American Regression

Edited by Jonathan Douglas

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Quand on ne les accuse pas de vouloir régenter la planète entière, on reproche aux Américains de ne pas s’intéresser à ce qui se passe à l’étranger. Il est inévitable que la première puissance économique et militaire exerce une influence considérable au-delà de ses frontières, mais il est évident que nos voisins du sud ont de moins en moins envie de porter tous les problèmes du monde sur leurs épaules.

Cela sautait aux yeux lors du débat, ou devrait-on dire le non-débat, présidentiel sur la politique étrangère, lundi. Mitt Romney a félicité son adversaire, le président sortant, à quelques reprises. C’est normal. Quand il écoutait parler ce dernier, on avait souvent l’impression qu’il approuvait tout et que les reproches qu’il était ensuite obligé de lui adresser pour la forme — il aurait dû faire ceci plus tôt, il aurait dû dire cela plus fort, etc. — sonnaient faux. C’est un peu plus surprenant.

En fait, Mitt Romney et Barack Obama avaient l’esprit ailleurs. Ils s’adressaient avant tout aux électeurs de l’Ohio et de la douzaine d’autres États dont dépend l’issue de l’élection du 6 novembre, plus précisément à ceux qui s’inquiètent pour leur emploi ou leur pouvoir d’achat. Ils n’ont raté aucune occasion de ramener le débat sur le terrain de l’emploi et de la fiscalité, privant les Américains de véritables exposés sur le rôle des États-Unis dans le monde. On s’attendait à ce que la rencontre prenne cette tournure, mais peut-être pas à ce point.

Les visions du monde des deux candidats à la présidence ne diffèrent pas beaucoup sur l’essentiel, comme on a pu le constater. D’autre part, plusieurs enjeux très importants n’ont pas été abordés lundi ou ont à peine été effleurés : crise dans la zone euro, réchauffement planétaire, avenir des pétromonarchies, qui finiront bien, un jour, par être confrontées à des exigences démocratiques.

Malgré tout, on saura gré à Barack Obama d’avoir repris à son compte ce constat, ou cet acte d’humilité, que font nombre de ses compatriotes, à savoir qu’il faut renoncer à faire du « nation building » à l’autre bout du monde et rebâtir la nation américaine, dont les fondations commencent à se fissurer.

Auparavant, Mitt Romney avait parlé d’aider les pays arabes à relancer leur économie. L’intention paraît noble, mais dans l’état actuel des finances publiques américaines, on imagine difficilement la mise en oeuvre d’un plan Marshall pour le Moyen-Orient et le sud de la Méditerranée.

Les sondages le disent : la politique étrangère ne constitue la grande priorité que pour environ 5 % de l’électorat aux États-Unis. Plus que jamais, ce qui tracasse les Américains, c’est l’économie, l’économie et encore l’économie.

La bataille pour la Maison-Blanche est très serrée. L’issue de l’élection présidentielle dépendra de la façon dont les électeurs voteront dans une douzaine d’« États pivots », surtout ceux qui recèlent une population importante et, par conséquent, un bon nombre de « Grands Électeurs » : Ohio, Floride, Pennsylvanie, Michigan, Virginie et Caroline du Nord.

Le plus souvent, ce sont les questions de politique intérieure qui dominent les campagnes électorales aux États-Unis. Une fois élu, le président est ensuite forcé par les événements de faire des gestes de politique étrangère et de les justifier. En 2008, on a assisté au processus inverse : John McCain et Barack Obama avaient beaucoup parlé de politique étrangère pendant la campagne. Une fois déclaré vainqueur, Barack Obama a été obligé par la crise économique de consacrer le gros de ses énergies aux questions de pain et de beurre. Cette année, les électeurs américains ont encore ce genre de préoccupations en tête, et ce ne sont ni le printemps arabe ni les centrifugeuses iraniennes qui les feront changer d’idée.

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