Obama's Fickle Diplomacy

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L’inconstante diplomatie d’Obama

LE MONDE | 11.10.2012 à 15h20 • Mis à jour le 12.10.2012 à 01h03

Par Alain Frachon, International

Est-ce que les Etats-Unis ont une meilleure image qu’il y a quatre ans ? Plutôt. Est-ce qu’ils s’estiment plus en sécurité ? Plutôt. Est-ce qu’ils ont adapté leur leadership au monde d’aujourd’hui ? Plutôt. Conclusion ? En politique étrangère, Barack Obama a “plutôt” été un bon président.

“Sérieux”, concèdent, anonymement, nombre de républicains qui eurent des responsabilités dans ce domaine. “Bilan respectable sur la scène internationale”, tranche le New York Times, qui soutient le président démocrate.

Les réserves tiennent à l’homme. Il est trop brillant orateur pour ne pas décevoir dans l’action. Au Caire, à Prague, à la tribune du comité Nobel de la paix – qui, sur les seules bonnes paroles de l’intéressé, lui décerne son prix 2009 -, Obama a brossé le portrait idéal de ce que devrait être l’Amérique dans un monde où progresseraient la norme du droit, l’éthique et le désarmement nucléaire. Depuis la Maison Blanche, l’exercice du pouvoir n’a eu souvent qu’une ressemblance très lointaine avec le contenu idyllique des discours du président.

D’où ce sentiment de relative déception, dans tous les camps. Les ultranationalistes du Parti républicain critiquent chez lui une tendance au compromis. Ils ne sont guère convaincants face à l’homme qui a éliminé Oussama ben Laden. Les défenseurs des droits de l’homme stigmatisent les guerres secrètes qu’Obama mène à coups de drones en terres étrangères. Les partisans de l’école réaliste ne voient pas ce qu’il a gagné en lâchant le vieil allié égyptien Hosni Moubarak ou en se mêlant des affaires de Libye. Mais les interventionnistes de gauche – et de droite, les néoconservateurs – dénoncent sa passivité en Syrie.

Car Obama n’appartient à aucune des grandes écoles de politique étrangère américaine, comme le dit très bien le politologue Justin Vaïsse. Dans un livre complet et très documenté – Barack Obama et sa politique étrangère (Odile Jacob, 288 p., 24,90 €) -, Vaïsse dresse le profil d’un empirique.

Chez Obama, pas de doctrine : il est tantôt partisan de la realpolitik, qui n’attache pas d’importance à la nature des régimes avec lesquels l’Amérique doit traiter ; tantôt poussé par l’idéal de la propagation des valeurs démocratiques, qui le conduit à être du côté des manifestants lors des émeutes du Caire et de Tunis.

L’essentiel, c’est l’objectif : maintenir la suprématie américaine. Barack Obama l’exprime avec son élégance habituelle : “Les Etats-Unis continuent d’être la nation indispensable pour traiter des grands problèmes internationaux”, répète-t-il. Mais cette volonté d’assurer la prépondérance continue de l’Amérique, le 44e président entend la mettre au goût du jour.

Quand il arrive à la Maison Blanche en janvier 2009, Obama hérite d’une situation désastreuse. Les Etats-Unis sont encalminés dans deux guerres lointaines, en Irak et en Afghanistan, où il n’y a pas de “victoire” à remporter. L’image du pays est au plus bas dans l’ensemble du monde arabo-musulman, et ailleurs, ternie par les abus qui accompagnent la “guerre contre le terrorisme “. Trahie par Wall Street, l’Amérique connaît sa plus grave crise depuis les années 1930. Elle vit une poussée aiguë de “déclinite” – convaincue d’être sur le déclin.

Obama a une vision : il faut sortir de ces guerres, s’extraire de ce grand Moyen Orient pour faire “pivoter” la diplomatie américaine là où se joue l’avenir du monde – vers l’Asie émergente, où sont les marchés de demain, où est la croissance d’aujourd’hui. Les Etats-Unis jouent leur leadership dans cette région, pas en Afghanistan, où Obama a promis la victoire avant d’annoncer le retrait. L’Amérique restera la superpuissance du XXIe siècle en étant plus que jamais une puissance du Pacifique.

Ce pivotement, Obama l’a réussi, affirme Vaïsse, directeur de recherche à la Brookings Institution, à Washington. Sortie d’Irak, en voie de quitter l’Afghanistan, l’Amérique, “grâce à Obama, est redevenue un acteur central en Asie”. La diplomatie américaine a investi en force tous les grands forums régionaux asiatiques. A la demande de nombre de voisins de la Chine, qu’inquiète la montée en puissance de ce super-dragon, les Etats-Unis ont réorienté leur outil militaire vers l’Asie.

En chemin, Barack Obama a perdu quelques illusions. Reconnaissant le géant chinois, il lui a d’abord tendu la main. Il a espéré un partenariat actif avec Pékin pour traiter de la Corée du Nord, du rééquilibrage de l’économie mondiale ou du réchauffement climatique. Les Chinois n’ont pas répondu. De même Obama a-t-il un moment imaginé qu’il pourrait s’appuyer sur les nouvelles puissances émergentes – Brésil, Indonésie, Afrique du Sud – pour bâtir un multilatéralisme adapté à ce début de siècle. Mais le G20, qui réunit le Nord et le Sud, est une enceinte impuissante. Les émergents n’ont encore ni les moyens ni l’ambition de prendre en charge les affaires du monde : ils s’occupent de leur développement.

Obama s’est rabattu sur des alliés plus traditionnels, et plus sûrs, les Européens, qu’il avait initialement négligés. C’est avec eux qu’il coordonne son soutien aux printemps tunisien et égyptien ; avec Londres et Paris qu’il entreprend de faire tomber l’un des pires dictateurs de la région, Mouammar El Kadhafi ; avec eux encore qu’il observe un attentisme prudent en Syrie ; avec eux enfin qu’il mène une politique de sanctions sans précédent pour amener l’Iran à renoncer au nucléaire militaire.

Tout seul, en revanche, il essuie un échec retentissant : il a totalement abandonné le dossier israélo-palestinien.

Ainsi va la diplomatie Obama, “protéiforme”, comme il est lui-même, écrit Vaïsse : “Chacun projette en ce président ce qu’il veut y voir.”

Flammarion réédite en poche le très sérieux essai de Zaki Laïdi : Le Monde selon Obama, la politique étrangère américaine. Notre correspondante à Washington, Corine Lesnes, sous le titre Amérique, années Obama, chroniques d’un pays ingouvernable, dresse un portrait vivant, pertinent et subtil de ce premier mandat (Philippe Rey, 304 p., 21 €).

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