Les électeurs de l’Ohio, paisible Etat du Midwest américain, ont été récemment soumis à un mitraillage de publicités télévisées promettant la guerre à la Chine – économique, s’entend. Elles traitent les Chinois de “tricheurs”. Elles émanent du camp républicain : s’il ne remporte pas l’Ohio, Etat-clé dans la course présidentielle, Mitt Romney, le candidat du parti, a toutes les chances de sortir défait du scrutin du 6 novembre.
M. Romney martèle que la Chine est un concurrent commercial déloyal, très largement responsable des misères industrielles des Etats-Unis. Il a fait de ce thème l’un des points centraux de sa campagne. S’il est élu à la Maison Blanche, il accusera la Chine de “manipuler” le taux de change de sa monnaie. Ce n’est pas sans conséquences. Il en résultera, quasi mécaniquement, une série de sanctions commerciales contre la Chine. La guerre économique, en somme.
M. Romney dénonce la “faiblesse” de Barack Obama vis-à-vis du “mercantilisme” chinois. Le président n’est pas resté sur la défensive. Il sait que le discours antichinois est porteur dans un électorat traumatisé par le chômage et la crise. Fascinée par la montée en puissance de la Chine, l’Amérique y décèle le reflet de ce qu’elle perçoit, bien souvent à tort, comme son propre déclin.
Réplique du berger démocrate à la bergère républicaine, M. Obama vient de demander à l’Organisation mondiale du commerce de sanctionner les exportateurs chinois de pièces détachées automobiles – comme par hasard un secteur-clé dans l’Ohio… Washington estime qu’ils sont subventionnés. M. Obama avait déjà sévi contre les exportateurs de pneus chinois.
Le Dragon a réagi mollement. Pékin est habitué à cet assaut de rhétorique antichinoise qui revient à chaque campagne électorale américaine. Passé l’élection, la relation entre la Chine et les Etats-Unis reprend un cours plus tranquille. C’est la vengeance d’une réalité complexe.
D’un côté, les Etats-Unis sont souvent fondés à pointer la manière dont la Chine protège ses marchés et dope ses industriels. De l’autre, la Chine n’en est pas moins devenue le marché le plus prometteur pour les exportateurs américains. Celui qui croît le plus vite.
Premier investisseur en bons du Trésor américain (aux yeux de Pékin, rien de plus sûr que le dollar), la Chine est le financier d’un Etat fédéral aussi dispendieux qu’un pays du “Club Med” européen. Il est d’autant plus difficile de faire la guerre à ce “partenaire-adversaire” qu’on le sollicite pour investir aux Etats-Unis. Nombre de maires et gouverneurs de l’Union américaine, notamment dans les Etats du Midwest, font la cour aux investisseurs chinois. Lesquels manifestent un intérêt sans cesse grandissant pour s’implanter en Amérique.
La relation entre la première et la deuxième économie du monde est ainsi faite : un détonant mélange d’hostilité et de complicité, qui déterminera largement le profil du siècle.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.