Barack Obama fraîchement réélu pour un second mandat, Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l’Université de Paris 1 la Sorbonne, conseil en diplomatie publique et membre de la SEAP (Society of European Affairs Professionals), revient sur la place et l’image des Etats-Unis dans le monde d’aujourd”hui.
Barack Obama a remporté l’élection présidentielle américaine. Les USA ont gagné la bataille de l’audience globale. Comme happés par le mouvement permanent de cette campagne. Comme dans un 51é état des Etats Unis d’Amérique, nous avons presque tous participé à ce long marathon, l’année même de notre propre élection présidentielle. A peine moins peut-être que lors de la première victoire d’Obama, les USA ont exporté, très au delà de leurs frontières géographiques et médiatiques, ce moment électoral qui rythme, tous les 4 ans, l’actualité d’un Monde pourtant devenu multipolaire. Un Monde où la compétition entre territoires pour les parts d’audience globale est féroce voire guerrière. Nous semblons presque davantage vibrer pour ce scrutin que pour le notre propre. Si nous ne comprenons pas toujours le système constitutionnel et électoral complexe des USA, nous connaissons les enjeux, les lignes de fractures et même le vocabulaire spécifique de cette élection. Nous entrons en relation avec les propositions des 2 candidats. Nous sommes familiers de leurs histoires personnelles.
Nos médias sont les alliés très zélés de ce phénomène. Ils se nourrissent en profondeur d’un contenu aux contours et aux angles scénarisés par les candidats et leurs équipes dans une capacité à se placer dans tous les écrans, toutes les radios ou pages de la presse écrite ou de l’édition. Ils misent sur l’efficacité en terme de captation d’audience et de valorisation publicitaire d’un contenu peu cher et continu.
Une sorte de Superbowl permanent
Sorte de Superbowl permanent, depuis des semaines le feuilleton fut diffusé aussi chez nous, au quotidien et dans toutes ses dimensions locales. Plateaux en directs des journaux télévisés. Cohortes d’envoyés spéciaux pendant des semaines. C’est un véritable plan média global qui ne se dit pas. Le charter média de chaque candidat fut la mesure de l’audience globale exceptionnelle d’une série qui se déploie sur tous les prime time à travers la planète et nourrie de son contenu narratif les chaînes ou radios d’information continue sans oublier la presse écrite et évidemment le web et ses réseaux sociaux.
L’Amérique s’est présentée en direct et sans fard. Points forts et points faibles, réussites et échecs de l’expérience US se sont multipliés comme dans des écrans permanents ouverts sur les USA. L’élection présidentielle s’impose comme une formidable occasion de mesure la marque Amérique sur le terrain politique. Brand America est portée par les 2 candidats. Barak Obama et Mitt Romney l’ont fait comme auparavant W Bush ou plus loin Bill Clinton l’avaient fait. Peu importe qu’on les aime ou on les déteste, ils font de nous des parties prenantes de leur campagne. Presque des citoyens américains. Ce spectacle de plusieurs milliards de dollars a les moyens de ses ambitions. Ce show devient le notre.
Une majorité a regardé, observé, plus ou moins attentive, se prenant progressivement au jeu des enjeux. Une minorité significative a pris parti, est entrée en campagne elle aussi. S’est même engagée pour certains. Nous savions mieux ce qui se passe dans l’Iowa ou
l’Ohio que dans les Ardennes ou en Lozère. Sans nous draper dans la bannière étoilée. Nous progressons dans un apprentissage qui
nous rapproche d’un pays que nous aimons ou détestons mais qui s’impose à nous. Evidemment Barack Obama est un produit politique et médiatique sans équivalent à travers le Monde. Le phénomène est global et local à la fois. Il entre en résonnance avec de très
nombreux peuples. Mais ne soyons pas dupes.
Une véritable stratégie de diplomatie publique….
Si le personnage principal de la série est évidemment l’atout majeur de la marque Amérique, il s’agit là d’une véritable stratégie de diplomatie publique comme seuls les USA sont susceptibles de la mener aujourd’hui. Partout où elle est possible et utile, en direct avec les peuples très au delà de la diplomatie classique. Au même titre qu’Hollywood et le reste de l’industrie culturelle et du divertissement déversent le mythe sans cesse revisité de l’Amérique et qu’ils recyclent les histoires des autres peuples. Au même titre que sa littérature est diffusée sans limite, que ses universités continuent d’attirer les étudiants du monde entier et de produire de l’innovation qui nourrit les marques de l’Oncle Sam. Au même titre que les sports made in USA obtiennent un succès mondial portés par des icones et des marques puissantes, que sa langue est devenu un esperanto planétaire … Et que dire des marques de l’internet et du 2.0 ! Google, Facebook, Twitter, YouTube, pour ne citer que les plus familières, sont à la fois les instruments de la diffusion des différents contenus de la marque USA et des acteurs puissants et stratégiquement intéressés à s’imposer sans partage sur le vaste Monde digital et au delà. Que dire d’Apple, Coca et de bien d’autres marques qui gouvernent de véritables tribus de fidèles à travers la planète et les goinfrent de leurs produits ou concepts pensés aux USA même si très souvent Made in China.
… pas si douce et innocente que cela
Une diplomatie douce diront certains. Pas si douce et innocente que cela. Nous choisirons de la qualifier de nouvelle diplomatie publique. Une stratégie intégrant culture, médias, industrie, sport, éducation, langue, … politique, public et privé à la diplomatie classique et au branding traditionnel du pays. Au centre de la notion, la capacité voulue ou naturelle de placer au coeur de sa diplomatie, le grand public des citoyens de mieux en mieux informés et qui forment aujourd’hui une opinion mondiale digitalisée et en réseau très mouvante, disponible, et surtout un marché géant. Pendant son élection, comme tous les 4 ans, l’Amérique a repris la main de la narration du Monde.
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