental à la vie qui ne peut être aliéné».
Président de la commission chargée d’élaborer le programme électoral pour la convention, le gouverneur de Virginie Bob McDonnell ne craint pas les effets d’une telle plateforme sur les électeurs indépendants: «Ce qui importe dans cette élection, c’est de savoir comment nous allons remettre le plus grand pays du monde au travail et l’affranchir de sa dette.» Les sondages semblent pour l’heure lui donner raison. Avec 47% des intentions de vote quand il est question de savoir qui gérera le mieux la première économie mondiale, Mitt Romney mène la course devant Barack Obama (46%).
Todd Akin a cependant montré que l’avortement n’allait pas disparaître des radars électoraux si facilement. Voici quelques jours, le représentant républicain du Missouri, qui est candidat au Sénat cet automne, a provoqué un scandale en déclarant qu’il y avait des viols imposés et d’autres plus ou moins provoqués. Se perdant dans des explications peu convaincantes, il relevait que les femmes qui en sont victimes ont les moyens d’éviter une grossesse par un mécanisme anatomique interne. L’ex-gouverneur du Massachusetts a d’emblée condamné ces propos sans pour autant en rajouter, de peur d’ouvrir les hostilités au sein du parti. Les pontes du Parti républicain ont exhorté en vain Todd Akin à renoncer à sa candidature pour le Sénat, car avec ce scandale, la perspective de reconquête de la majorité dans la Chambre haute du Congrès se complique.
Si la question de l’avortement refait surface à Tampa, elle a déjà fait les gros titres de la presse américaine ce printemps. Sous la pression des conservateurs et du Tea Party, plusieurs Etats républicains imposent désormais aux femmes désirant avorter des ultrasons intravaginaux afin qu’elles puissent voir l’image du fœtus et décider en «toute connaissance de cause». Le chroniqueur du New York Times , Nicolas Kristof, déplore cette «guerre contre les femmes» et dénonce une pratique autorisée par la puissance publique qui confine à un viol. Un comble pour un parti plus ou moins antiétatique. Aujourd’hui, 50% des démocrates estiment qu’une femme doit toujours pouvoir avorter contre 26% chez les républicains. Au plan national, seuls 22% des Américains, selon un sondage de Gallup, interdiraient l’avortement en cas de viol ou d’inceste.
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