(Québec) Si le républicain Mitt Romney est élu mardi soir, il deviendra le premier président des États-Unis à être capable de s’exprimer en français depuis Franklin Delano Roosevelt, qui a occupé la Maison-Blanche de 1933 à 1945.
Romney ne fait toutefois pas grand étalage de cette langue qu’il a apprise en 1966, alors qu’il a passé deux ans et demi comme missionnaire mormon en France, et qu’il maîtrise toujours très bien aujourd’hui. C’est que depuis quelques années, le français, une langue pourtant parlée par quatre des six premiers présidents américains, est devenu presque un handicap pour les candidats à la présidence.
Luc Laliberté, enseignant en histoire au Cégep Garneau et observateur de la scène politique américaine, rappelle à ce sujet la candidature du démocrate John Kerry, qui s’est incliné contre George W. Bush en 2004. Kerry parlait aussi très bien le français, sa mère étant née à Paris et sa famille possédant encore aujourd’hui un somptueux domaine à Saint-Briac-sur-Mer.
«Quand la France a refusé de suivre les États-Unis dans la guerre en Irak, on se souviendra qu’un fort sentiment antifrançais s’est propagé chez nos voisins du Sud. Les frites, ou french fries, sont devenues des freedom fries. Kerry a été un des premiers à payer pour ça, car plusieurs lui reprochaient ses liens avec la France et sa maîtrise de la langue durant sa campagne», explique le professeur.
Associé au snobisme
M. Laliberté ajoute que, si une certaine Amérique est ouverte sur le monde et sur la culture, une autre Amérique, celle de certains états du sud et du centre, associe plutôt la culture française à une forme de snobisme intellectuel et culturel. «En 2009, le président Obama avait été l’objet de railleries de la part de commentateurs de droite, car il avait demandé de la moutarde de Dijon pour accompagner son hamburger», rappelle-t-il.
Dans le cas de Romney, ses «antécédents français» sont revenus le hanter dans sa course à l’investiture républicaine il y a quelques mois alors que, dans une publicité négative, son adversaire Newt Gingrich faisait remarquer, preuve à l’appui, que «comme John Kerry, Mitt Romney parle français».
On voyait ensuite Kerry inviter des électeurs de Louisiane à «laisser le bon temps rouler» durant sa campagne de 2004, puis Romney déclarant «Bonjour, je m’appelle Mitt Romney» dans une vidéo enregistrée alors qu’il était président du comité des Jeux olympiques d’hiver de Salt Lake City en 2002.
«Comme Kerry, Romney est un homme instruit, mais il a beaucoup de difficulté à gérer ce côté plus raffiné. Il ne joue pas du tout là-dessus, car plusieurs de ses électeurs ne voient pas ça d’un bon oeil. Il n’a à peu près aucun intérêt à faire étalage de son français», poursuit Luc Laliberté.
Et au Québec?
Le professeur ne croit pas non plus que Romney, s’il était élu, ferait un tabac s’il se rendait un jour au Québec et qu’il s’adressait aux francophones dans leur langue. «Il y a bien sûr un aspect sympathique à un président américain qui pourrait parler français, mais M. Romney a défendu des idées très à droite, notamment sur les droits des femmes et l’avortement, des idées qui passent très mal au Québec», fait- il remarquer.
«Si Barack Obama parlait français et s’adressait aux Québécois en français, ce serait le délire. Par contre, pour M. Romney, je crois que c’est davantage la plateforme plus à droite du parti républicain qui ressortirait que le côté sympathique du président francophone», conclut M. Laliberté.
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Les présidents francos
John Adams (1797-1801) : Celui qui est devenu le second président de l’histoire des États-Unis ne parlait pas le français, la langue internationale de la diplomatie au 18e siècle, avant que son prédécesseur George Washington ne fasse de lui un envoyé spécial en France en 1777. C’est dans l’Hexagone qu’il a appris la langue de Molière.
Thomas Jefferson (1801-1809) : Le plus polyglotte des présidents américains a commencé à apprendre le français à l’âge de neuf ans, une langue qu’il a ensuite perfectionnée durant ses études universitaires. Il lisait, parlait et comprenait aussi le grec, le latin, l’italien et l’espagnol.
John Quincy Adams (1825-1829) : Fils de John Adams, le sixième président a appris le français en allant à l’école en France alors que son père y était diplomate.
Theodore Roosevelt (1901-1909) : Teddy Roosevelt parlait très bien le français, une langue qu’il avait apprise à la maison par ses parents et ses éducateurs.
Franklin Delano Roosevelt (1933-1945) : Issu d’une famille fortunée, le dernier président américain à parler français avait bénéficié des services d’une gouvernante française et d’une gouvernante allemande qui lui ont appris les deux langues dès le bas âge. Plus tard, une gouvernante suisse lui a permis d’améliorer davantage sa connaissance des deux langues.
William Henry Harrison (1841) avait appris quelques rudiments de français à l’université, alors que Rutherford B. Hayes (1877-1881) avait aussi brièvement étudié le français à l’école. Aucun des deux ne maîtrisait toutefois la langue.
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