In 2008, the world’s eyes were on America with a mixture of hope-fueled passion in some and apprehension in others. “A black president” leading the United States — would Americans dare to topple the wall of race like the East Germans who brought down the wall of oppression 19 years before them? Or were they going to retreat before breaching this symbolic barrier, terrorized by their own daring?
In 2012, the world still looks at America with interest, but curiosity about the outcome of the election has replaced the “humanist” passion of yesterday. To use a sports analogy, we continue to watch the game until the end not because it is pretty, but because we want to know the result.
Before, the world seemed to almost symbolically suspend its course while waiting for the results of the presidential election. By electing their president, Americans chose the president of the world — Obama, a man who combined the dynamic youth of a Kennedy and the ability to rebuild of a Roosevelt.
Today, however, many commentators are wondering openly if the date Nov. 8, the opening of the 18th National Congress of the Chinese Communist Party, isn’t actually more important to the world than Nov. 6, the U.S. presidential election; the democratic ritual is on one side of the scales, while strategic reality is on the other.
Such a question would have been sacrilegious only a few years ago, but it isn’t any longer. In fact, even if America still has “what it takes” and even if it remains by far the world’s premier military power, America is not quite America. All American debt combined, an American baby born today will find in his crib a dubious gift, namely a debt mounting to $200,000. It’s natural that the world’s attention falls at least as much on the Chinese creditors as on the American debtors.
The objective evolution of this balancing of forces is accompanied by a more subjective and personal factor. While the outside world will, for the most part, always lean more toward Obama (the French being the most enthusiastic), it is henceforth a choice that is more related to the fear of a Romney victory than to the hope of Obama’s re-election. Obama has lost his magic, both in America and in the rest of the world. There was, of course, the inevitable erosion of power and the accompanying deceptions, but it’s not just that. All things considered, there is a little of Valery Giscard d'Estaing [French president from 1974 to 1981] in Barack Obama: a mixture of distance and coldness that can only come from timidity, but that is perceived as arrogance, and a perception that cost him dearly during the first of three debates with Romney.
While he certainly fills the role of commander in chief better than Romney would know how to do today, American voters don’t make their decisions based on foreign policy. The dominant view of many commentators in the United States is that Romney in power would essentially have policies very similar to Obama. Romney can speak like George W. Bush did during his first term; in practice, would he have the means to do things differently from Obama (meaning what Bush did during his second term) and act with a mix of realism and pragmatism?
The perception is mainly that to the rest of the world, a Republican America — as much in regard to foreign policy as to economic policy — would not be fundamentally different from a Democratic America. If true, this would explain why there is less interest in the 2012 election. The difference between the two parties is very real, but it is more apparent on the social platform and, more generally, on a moral plane. It will therefore be Americans who will be most directly affected.
It would certainly be an exaggeration to say that the world is watching America, in the same manner as America looks at the world, with a degree of distance if not indifference when it does not feel directly concerned. Yet the parallel is nevertheless justified: at the moment when the eye of America on the rest of the world is ever more selective, the eye of the world on America is in the process of becoming more superficial.
Dominique Moisi, a professor at King’s College London, is a special adviser to the French Institute for International Relations.
En 2008 le monde avait les yeux tournés vers l'Amérique avec un mélange de passion fait d'espoir pour les uns et d'appréhension pour les autres. « Un président noir » à la tête des Etats-Unis, les Américains allaient-ils oser faire tomber le mur de la couleur de la peau, comme les Allemands de l'Est avaient fait chuter celui de l'oppression, dix-neuf ans avant eux ? Ou bien allaient-ils reculer au dernier moment avant de franchir cette barrière symbolique, comme terrorisés par leur
audace ?
En 2012, le monde contemple encore l'Amérique avec intérêt, mais la curiosité devant l'incertitude du résultat des urnes s'est substituée à la passion « humaniste » d'hier. En termes d'analogie sportive, on continue de regarder la partie jusqu'à la fin, non parce qu'elle est belle, mais parce que l'on veut en connaître le résultat.
Hier le monde semblait presque suspendre symboliquement son cours dans l'attente du résultat de la présidentielle américaine : en élisant leur président, les Américains ne choisissaient-ils pas le président du monde, et avec Obama un homme qui combinait la jeunesse dynamique d'un Kennedy et la capacité de reconstruire d'un Roosevelt ?
Aujourd'hui, par contre, de nombreux commentateurs se demandent ouvertement si la date du 8 novembre, celle de l'ouverture du 18 e Congrès du Parti communiste chinois, n'est pas en réalité plus importante pour le monde que celle du 6 novembre, celle des élections américaines ; le rite démocratique d'un côté, la réalité stratégique de l'autre !
Une telle interrogation, qui aurait pu être sacrilège il y a seulement quelques années, ne l'est plus désormais. En effet, même si elle a de très « beaux restes », et si elle demeure et de très loin la première puissance militaire mondiale, l'Amérique n'est plus tout à fait l'Amérique. Toutes dettes confondues, un bébé américain qui naît aujourd'hui trouve dans son berceau un cadeau douteux, à savoir une dette qui se monte à 200.000 dollars. Il est naturel que l'attention du monde se porte au moins autant sur le créancier chinois que sur le débiteur américain.
Cette évolution objective du rapport des forces s'accompagne d'un facteur plus subjectif et personnel. Même si le monde extérieur dans sa grande majorité penche toujours davantage pour Obama -les Français sont les plus enthousiastes -, il s'agit désormais d'un choix qui est plus lié sans doute à la peur d'une victoire de Romney qu'à l'espoir d'une réélection d'Obama. Même dans le monde, et pas seulement aux Etats-Unis, Obama a perdu de sa magie. Il y a eu bien sûr l'inévitable usure du pouvoir et les déceptions qui l'accompagnent. Mais il n'y a pas que cela. Toutes proportions gardées il y a comme du « Valéry Giscard d'Estaing » chez Barack Obama, un mélange de distance et de froideur qui peut n'être que de la timidité, mais qui est perçu comme de l'arrogance, une perception qui lui a coûté très cher lors du premier de ses trois débats avec Romney. Il incarne certes mieux le commandant en chef que ne saurait le faire aujourd'hui Romney, mais les Américains ne se déterminent pas sur la politique étrangère, et la perception dominante de beaucoup de commentateurs aux Etats-Unis est que Romney au pouvoir aurait pour l'essentiel une politique très semblable à celle d'Obama. Dans son discours Romney peut parler comme Georges W. Bush lors de son premier mandat, dans la pratique aurait-il les moyens de faire autre chose qu'Obama, c'est-à-dire du George W. Bush lors de son second mandat, un mélange de réalisme et de pragmatisme ?
Cette perception, que pour l'essentiel -tant sur le plan de la politique étrangère que sur celui de la politique économique -une Amérique républicaine ne serait pas fondamentalement différente pour le monde d'une Amérique démocrate, contribue sans doute aussi à expliquer le moindre intérêt pour les élections de 2012. La différence entre les deux partis est bien réelle, mais elle se fera avant tout sentir sur le plan social et plus globalement sur celui des moeurs. Ce seront donc les Américains qui seront les plus directement concernés.
Il serait certes exagéré de dire que le monde regarde l'Amérique, comme l'Amérique regarde le monde, avec un mélange de distance, sinon d'indifférence quand elle ne se sent pas directement concernée. Mais le parallèle est néanmoins justifié : au moment où le regard de l'Amérique sur le monde est toujours plus sélectif, celui du monde sur l'Amérique est en train de devenir plus superficiel.
This post appeared on the front page as a direct link to the original article with the above link
.