Tous les quatre ans, l’élection présidentielle américaine constitue, avec les Jeux Olympiques, l’un des grands spectacles offerts au public planétaire. Et lorsque se profile un résultat sans grande surprise, il suffit d’un débat raté pour relancer la machine médiatique. Douze jours avant l’échéance, les sondages donnent l’impression d’un coude-à-coude parfait ; toutefois, le président sortant conserverait de l’avance dans les « swing states » (ces Etats qui font la victoire en basculant d’un côté ou de l’autre) ; particulièrement importants, l’Ohio mais aussi l’Iowa ou le New Hampshire semblent pencher pour Obama. Celui-ci profite de nouvelles encourageantes sur le front économique : l’emploi a dépassé son niveau maximal avant crise, le taux de chômage a baissé, le secteur du logement a sensiblement progressé en septembre, le gaz de schiste réveille l’espoir d’un boom dans la meilleure tradition américaine. Tout cela est fragile, mais évite au président sortant, comme on a pu le voir dans le passé, d’être purement et simplement disqualifié par les résultats économiques.
Cela dit, quel que soit le vainqueur, le vrai sujet pour l’Amérique – et pour le reste du monde -, c’est ce qui se passera à partir du 7 novembre. La page électorale tournée, l’Amérique sera immédiatement engagée dans une course de vitesse pour éviter le piège tendu à la fin de l’année, le « fiscal cliff ». Dans l’impossibilité de trouver une issue aux querelles sur le déficit et la dette, le Congrès a en effet adopté en août 2011 un texte prévoyant pour le 31 décembre 2012 des coupes automatiques de dépenses et des hausses d’impôts pour un montant de 700 milliards de dollars garantissant, si cela se produisait, une récession sévère en 2013. Cette préoccupation va devenir obsédante dans les semaines qui viennent, elle est une source d’inquiétude radicale pour les milieux économiques, elle fait planer une incertitude complète sur l’évolution de la demande aussi bien que de la fiscalité, elle paralyse les décisions d’investissement, elle inquiète la Chine, principal créancier des Etats-Unis. Comment éviter ces dangers ? Telle sera la seule vraie question le soir de l’élection. C’est là que les choses se compliquent parce que la démocratie américaine, souvent qualifiée de dysfonctionnelle, ne facilite pas la recherche d’une solution au défi financier.
Le 6 novembre, les Américains vont élire le président et un nouveau Congrès. Mais ceux-ci ne prendront leurs fonctions qu’en janvier. Le 7, resteront donc aux commandes en tout état de cause Barack Obama à la tête de l’exécutif et le Congrès sortant ; ils sont appelés à travailler ensemble, mais on a vu depuis quatre ans dans quel climat de polarisation stérile ! Que peut-il alors se passer ? Si Mitt Romney gagne, il sera dans une situation comparable à celle de son prédécesseur en 2008, élu, faisant face à des perspectives économiques très difficiles… et spectateur ; sa priorité, grâce à la majorité républicaine à la Chambre, sera de gagner du temps, de repousser, comme il l’a annoncé, l’échéance au 31 décembre 2013. Mais Barack Obama et le Sénat seront en mesure de négocier durement, en menaçant jusqu’au bout d’opposer un veto. Si Barack Obama sort vainqueur, il reste à la Maison-Blanche, bien sûr, mais au terme d’une élection très disputée et sans plus de moyens d’action que précédemment. Il n’a qu’une possibilité, faire le procès de ceux qui refusent tout compromis fiscal, en appeler aux électeurs, bref, repartir en campagne. Les républicains du Congrès se sont opposés avec acharnement à tous les compromis proposés depuis dix-huit mois, il y a peu de chance que leur état d’esprit, au lendemain d’une nouvelle défaite – qui ne serait pas la leur, mais « celle de Romney » -, soit très différent. Les optimistes concluront que, dans l’un et l’autre cas, ces joutes politiques ne sont, comme d’habitude, que du théâtre et que le compromis, inévitable, se nouera au bord du gouffre ; c’est plausible, mais même dans cette hypothèse optimiste, mieux vaut s’attendre à une fin d’année plus que tumultueuse.
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