And the Winner Is…

Edited by Jonathan Douglas

 

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Ceux qui espéraient du sang, un corps affalé dans les cordes, seront déçus, quand bien même il ne fait aucun doute que le Président en poste, plongé tous les jours dans les dossiers, a clairement dominé ce dernier débat, consacré à la politique étrangère.

Plus simplement, visuellement, Barack Obama a regagné la stature présidentielle et l’image de leader mise en doute par sa mauvaise prestation du 3 octobre. Cette fois encore, comme le 16 octobre, il a tapé dur, répondant par exemple aux critiques de Romney sur l’Etat des forces armées, (le nombre de vaisseaux de la marine prétendument plus faible qu’en 1916) par une sortie magistrale. « Oui, il y avait même à l’époque, plus de chevaux et de baïonnettes. Maintenant, nous avons ces bateaux qui s’appellent des porte-avions et d’autres qui vont sous l’eau, des sous marins ». Si Romney voulait jouer de la rapière, prouver son attachement viril à la puissance militaire, il a été facilement mouché par le commandant en chef actuel.

Plus encore, Obama n’a pas eu grand mal à remettre à sa place un adversaire brouillon et avide de prouver sa connaissance des conflits du monde (la mention par Romney du Mali du nord s’inscrit comme une première télévisée) au point de se disperser de l’Iran à Israël et au Pakistan et d’étioler son propos.

Le Président, par des contre attaques constantes à un Romney qui l’accusait d’inertie devant tous les chaos du monde, a réussi à faire admettre au républicain que ce dernier partageait la plupart de ses points de vue. Dans un étrange écho, inversé, du premier débat du 3 octobre.

Romney était ce soir dans une position délicate, coincé entre le désir d’affirmer son aplomb et celui de ne pas apparaître comme un foudre de guerre à la George Bush. On a ainsi assisté à un numéro amusant, où le candidat républicain a repris des arguments de… la gauche démocrate, hostile aux constantes frappes de drones, en lui décochant « qu’il ne suffit pas de tuer pour se sortir d’une mauvaise passe », avant de plaider pour plus d’aide économique et culturelle au Moyen-Orient, de crainte d’apparaitre comme un faucon dangereux.

Soit, le sujet de la politique étrangère n’était pas le meilleur terrain pour un choc frontal sur le fond. L’imbroglio sur l’attaque des diplomates américains en Libye est étrangement passé à l’as, le dossier du voisin mexicain, théâtre d’un véritable massacre par les cartels, n’a pas même été abordé ; L’Europe ? Clé de la reprise américaine ? Motus. Chacun des candidats voyait dans ce débat un vecteur d’image, le prétexte à des postures symboliques destinées à des segments décisifs de l’électorat. Les électeurs juifs (le débat avait lieu en Floride) ? En fait, pas tant que cela. Les femmes étaient à l’honneur. Romney, distancé par Obama auprès de l’électorat féminin, cherchait à rassurer les mères sur leur future sécurité, mais aussi à s’affirmer comme un modéré, humanitaire, peu enclin à renvoyer les boys dans un nouveau conflit lointain ; et un « partisan de la paix ».

On ne s’étonne pas que tous deux, et surtout Romney, aient tenté , trois fois de suite, de revenir presque comiquement aux sujet de l’économie intérieure, du déficit budgétaire, des PME et de la taille des classes dans l’enseignement public . Obama a emporté la manœuvre en s’éloignant du rôle de l’Amérique dans le vaste monde pour aborder la nécessité de la »reconstruction intérieure du pays », le « domestic nation building ».

Romney ne s’est pourtant en rien ridiculisé. Toujours avantagé par les faibles attentes à son sujet, il a pu apparaître raisonnablement crédible auprès des électeurs indépendants, et tout à fait aptes à sa future fonction dans les yeux de sa « base » républicaine.

La suite ? Les conséquences de ce débat ? Obama a certainement freiné, sinon interrompu son déclin dans les sondages, et surtout redonner confiance à ses électeurs. Romney, pour sa part, juge qu’il a atteint son maximum électoral avec une égalité parfaite face au démocrate, voire un avantage dans certains Etats, et ne peut glaner que quelques miettes d’électorat supplémentaire. D’où la tentation de jouer la défensive, de calmer le jeu rhétorique pour s’ancrer au centre jusqu’au 6 novembre. Obama, lui, lance la dernière offensive de campagne, pour faire maintenant la différence.

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