Et si vous vous mettiez à table avec le président ? Cette perspective peut se réaliser aux Etats-Unis où les candidats n’hésitent pas à organiser des loteries pour faire gagner ce genre d’invitation. Une manière de récolter des dons révélatrice de l’importance de l’alimentation dans la campagne américaine. Explications de Marie Brunerie, auteur de “Menaces sur Obama : l’Amérique conservatrice à la conquête de la Maison Blanche.”
Barack Obama lors d’un petit déjeuner avec des travailleurs à Toledo dans l’Ohio le 12 septembre 2012 (M. NGAN/AFP)
MATCH OBAMA – ROMNEY. Il est des missions (compliquées) que l’on accepte lorsque l’on décrypte et commente une campagne présidentielle américaine : regarder des débats à 3 heures du matin, accepter d’être abreuvé de e-mails des candidats et de leurs soutiens – puisque grands masochistes que nous sommes, nous nous sommes bien sûr inscrits à toutes leurs mailing lists. Jusqu’à l’indigestion !
Car la nouveauté de cette année vise bien notre estomac : “eat with Mitt”, “grab a bite with Paul” (“venez manger un morceau avec Paul”, oui, Ryan), “share a dinner with Barack”. Notre boîte e-mail est ballonnée ! Mais c’est flatteur, c’est casual, c’est cool.
Le dernier en date nous vient d’Ann – oui, Romney – qui nous proposait la semaine dernière de participer à une loterie à 5 dollars pour “avoir la chance de manger une pizza avec Mitt” avant le débat des colistiers. C’est le principe : le fundraising qui nous titille l’égo et nous excite les papilles en tapant au portefeuille.
La plus frappante opération de ce genre, on la devait bien sûr aux petits génies de la bande Messina de Chicago, avec la fameuse loterie lancée en avril pour un “dîner avec Barack chez George”( oui, Clooney, dans sa villa de Los Angeles), excusez du peu ! C’était le 10 mai dernier. Bilan de la levée de fonds après le dessert : 15 millions de dollars, dont 9 grâce à la loterie et 6 déboursés par les 150 invités de choix (Salma Hayek, Barbara Streisand, Billy Cristal…) – 40.000 dollars chacun. Un record ! Pour la petite histoire, les deux heureuses gagnantes étaient une femme au foyer et une institutrice.
Le camp Romney les copiait une semaine après avec leur premier “grab a bite with Mitt”, avec moins de succès… Les républicains ont visiblement moins la reconnaissance du ventre. Et Barack Obama est accueilli avec enthousiasme par les gérants de pizzeria…
Les républicains à la ramasse sur le front de la bouffe ?
3 considérations stratégiques
1. Les Américains et leur estomac, c’est sérieux. Dramatiquement sérieux. Un Américain sur quatre est obèse (un sur trois si l’on compte le “surpoids”). La first lady Michelle en a même fait son combat. Son programme anti-junk food, “let’s move” (pour lutter contre l’obésité des jeunes notamment) a contribué à sa popularité, on l’a vu donner beaucoup d’elle-même : Madame Romney s’attaquera-t-elle à ce problème-là ?
2. On est flattés bien sûr de la généreuse invitation d’Ann, mais 5 dollars, c’est plus cher que les 3 dollars proposés par Michelle pour se “se joindre à Barack et à moi pour un diner informel”. Pourtant, ces petits dons à 3 dollars étaient indéniablement l’un des ingrédients-clés de la campagne (et de la victoire) 2008, et ils pourraient bien faire partie de la recette 2012 aussi.
Message envoyé par e-mail aux sympathisants de Barack Obama (DR)
3. Les pizzas avec Mitt ou avec Paul, c’est bien… Mais, là encore, Barack est plus cool que Romney, plus in touch avec le pays aussi. En 2008, pour savoir à qui l’on avait affaire, le site Steadyhealth nous informait qu’il mangeait quatre à six œufs chaque matin (on a les infos que l’on mérite) mais surtout que, son truc à lui, c’était la cuisine mexicaine.
Ça tombait bien, car les tacos, burritos et autres tortillas étaient bien en passe de supplanter les autres mets délicats (hamburgers et pizzas) en terre yankee, 20 ans après que la sauce salsa a écrasé le bon vieux ketchup. La compagnie Taco Bell enregistre d’ailleurs cette année des résultats jamais vus dans l’industrie de la junk… euh, du fast food.
Les républicains auraient-ils oublié qu’ils doivent séduire l’électorat latino (un électeur sur six) s’ils veulent avoir une chance de l’emporter ?! Une chose est certaine en tout cas pour les pauvres commentateurs que nous sommes : mardi, on a bien mis le réveil à 3 heures du matin pour le deuxième débat présidentiel Obama/Romney… Mais cette fois, on a préparé le sceau de pop corn, ça nous change !
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