The American Exception

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Posted on November 5, 2012.

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Les salariés de Goldman Sachs sont des ingrats. Il y a quatre ans, ils avaient figuré parmi les contributeurs les plus généreux au financement de la campagne de Barack Obama. Cette fois, selon le Wall Street Journal, 75 % de leurs dons se sont portés vers le candidat républicain Mitt Romney. Ils n’ont pourtant pas lieu de se plaindre du mandat de M. Obama, qui les a certes traités un jour de “fat cats”, mais leur a permis de continuer à pratiquer ce jeu où ils excellent : la spéculation pure et dure. Goldman Sachs vient d’annoncer 1,5 milliard de dollars de bénéfice net au troisième trimestre, et ses cadres devraient toucher en moyenne autour de 500 000 dollars de bonus pour l’année 2012. “Yes they can.”

Goldman Sachs, donc, va aussi bien qu’elle est haïe, Wall Street est en forme (+ 11 % depuis le 1er janvier), et l’économie américaine va mieux. Nettement mieux en tout cas que celle de la zone euro, ce qui certes n’est pas bien difficile. Le taux de chômage, qui avait atteint 10 % fin 2009, vient de repasser sous la barre des 8 %, les cartes de crédit brûlent de nouveau les doigts de consommateurs qui ont retrouvé le moral. Même le marché immobilier, d’où était parti le virus des subprimes, se redresse.

Résultat, quand le PIB européen reculera de 0,2 % cette année, celui des États-Unis progressera de 2,3 %. Un rythme beaucoup moins rapide que celui observé avant la débâcle financière, mais suffisant pour que Barack Obama se présente en favori à l’élection. De quoi donner des bouffées de jalousie à tous les leaders politiques européens qui, eux, ont été chassés du pouvoir par cette crise made in USA.

Pour parler comme Boris Cyrulnik, l’économie américaine a une nouvelle fois fait la preuve de sa résilience, de sa capacité à se reconstruire après un choc dévastateur. Comme cela avait déjà été le cas après l’éclatement de la bulle Internet. D’un choc à l’autre, les économistes avancent toujours les mêmes explications : plus grande réactivité des politiques budgétaire et monétaire, flexibilité du marché du travail, innovations techniques liées à l’excellence d’universités attirant les meilleurs cerveaux de la planète et permettant d’importants gains de productivité, etc.

La grande nouveauté, et la grande différence avec la zone euro, c’est que l’Amérique se réindustrialise. La production manufacturière est quasi revenue à son niveau d’avant la crise, alors qu’en Europe elle y est toujours inférieure de 12 points. Pourtant les États-Unis n’ont pas cette chance inouïe d’avoir un ministre du Redressement productif. Ils ont en revanche du gaz de schiste, qu’ils exploitent massivement, avec pour conséquence de réduire la facture énergétique, et donc les coûts de production (il faut bien sûr espérer que l’impact environnemental a été bien mesuré, que les nappes phréatiques ne vont pas s’assécher et qu’au milieu continueront de couler les rivières dans le Montana et ailleurs). Toujours est-il que les coûts baissent tellement qu’ils commencent à inciter les entreprises américaines à relocaliser leurs usines installées en Chine, où les salaires progressent à toute vitesse : selon le Boston Consulting Group, les pneus fabriqués aux États-Unis ne coûteront en 2015 que 2,5 % plus cher que ceux produits en Chine.

Grâce au charisme de son président et surtout à la richesse de son sous-sol, l’Amérique serait donc redevenue aujourd’hui une Amérique conquérante ayant tourné la page du déclinisme. Voire. D’abord, elle reste confrontée à des inégalités et surtout à une pauvreté qui ont explosé comme jamais sous le mandat de M. Obama (plus de 10 millions de pauvres), ce qui est un peu gênant pour un locataire de la Maison-Blanche étiqueté à gauche.

Surtout, si les entreprises américaines regorgent de cash (100 milliards de dollars pour Apple), l’État, lui, est au bord de la banqueroute. Profitant du statut de monnaie de réserve du dollar et de la servilité de la Fed qui a fait fonctionner jour et nuit la planche à billets pour acheter des bons du Trésor, M. Obama a fermé les yeux sur la dérive des finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 7 % en 2012 ; en quatre ans, la dette publique est passée de 10 000 à 16 000 milliards de dollars, augmentant deux fois plus vite qu’en France. Si les États-Unis étaient un pays de la zone euro, il y a bien longtemps que la troïka (FMI, BCE, Commission) lui aurait remonté les bretelles budgétaires et imposé une cure d’austérité.

Mitt Romney affirme que son pays est sur le même chemin que la Grèce. Surtout s’il est élu, rétorquent les démocrates, et que sa politique d’offre et de baisse d’impôts tous azimuts est mise en oeuvre. Les amis de M. Obama n’ont pas forcément tort, mais ils auraient encore plus raison si eux-mêmes proposaient des solutions crédibles pour rééquilibrer le budget. Ce n’est pas le cas. Il est déjà problématique en soi de réduire la dette d’un État, mais cela devient mission presque impossible dans un pays allergique à l’impôt et fasciné par sa toute-puissance militaire. Aux États-Unis, l’heure des comptes publics approche. Enfin.

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