Help, Bush's People Are Back!

Edited by Jane Lee

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Ils se nomment Condoleezza Rice, Karl Rove, John Bolton ou Dan Senor. Figures éminentes de la dernière administration républicaine, ils ont repris du service sous la bannière de Mitt Romney. Et ne cachent plus leurs nouvelles ambitions.

Si l’intervention hallucinée de Clint Eastwood lors de la convention du Parti républicain a presque éclipsé l’investiture de Mitt Romney comme candidat, l’absence d’un autre cow-boy n’est pas passée inaperçue. Quarante-troisième président des États-Unis, George W. Bush avait en effet poliment décliné l’invitation dès le mois de juillet. Ayant réussi à « s’extirper du marécage de la politique », a-t-il fait savoir, il n’avait aucune intention d’y replonger. Sans doute les organisateurs n’ont-ils pas beaucoup insisté pour le faire changer d’avis. En tout cas, le nom de l’ancien chef de l’exécutif n’a été que rarement prononcé à Tampa.

De tous les orateurs, seul Jeb Bush, son frère et ancien gouverneur de Floride, a tenté de le défendre dans un discours centré sur l’éducation. Un court clip a également été diffusé pour lui rendre hommage, ainsi qu’à son père, George Herbert, qui, souffrant d’une forme de maladie de Parkinson, n’avait pas non plus fait le déplacement de Floride. Mais c’est à peu près tout. Il est clair que la présidence de George W. est un embarras pour tout candidat républicain. Tant pour sa politique étrangère et ses encombrants symboles (d’Abou Ghraib à Guantánamo) que pour son désastreux bilan budgétaire, à l’heure où les républicains jurent de renouer avec l’orthodoxie financière. « Nous voulons nous démarquer autant de la présidence Obama que, soyons francs, de la présidence antérieure », a ainsi déclaré Paul Ryan, le colistier de Romney. Pendant les huit années de l’ère Bush, la dette américaine a en effet augmenté de 4 900 milliards de dollars (3 500 milliards d’euros)… Selon un récent sondage du Washington Post, 54 % des Américains désignent Bush comme le principal responsable des problèmes économiques du pays, contre 38 % pour Obama. Sinistre coïncidence, l’ouragan Isaac, qui a perturbé la convention de Tampa, a rappelé son coupable attentisme lorsqu’un autre ouragan, Katrina, avait frappé La Nouvelle-Orléans, en 2005.

En coulisses

Pourtant, les républicains n’en ont pas encore fini avec Bush. Les principaux responsables de son administration jouent en effet un rôle de premier plan dans la campagne en cours. Au premier rang d’entre eux : Condoleezza Rice, l’ancienne secrétaire d’État, un temps pressentie pour figurer au côté de Romney sur le ticket républicain. À Tampa, elle a violemment attaqué Obama pour son manque de leadership sur la scène internationale et a reçu une standing ovation. « Condi » ne manque pas d’air : n’est-elle pas directement impliquée – moins que d’autres, sans doute, mais quand même – dans les errements de la politique étrangère bushienne ?

Rove était le spécialiste des coups tordus, des attaques en dessous de la ceinture. Il l’est resté.

En coulisses, Karl Rove, ancien stratège et, à en croire certains, âme damnée de « GWB », joue également un rôle de premier plan. Il est sans doute l’homme que les démocrates détestent le plus en raison de sa totale absence de scrupules. Depuis son départ de la Maison Blanche, en 2007 – et après une traversée du désert -, il a fondé l’un des comités d’action politique les plus puissants du pays avec celui des frères Charles et David Koch. Ces « super PAC », comme on dit ici, peuvent contribuer de manière illimitée au financement des campagnes électorales…

Lunettes noires

Baptisé American Crossroads, celui de Rove a récolté 51 millions de dollars en 2011 (à titre de comparaison, le super PAC démocrate le plus important n’en a récolté que 6 millions). Son objectif est de porter cette somme à 240 millions de dollars d’ici au mois de novembre. American Crossroads, et donc Rove, est derrière certains des spots publicitaires les plus contestés de cette campagne. Le dernier présente Obama sous les traits ridicules d’une rock star à lunettes noires, abonnée aux plateaux de télévision… À Tampa, où lobbys pétroliers, géants de la finance et super PAC avaient pignon sur rue, Rove a été très courtisé par les délégués républicains. Il est vrai qu’American Crossroads, qui a grandement contribué au succès républicain lors des élections de la mi-mandat, en novembre 2010, pèsera de tout son poids lors de celles du mois de novembre. Y compris pour le Sénat et la Chambre des représentants.

On retrouve enfin dans l’équipe rapprochée de Romney des hommes comme le très néoconservateur John Bolton, qui fut ambassadeur auprès des Nations unies au temps de Bush et aurait été pressenti pour être le secrétaire d’État de Romney si ce dernier venait à être élu, ou Dan Senor, autre bushiste notoire, qui a directement inspiré les récents commentaires de Romney à Jérusalem sur la prétendue supériorité culturelle des Israéliens. Mais le candidat républicain s’est aussi attaché les services d’un ancien directeur de l’entreprise de sécurité privée la plus emblématique des années Bush : Blackwater, aujourd’hui rebaptisée Xe Services, que ses bavures en Irak ont rendue célèbre.

Très décriés en leur temps, Reagan et Clinton ont fini par sortir du purgatoire. Et si Bush en faisait autant?

La vérité est qu’on assiste à une tentative, certes encore timide, de réhabilitation des années Bush par leurs principaux acteurs, comme l’ancien vice-président Dick Cheney. Celui-ci a, au début de l’année, subi une transplantation cardiaque et s’est de facto retiré de la vie publique, mais il n’en a pas moins publié récemment des Mémoires en forme de panégyrique bushiste. Plus étonnant, Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies, tresse dans son dernier ouvrage autobiographique des lauriers à Bush pour son action résolue contre le VIH/sida, même s’il ne cache rien de leurs désaccords sur les dossiers irakien et palestinien.

Interventionniste

Obama lui-même ne mène-t-il pas en Afghanistan une politique d’inspiration bushiste marquée par l’utilisation systématique des drones ? Selon un journaliste du New York Times, c’est d’ailleurs ce que son prédécesseur lui avait conseillé de faire en 2008, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs. Et puis, que l’on sache, le camp de Guantánamo n’est toujours pas fermé… Quant à Romney, n’en parlons pas. En politique étrangère, c’est un interventionniste à tous crins, résolu à frapper les installations nucléaires iraniennes.

Alors, Bush va-t-il bientôt sortir du purgatoire ? Avant lui, un Ronald Reagan ou un Bill Clinton, pourtant très décriés en leur temps, y étaient parvenus. Pour lui comme pour les transfuges de son administration, ce serait une sacrée revanche. Mais pas une bonne nouvelle pour le reste du monde !

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