After the Debate, Business as Usual

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Après le débat, les affaires continuent

C’était le 18 octobre au dîner de bienfaisance, cravate noire et robe longue, organisé par l’archevêché de New York, auquel assistent, tradition oblige, les deux candidats à l’élection présidentielle. Et ce soir-là, avec cette habitude si américaine de l’autodérision, Barack Obama avait reconnu, pince-sans-rire : “Vous l’avez tous remarqué, j’avais beaucoup plus la pêche lors de mon deuxième débat avec le gouverneur Romney… J’étais bien reposé après la longue sieste de notre première rencontre !” Le président a dû faire de bonnes nuits avant son ultime débat avec son adversaire républicain. Car lundi soir, à Boca Raton, il n’était pas du tout endormi. Il s’est même montré pugnace pour critiquer point par point les prises de position de Romney sur les grands sujets de politique étrangère du moment : terrorisme, Iran, Afghanistan, Syrie, Printemps arabe. “Chaque fois que vous avez donné votre opinion, vous vous êtes trompé”, s’est-il moqué. Ce qui non seulement a contraint son challenger à rester sur la défensive presque constamment, mais, plus surprenant, l’a entraîné à renier certaines attitudes va-t-en-guerre qu’il avait pu prendre dans un passé récent : sur le maintien d’un contingent de troupes en Irak, sur la date de 2014 pour le retrait d’Afghanistan, sur la priorité donnée à la négociation et aux sanctions pour dissuader l’Iran de se doter d’armes nucléaires. Il n’y a guère que sur la solidarité avec Israël que Romney, reprochant au président de n’avoir pas trouvé le moyen en quatre ans de faire un saut à Jérusalem, l’a contraint à réaffirmer que les États-Unis considéreraient une attaque contre l’État hébreu comme une agression contre les États-Unis eux-mêmes.

L’Europe absente des préoccupations américaines

Romney voulait démontrer que l’Amérique avec Obama s’était montrée faible. Il n’y est pas parvenu. Obama voulait faire la preuve que son adversaire ne connaissait pas les dossiers et n’avait pas l’envergure suffisante pour présider la plus grande puissance du monde. Il n’a réussi son pari qu’à moitié, lorsqu’il a mis les rieurs de son côté en reprochant à Romney d’en être resté au temps de la cavalerie et des baïonnettes. Mais il n’a pu empêcher le challenger républicain de réussir, comme disent les commentateurs américains, son “test de commandant en chef”. Car Mitt Romney, même sur ce thème de l’affaiblissement des capacités de l’armée américaine, n’a jamais été ridicule. Et Obama, un peu trop sûr de lui et de son sujet, a frôlé à plusieurs reprises une arrogance de mauvais aloi.

En fin de compte, comme prévu, ce débat n’a guère changé la donne d’une course présidentielle qui reste extrêmement serrée. Le parti pris d’Obama consiste plus que jamais à dépeindre son adversaire comme un homme incapable d’assumer la fonction suprême. Il court le risque, ce faisant, que, grâce aux débats plutôt réussis, les électeurs n’acceptent plus la caricature de Romney qu’il a cherché à imposer. Il n’est pas sûr à l’inverse que le républicain parvienne à convaincre les Américains qu’il peut mieux faire que son adversaire pour améliorer leur vie de tous les jours et préserver leur sécurité.

Quel que soit le résultat du 6 novembre, quel que soit le président élu, une leçon est en tout cas à retenir de cette campagne : l’Europe a disparu des préoccupations des Américains. En quatre-vingt-dix minutes de débat sur la politique étrangère, il a été question d’Iran, d’Afghanistan, de Chine et de Russie. Mais jamais d’Europe. Et ce n’est pas forcément parce que les peuples heureux n’ont pas d’histoire.

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