Les candidats à l’élection américaine vont-ils tenir leurs promesses? Grâce à l’analyse informatique, il est possible de le savoir. Par Jacques Savoy et Mathieu Berberat, de l’Institut d’informatique et de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel
La campagne électorale américaine s’accompagne de discours rédigés afin d’offrir des choix politiques. Mais une fois élu, le président tiendra-t-il ses promesses? Si l’on interroge l’homme de la rue, la réponse risque bien d’être négative. Mais est-ce bien le cas?
Afin d’y répondre, F. Petry et B. Collette (Université Laval, Québec) ont vérifié empiriquement la corrélation entre les engagements électoraux et les décisions gouvernementales. Ainsi, pour la période 1944-2000, les gouvernements américains ont réalisé environ 65% de leurs promesses, contre 72% pour le Canada ou le Royaume-Uni. Ce niveau moins élevé aux Etats-Unis s’explique par la présence de contre-pouvoirs. Ainsi, le président Obama n’a pas eu la possibilité d’imposer son agenda législatif au Congrès, où les Républicains disposaient de la majorité dès novembre 2010.
Malgré ces limites, les candidats à la Maison-Blanche vont essayer de respecter leurs engagements. Tenir ses promesses permet également de partir dans de meilleures conditions lors des prochaines élections. En effet, l’opposition soulignera volontiers les différences notoires entre les décisions prises et les promesses faites. De plus, si cet engagement correspond à un thème récurrent pour un parti, la chance de sa réalisation s’accroît. Ainsi, les thèmes touchant l’éducation et la santé se rapprochent des préoccupations des démocrates, tandis que les questions de défense, de la criminalité ou de la drogue se situent plutôt du côté républicain.
Analyse informatique
des discours
Afin de cerner les formulations et promesses récurrentes des deux candidats, nous avons analysé par des outils informatiques leurs discours électoraux (78 pour Obama, 23 pour Romney). Malgré ces volumes différents, nos outils mettent en lumière les termes significatifs sur-employés par les deux prétendants à la Maison-Blanche.
Pour le candidat républicain, l’une des premières tâches consiste à se positionner face à son adversaire (forme significative: President Obama). Mitt Romney va bien sûr critiquer le bilan du président sortant (failure) et insister sur le taux de chômage (chronic high unemployment), reprocher la politique économique (attack business), la perte du triple AAA (AAA credit rating) et une inclinaison forte aux dépenses (Government-Centered Society, Obamacare).
Le candidat républicain indique aussi clairement ses intentions au niveau économique: les termes sur-employés sont free entreprise system ou economic freedom. Ce credo libéral se complète par son intention de diminuer la dette (less debt) ou de réduire le budget du gouvernement fédéral (smaller government). On relève les lourdeurs administratives (burdensome regulation, bureaucratic) et la nécessité de négocier un new trade agreement avec l’Amérique latine.
Le discours électoral fait également appel aux sentiments patriotiques (nation in history, soul of America), dont les perspectives favorables (land of opportunity) doivent conduire les Américains vers une better life. Le sentiment religieux reste bien présent chez Mitt Romney (nation under God, God bless America).
Finalement, au niveau de la forme, le style des discours du candidat républicain s’appuie sur le futur (will) et sur la nécessité (must: – stop spending, – provide, – attract). Il sur-emploie le point d’interrogation, de même que le pronom masculin (he). Dans le camp démocrate, on insiste moins sur le pronom we (du Yes, we can!) et on s’oriente vers un suremploi du you et du she (l’électorat féminin penche-t-il vraiment pour les démocrates?).
Lexique démocrate
De manière plus précise, le président doit expliquer son bilan d’où la forme récurrente because, le signe «$» ou le mot deficit. Comme Commander in Chief, le Président parle de sa promesse tenue de sortir d’Irak (war in Iraq) et de sa lutte contre le terrorisme (Ben Laden, war in Afghanistan). Dans les formulations significatives des discours d’Obama, on rencontre également les réformes qu’il a entreprises (Wall Street reform) face à un environnement économique difficile (worst economic crisis, worst financial crisis), et à l’opposition du Congrès (Republican in Congress). Ce dernier aspect permet au président sortant de renouveler sa promesse d’élever les impôts pour les nantis (wealthiest American) et d’obtenir des réductions (tax cut) pour la middle class. Barack Obama souligne fréquemment sa volonté de garantir une égalité des chances (fair shot, fair share, same rules). Le président renouvelle ses engagements pour l’éducation (college education, higher education) et l’énergie renouvelable (clean energy, homegrown energy).
Si l’on compare les campagnes de 2008 et 2012, nous constatons que Barack Obama avait insisté sur le bilan de son prédécesseur (Bush administration), souligné les problèmes financiers (Wall Street, housing crisis), économiques (Main Street). Sa critique touchait aussi le pouvoir de Washington (Washington lobbyists) et la nécessité d’un changement profond (real change). Au niveau des promesses, on retrouve la couverture maladie (health care), l’élévation de certains impôts (capital gain tax), la nécessité de sauver l’économie (rescue plan). Si le candidat démocrate parlait de créer million of new jobs en 2008, les discours actuels précisent que cela s’est réalisé principalement dans l’industrie (manufacturing jobs) et en sauvant l’American auto industry. Enfin, le nom Clinton s’avère significatif, mais en désignant la sénatrice en 2008 et l’héritage du président Clinton en 2012.
Finalement, l’analyse des discours des deux candidats indique un faible ancrage géographique. Par exemple, les mots Swiss, Switzerland ou France n’apparaissent pas. Toutefois le nom Germany s’avère significatif chez Obama, qui l’associe avec India et China à des fins de comparaisons économiques (jobs, opportunities). La politique étrangère ne soulève pas vraiment les passions sauf pour le mot Israel, significativement sur-employé par Mitt Romney. Cette promesse de soutien possède évidemment une connotation interne évidente.
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