Les démocrates et l’ensemble des partisans de Barack Obama devraient être soulagés après la domination du président lors du deuxième débat télévisé d’hier soir. Ils pourraient même se demander où était passé, auparavant, ce président-là.
Le candidat Obama d’hier avait clairement tiré les leçons de sa contreperformance du premier face-à-face. Il a compris la nécessité qu’il y avait à stopper l’élan nouveau de Romney, les spéculations sur sa motivation, et la tendance dangereuse que prenaient les intentions de vote, revues à la baisse depuis la rencontre de Denver. Il s’est de fait montré revigoré, inspiré et prêt à se battre pour sa réélection. Il a insisté sur les sujets sur lesquels il s’était étonnamment tu à Denver (comme la vidéo de Romney sur les 47 %, le plan de sauvetage de l’industrie automobile – pourtant très suivi dans l’Etat clef de l’Ohio, et que Romney avait un peu vite dénoncé).
Contrairement au premier débat, Obama a su amener Romney à descendre dans l’arène. Plus particulièrement, il a su centrer les débats sur la faible capacité des Républicains à changer la vie, ou amener les discussions sur le terrain de leurs ambigüités. Hier soir, en un mot, Obama n’a pas manqué de saisir un certain nombre d’opportunités pour rétablir des équilibres et quelques vérités.
Il a fixé le ton du débat d’entrée de jeu, dépeignant un Romney élitiste, indifférent, préoccupé essentiellement de protéger les classes aisées, mais “out of touch” avec la vraie société et sans compréhension pour les enjeux qui touchent la classe moyenne. Aux yeux de l’Américain moyen, l’enjeu était de déconstruire la nouvelle image de pugnacité et de candidat plein d’empathie que Romney avait réussi à se donner récemment. Obama a appliqué avec méthode cette stratégie consistant à faire de son adversaire un chantre de l’élitisme, méthode déclinée aussi bien sur les questions économiques, fiscales, que sociales, ou sur des sujets plus polémiques encore comme l’immigration. Ce recours à ce qui était parfois une caricature, a réussi à mettre Romney sur la défensive dès le début des échanges, dynamique dont le candidat républicain n’a jamais véritablement pu se dépêtrer jusqu’à la fin de la soirée.
Il est vrai que le format du débat (le town-hall style, ou proximité avec électeurs) est connu pour poser des difficultés à celui des deux adversaires qui se fait attaquer le premier. La formule permet aux candidats d’échanger directement avec les électeurs, mais comporte le risque de faire passer les coups portés à l’opposant comme des petites mesquineries politiciennes. Dans ce cadre, le président Obama a su éviter l’écueil et mettre à profit sa likability (son amabilité naturelle) pour se lancer à l’assaut de Romney par le biais des enjeux économiques et fiscaux, en établissant un lien avec la richesse personnelle de ce dernier, très loin des conditions de vie de l’homme de la rue. Cette tactique semble avoir fonctionné.
Pour sa part, Romney avait la tâche difficile de montrer que le débat de Denver n’avait pas été un simple coup de chance, mais la révélation du “vrai Mitt Romney” – un Républicain sensible, sympathique et modéré, un homme qui ne ressemble en rien à l’ultraconservateur dépeint par l’équipe adverse. Plus difficile encore, le candidat républicain ne pouvait plus compter cette fois sur l’effet de surprise. Il était donc attendu au tournant, et la pression, cette fois, était forte. Romney a réussi à porter quelques coups à Obama, notamment sur l’économie, sur la trajectoire fiscale du pays dans le dernier mandat, sur des politiques qui “écrasent la classe moyenne”, et sur des dépenses “démesurées” depuis quatre ans. Il a encore tenté d’établir ses différences avec le président sur des sujets précis comme l’énergie, dans un discours très différent de celui d’Obama, qui à l’inverse misait sur la présentation d’une vision globale pour un avenir plus juste, vision d’ensemble qui lui avait manqué dans le débat précédent.
Mais les quelques points forts de Romney dans cet affrontement ont été éclipsés par ses nombreuses tensions avec le modérateur (notamment sur la question des modalités du débat), ce qui ne l’a pas grandi. Il a terminé le débat après avoir fait signaler une erreur du président dans sa réponse officielle aux attentats de Benghazi qui en réalité n’en était pas une. Dans une campagne républicaine qui avait tenté d’élargir les attaques contre le président aux questions de politique étrangère, il s’agit d’une faute qui pourrait se révéler lourde de conséquences. Non seulement elle montre une certaine vulnérabilité de Romney au fil des débats, mais elle donne au président sortant – crédible auprès des électeurs sur ces questions de politique étrangère – la possibilité de ridiculiser un adversaire dépeint comme irresponsable, et dont les gaffes récentes (au cours de son voyage en Europe à l’été 2012) ne manqueront pas d’être rappelées aux électeurs comme preuves d’une compétence trop faible pour devenir le commandant en chef des armées du pays.
Reste à voir, à travers les sondages à venir, comment les messages des deux candidats ont résonné auprès des populations d’électeurs les plus sensibles, notamment les femmes, les indécis, et les électeurs des swing states. Certes, la “victoire” d’Obama dans le débat de la nuit dernière n’a pas fondamentalement modifié la donne de fond de la compétition, à savoir une marge très serrée entre les deux hommes, et qui le restera probablement jusqu’au dernier jour. Mais le candidat-président a réussi sa prestation, en accomplissant une série de petites exploits qui, ajoutés bout à bout, prennent l’allure d’une victoire.
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