Débat présidentiel : Obama retrouve ses poings
Après le flop du premier débat, tout le monde attendait Barack Obama au tournant. L’un de ses principaux conseillers, Robert Gibbs, avait pronostiqué un surplus d’agressivité, ce qui n’était pas difficile quand on se souvient à quel point le Président avait semblé distant et même absent lors du premier débat. Un débat qui avait profondément changé la dynamique de la campagne.
Cette nuit, changement complet de décor. Fini le pupitre derrière lequel semblait se cacher le Président démocrate ânonnant, incapable de réagir au dynamisme de Mitt Romney. La scène est vaste et libre. A eux de l’arpenter à leur guise pour s’approcher des « vrais Américains » qui posent de « vraies questions ». Des questions que les candidats ne connaissent pas, si l’on croit la modératrice, excellente ce mardi soir, Candy Crowley.
Les deux candidats ne s’en sont pas privés, se félicitant tour à tour de la qualité des questions (« Très bonne question, merci ! »). Des questions auxquelles ils ne répondent finalement jamais vraiment. Qu’a pu penser l’étudiant qui s’inquiétait de son avenir une fois diplômé quand il a entendu les deux candidats débiter l’ensemble de leur programme économique ? C’est sûrement la règle du jeu, mais il faut avouer que c’est déconcertant.
Obama passe à l’attaque
Quel changement de ton ! Souriant mais déterminé, on peine à retrouver le candidat usé d’il y a deux semaines. Obama n’a rien voulu laisser passer.
Et il avait probablement dans la poche de sa veste une série de peaux de banane à glisser sous les chaussures bien cirées de Mitt Romney. Par exemple, le républicain veut relancer la production de charbon ; mais pourquoi a-t-il posé devant une mine de charbon quand il était gouverneur en prononçant ses mots : « Cette usine vous tue » ?
De même, Obama ne s’est pas privé de rappeler le taux d’imposition de son adversaire ou ses propos, « derrière des portes fermées », stigmatisant les 47% d’Américains se considérant comme « des victimes, des assistés ». A cela, Romney répondra à la toute fin du débat en précisant : « Je me soucie de 100% des Américains » et en rappelant pour cela, sa foi et ses actions caritatives dans son église.
Attaqué sur sa faiblesse de la guerre économique face à la Chine, Obama a rappelé que Bain Capital, la firme de Romney, avait investi en Chine et que son adversaire républicain s’était opposé à tout protectionnisme lorsqu’Obama avait augmenté les taxes douanières sur les importations de pneus chinois. Cela peut sembler anecdotique, mais lors du premier débat, jamais Obama n’avait répondu aussi directement à Romney.
Romney, droit dans ses bottes
Romney n’a cependant pas regardé le train Obama passer. Il a été très ferme sur la question de l’énergie, insistant sur la nécessité d’augmenter la production et l’exploration pétrolière partout, y compris en Alaska.
Il s’est étonné à plusieurs reprises de l’abandon, par Obama, du projet d’oléoduc géant, le Keystone XL, amenant le pétrole non conventionnel – catastrophique pour l’environnement – du Canada vers différentes raffineries américaines.
Enfin, il s’est moqué des poursuites fédérales contre des acteurs privés du Dakota qui ont dû arrêter la production du gaz de schiste après la mort de « 20 à 25 oiseaux ». Après l’épisode « Big Bird », décidément, Romney a un problème avec les plumes…
Romney n’a pas lâché Obama sur son bilan et l’a renvoyé à ses promesses non tenues et à la déception qu’elles ont pu entraîner dans le pays :
« Il est très bon en tant que… en tant que… euh… orateur, pour décrire ses plans et sa vision. C’est formidable, mais nous avons un bilan à analyser. »
Il est resté sur la ligne tracée lors du premier débat cherchant à dessiner les traits d’un candidat modéré sur les questions fiscales mais aussi migratoires – les migrants sont une force pour notre pays, en substance – ou sur la condition féminine.
Bon, là, il faut reconnaître que Mitt a été un peu léger. A une question sur l’égalité salariale, il rappelle que, gouverneur du Massachusetts, il s’était ému de l’absence de femmes dans son cabinet et qu’il en avait, du coup, embauchées. Obama a eu beau jeu de parler de ses filles, de sa mère et de sa grand-mère. Mais surtout de la première loi de son administration sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
L’électorat féminin ne doit pas échapper à Obama, et manifestement ce mardi soir, il a dû les convaincre.
Passe d’armes sur Benghazi
C’est quand il s’est agi de politique étrangère que les tensions sont devenues plus palpables entre les deux candidats. Depuis des mois, les républicains cherchent un angle pour démontrer la faiblesse d’Obama, son manque de force, de virilité. L’assaut du consulat de Benghazi leur offre une opportunité formidable et a engagé l’une des passes d’armes les plus chaudes du débat de cette nuit.
Les arguments de Romney sont connus : l’administration Obama a mis plusieurs jours à reconnaître qu’il s’agissait d’une attaque terroriste, elle n’a pas su protéger le consulat. Et Romney de lancer son slogan actuel :
« On ne peut mener de derrière. »
La réponse d’Obama fut cinglante et a fait mouche. Refusant tout usage politique de la mort d’un ambassadeur américain, il a rappelé que le lendemain même de l’attaque, depuis Rose Garden, il avait évoqué une « attaque de terreur », ne minimisant pas l’ampleur de l’événement.
On discutera beaucoup dans les prochaines heures de l’usage du mot « terror » et non « terrorisme » – Fox News a déjà commencé –, mais sur le plateau, Romney est paru désemparé face à un Obama ayant réaffirmé sa stature de « commander-in-chief ».
C’est certainement le moment le plus fort de ce débat. S’il est difficile de donner un gagnant, les premiers sondages donnent Obama vainqueur, et il est clair que le Président démocrate a rééquilibré les débats. Fier de son bilan et capable d’attaquer Romney, il a rassuré ses troupes. Cela suffira-t-il à inverser la tendance d’une campagne qui semblait lui échapper ?
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