Why the Election Is Not Yet Won for Obama

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Pourquoi Barack Obama n’est pas encore réélu

Donné vainqueur par les sondages, le président sortant doit notamment affronter des inquiétudes sur la mobilisation en sa faveur des électeurs noirs, latinos ou catholiques et sur la stratégie de «microtargeting» de la droite chrétienne.

Lauric Henneton est maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin et vient de publier chez Flammarion une Histoire religieuse des Etats-Unis.

Mitt Romney est peut-être le pire candidat d’un grand parti depuis longtemps à la présidence des Etats-Unis: aucun de ses prédécesseurs, du côté démocrate comme républicain, n’avait eu une si mauvaise image dans l’opinion depuis au moins un quart de siècle, d’après une enquête du Pew Research Center.

Malgré quelques efforts, il ne parvient pas à imposer un narrative qui permettrait de le rendre humainement attachant: il est considéré comme distant, coupé des réalités (notamment financières) de l’électeur américain moyen, et son mormonisme est suspect aux yeux d’une partie des protestants évangéliques, pourtant globalement favorables au «G.O.P.».

A ces handicaps déjà nombreux s’ajoutent des revirements (sur l’avortement), des dissimulations embarrassées (le système de santé qu’il a contribué à mettre en place dans le Massachusetts), et des gaffes, comme les remarques rendues publiques récemment au sujet des désormais fameux 47% d’Américains qu’il considère comme assistés et par conséquent perdus pour la cause de son parti.

La conséquence de ce faisceau de facteurs est que Barack Obama apparaît en bonne posture dans toute une série de sondages récents effectués dans les «Etats-clés» (battleground states), où l’élection du 6 novembre se jouera: Floride et Ohio, décisifs en 2000 et 2004, mais aussi Nevada, Colorado, Iowa, Wisconsin, New Hampshire, Virginie et Caroline du Nord.

Cette série de sondages favorables à Obama et l’accumulation des maladresses côté républicain laissent à penser qu’une dynamique s’est mise en marche vers une réélection sans encombre du président sortant. Les sondages nationaux, pourtant, restent serrés, ce qui peut surprendre, mais ne veut pas dire grand-chose dans un scrutin qui ne se joue pas au niveau national, comme en France.

Malgré ce contexte pourtant favorable, l’équipe de campagne d’Obama doit faire face à six sujets d’inquiétude.

1. Céder prématurément au triomphalisme, en croyant que l’élection est jouée, ce qui aurait pour double conséquence un relâchement de l’effort des militants au niveau local ainsi qu’une moindre mobilisation d’électeurs américains facilement abstentionnistes. Il est certain que la mobilisation inédite de 2008 ne sera pas égalée, mais gare à une démobilisation trop large.

2. En 2008, la mobilisation avait été particulièrement remarquable au sein de l’électorat noir. De sérieuses inquiétudes planent depuis quelques temps à la suite de l’annonce par Obama de son soutien au mariage homosexuel, critiqué notamment dans les églises noires, qui ont appelé leurs ouailles à s’abstenir. Le soutien au président de grandes figures évangéliques noires comme Al Sharpton, annoncé lors d’une conférence de presse le 21 septembre, permettra-t-il de limiter une démobilisation d’un électorat noir aussi croyant que pratiquant?

3. Le même problème se pose avec les catholiques, qui, avec un quart de l’électorat, représentent un enjeu crucial. En plus du mariage homosexuel, ils sont globalement opposés à l’avortement, défendu par les démocrates (même s’il existe une minorité démocrate pro-life).

Les catholiques pour qui l’idéal de justice sociale est plus important que le droit à l’avortement penchent pour les démocrates, qui, lors de la convention de Charlotte, début septembre, ont envoyé quelques signaux forts à cet électorat, malgré la controverse –largement médiatisée– sur la réintroduction de Dieu et de Jérusalem dans le programme sous les huées des militants laïcs. Au-delà de l’électorat catholique, le parti démocrate essaie de se défaire de son image traditionnelle d’hostilité à la religion, qui n’est pas propre à lui attirer l’électorat indépendant et encore indécis.

4. Les Latinos, minorité en forte croissance, traditionnellement démocrates même si leur conservatisme social les pousse parfois à voter républicain, sont l’autre grand enjeu électoral. La véritable question cette année est de savoir s’ils vont pouvoir voter tout court, puisqu’un certain nombre de lois ou dispositions, non dépourvues d’arrières pensées partisanes, visent à les rayer des listes électorales ou à les empêcher de s’y inscrire (obligation de présenter une pièce d’identité avec photo, encore rare aux Etats-Unis, surtout parmi les minorités).

Les Latinos, et dans une moindre mesure les Noirs, qui ne pourraient pas voter le 6 novembre seraient autant de voix en moins pour les démocrates, surtout dans les Etats-clés du Nevada et de la Floride pour les hispaniques, Caroline du Nord et Virginie pour les Noirs.

5. La grève des enseignants à Chicago, qui s’est achevée le 19 septembre, est symptomatique des limites du bilan de Barack Obama, les syndicats étant un pilier historique du parti démocrate. Sa réforme du système de santé, passée dans la douleur, a été remise en cause au niveau des Etats.

Malgré la mort spectaculaire d’Oussama ben Laden, la situation au Proche-Orient est loin d’être pacifiée et l’embrasement récent du monde arabo-musulman montre que malgré le discours du Caire, l’antiaméricanisme demeure. Le 112e Congrès (2010-2012) va sans doute détenir le triste record du moins productif depuis 1947, notamment en raison de l’opposition farouche d’une Chambre des représentants à majorité républicaine depuis la cuisante défaite des démocrates aux élections de mi-mandat en 2010. La déception des uns pourrait donc s’ajouter au triomphalisme des autres, évoqué plus haut, comme éléments de démobilisation des électeurs de 2008.

6. Enfin, sous l’impulsion de Ralph Reed, une des têtes pensantes de la droite chrétienne, les évangéliques conservateurs sont en train de mettre en branle une campagne de mobilisation d’une ampleur considérable, grâce à la stratégie de microtargeting qui avait permis au stratège Karl Rove de contribuer de façon décisive à la réélection pourtant théoriquement compliquée de George W. Bush en 2004.

A moins de deux mois de l’élection, la question de la mobilisation se pose donc dans les deux camps. Les sondages sont pour l’instant favorables aux démocrates et le candidat républicain n’est ni le plus charismatique, ni le plus habile. Cependant, entre les causes possibles de démobilisation du côté démocrate et un soubresaut conservateur plus marqué par l’hostilité à Obama que par l’adhésion enthousiaste à Romney, la campagne américaine en 2012 est loin d’être jouée.

N’oublions pas, enfin, que gagner la présidentielle n’est que la moitié du chemin: les démocrates doivent également mobiliser pour accroître leur majorité au Sénat et reconquérir la Chambre des représentants, et par conséquent la capacité à faire voter des lois. Ces scrutins, au moins aussi importants que la course à la Maison Blanche, sont injustement sous-médiatisés.

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