American Practical Politics

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L’Afghanistan, vous connaissez ? Cette question, simplement parce que, lors de leur dernier face-à-face lundi soir à Boca Raton (Floride), c’est à peine si les deux candidats à la présidentielle américaine ont évoqué le sujet. Il faut dire que, douze jours auparavant, Joe Biden avait clos la discussion sur ce thème en lançant, sur un ton exaspéré, à son adversaire Paul Ryan : « Nous allons quitter. Nous allons nous retirer en 2014. Point final. » Avant d’ajouter : « De cette façon, nous aurons économisé sur les dix années à venir un autre paquet de 800 milliards de dollars. Nous nous sommes engagés dans cette guerre il y a plus de dix ans. Notre objectif premier est presque atteint. Au gouvernement de Kaboul d’assurer la sécurité, laquelle ne relève plus de notre responsabilité. »

Mission accomplie, donc ? Voyons donc. Les buts fixés à la présence US étaient les suivants : éliminer les talibans, bouter définitivement hors du pays la Qaëda, mettre sur pied un gouvernement viable, enfin édifier des forces de sécurité capables de faire respecter la loi et l’ordre. Commentateurs et analystes sont unanimes à reconnaître qu’aucun point de cette feuille de route n’a été respecté malgré un impressionnant déploiement militaire de la nation la plus puissante de la planète, soutenue par ses alliés, malgré les centaines de milliards engloutis, malgré des dizaines de plans, certains honorablement ambitieux, d’autres proprement farfelus pour éradiquer la culture du pavot, l’éducation des femmes ou encore l’hygiène de la population. Washington aura perdu 2 000 de ses boys dans cet affrontement asymétrique qui a fait en outre des milliers de blessés. Le monde, lui, aura perdu ses dernières illusions sur les capacités de l’unique superpuissance à faire respecter la pax americana sur les contreforts de l’Hindu Kuch.

Le 13 octobre, l’influent New York Times n’avait même pas créé la sensation en titrant son éditorial : « Time to pack up » (il est temps de plier bagage), tant cela paraissait l’évidence. Constat dressé par le quotidien : le retrait doit être dicté par le seul impératif de la sécurité de nos troupes ; prolonger notre présence ne permettrait même pas d’atteindre le plus modeste des objectifs fixés par Barack Obama.

Le prochain occupant de la Maison-Blanche, qui entrera en fonction le 20 janvier 2013, devra lutter pour sauver ce qui peut l’être dans cette partie du monde – à supposer que cela lui soit encore possible. C’est-à-dire dans ce Pakistan trouble où, qu’il s’agisse des rapports avec Kaboul ou des liens supposés solides avec les États-Unis, rien n’est clair. Depuis la mission assignée aux hommes des Navy Seals (« abattre Oussama Ben Laden »), la tension entre les deux pays n’a cessé de monter. La conclusion à laquelle sont parvenus diplomates du département d’État et stratèges du Pentagone peut être résumée ainsi : nous ne savons pas comment nous y prendre avec Islamabad ; accroître notre aide ne sert à rien, pas plus que menacer d’interrompre une telle aide. Un général américain constate qu’avant l’augmentation des effectifs des troupes, près de 2 000 insurgés se déplaçaient régulièrement entre les deux pays ; depuis, le nombre est demeuré inchangé…

Pendant que les regards de la communauté internationale demeurent braqués sur l’Iran et son programme nucléaire, l’arsenal atomique pakistanais n’a cessé de se développer jusqu’à inquiéter les états-majors. Miniaturisées, les bombes deviennent plus faciles à manier et surtout à voler. On comprend dès lors que la perspective de voir certains de ces joujoux tomber aux mains des féroces étudiants en théologie donne des suées froides aux services de renseignements occidentaux, en raison surtout de l’extrême porosité des liens entretenus avec leur direction par l’Inter Services Intelligence du lieutenant-général Zaheer ul-Islam, qui a remplacé en mars de cette année Ahmed Shuja Pasha.

Plutôt que de s’attaquer en amont à ce grave problème, l’Amérique a choisi de botter en touche : rapatrier ses 68 000 GIs mais en laissant sur place un contingent de 15 000 à 25 000 hommes pour épauler l’État ; donner à celui-ci la latitude de faire seul ses preuves mais en lui promettant (de concert avec d’autres pays) un pactole de 16 milliards de dollars jusqu’à l’année 2015 ; enfin, continuer à entraîner les forces armées du président Hamid Karzaï au risque de voir se multiplier les défections et les « green-on-blue attacks » (ces recrues qui retournent leurs armes contre les instructeurs).

Dieu que les bonnes vieilles guerres coloniales d’antan avaient du bon !

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