Edited by Kyrstie Lane
Qui sont ceux qui ont réélu Barack Obama?
Une vieille anecdote qu’un collègue aime raconter est celle d’un chef du Parti socialiste français qui, après avoir perdu par une seule voie un vote crucial dans un congrès de son parti, s’était exclamé : Si je trouve celui qui m’a fait perdre ce vote, je vais lui faire passer un mauvais quart d’heure. Si on y pense une seconde, ça ne tient pas debout. N’importe quel des 50 pourcent plus un pourrait porter le blâme. Ainsi, au lendemain d’une élection où la marge de victoire était si serrée qu’elle l’a été hier, on entend toutes sortes d’analyses qui nous promettent d’avoir déniché le facteur déterminant sans lequel Barack Obama n’aurait pas pu l’emporter. Il faut prendre tout cela avec un grain de sel, mais, la consultation des sondages de sortie des bureaux de vote permet de commencer à se faire une idée de ce qui s’est passé aux États-Unis hier. Sans prétendre dénicher LA raison de la victoire de l’un ou de la défaite de l’autre, voici quelques observations utiles partir du sondage mené par Associated Press et un consortium des médias.
Obama a gagné à cause des femmes. De 2008 à 2012, son vote est passé de 56%-43% à 55%-44% chez les femmes, mais il a déboulé de 49%-48% à 45%-52% chez les hommes. Pendant toute la campagne, les enjeux qui touchent au premier chef les femmes ont été gardés à l’avant-scène, et l’équipe Obama prenait toujours soin de donner un rôle de premier plan aux femmes dans ses événements publics. Ça a marché.
Obama a gagné à cause des votes ethniques (il me semble l’avoir déjà entendue quelque part, celle-là). En 2008, les Blancs non hispanophones comptaient pour 74% de l’électorat. Obama les avait perdus par 43%-55%. En 2012, la défaite dans ce groupe était encore plus nette : 39%-59%, mais on constate que le groupe perd des plumes, car il passe à 72% des électeurs, au profit des Latinos et des Asiatiques, qui gagnent un point chacun. C’est aussi dans ces deux groupes qu’Obama fait ses gains les plus importants. Son vote chez les Afro-américains passe de 95% à 93%, mais il passe respectivement de 67% à 71% chez les Latinos et de 62% à 73% chez les Asiatiques. On sait pourquoi les républicains ont perdu du peu d’appuis qu’ils avaient chez les Latinos, en raison de leurs positions par trop restrictives sur l’immigration. Mais qu’est-ce qui n’a pass passé chez les Asiatiques ? Bonne question.
Obama a gagné à cause des jeunes. Chez les jeunes de 18-24 ans, dont plusieurs votent pour la première fois, Obama avait fait un tabac en 2008, en gagnat par 66%-32%. Il était cool. Les jeunes s’arrachaient son poster « Hope », et il leur promettait de mettre fin à une guerre dont ils ne voulaient pas. En 2010, ces jeunes avaient boudé les élections de mi-mandat. On disait que les démocrates ne pourraient jamais répliquer chez eux en 2012 l’enthousiasme de 2008. Pourtant, non seulement les pertes dans ce groupe ont été modestes, mais sa part de l’électorat a augmenté de 10% à 11%. Les jeunes n’ont pas décroché en 2012.
Obama a gagné à cause de la polarisation partisane. Les sondages d’hier nous montrent que les partis ont resserré les rangs. La distribution des appuis par l’identification partisane révèle une augmentation de la polarisation partisane, en ce sens que la part des personnes qui s’identifient à un parti et qui ont appuyé le candidat de l’autre parti et passée de 9% à 6%. En soi, ces chiffres ne font que refléter un phénomène plus global : une polarisation de l’électorat qui a fait en sorte que pendant toute sa présidence, Barack Obama a gardé l’appui de ses partisans à travers la pire crise économique que le pays ait traversée depuis la Grande Dépression.
Barack Obama a gagné à cause de la classe moyenne. Combien de millions de fois pendant la campagne avons-nous entendu des références à la classe moyenne, qui est un nom de code aux États-Unis pour une classe ouvrière qu’on ne peut pas nommer ? En 2008, Barack Obama avait gagné chez les 38% d’électeurs provenant de ménages gagnant moins de 50 000$ par 60%-38%, alors que parmi les ménages de plus de 50 000$, les votes étaient partagés 49%-49%. Après quatre ans de crise, en 2012, cette portion de l’électorat la plus durement touchée par le chômage et les pertes de revenus est passée à 41%. On aurait pu s’attendre à ce que ce groupe porte un jugement sévère contre le président Obama, que les républicains ont sans relâche tenu responsable de leur sort. Ils n’ont pas bronché. Hier, les démocrates ont remporté ce groupe par la même marge qu’en 2008, 60%-38%, et ils ont perdu les ménages au revenu de plus de 50 000 $ par 45%-53%. En fin de compte, ce sont les électeurs les plus éprouvés par la crise qui ont renouveler leur confiance à Barack Obama, alors que leurs concitoyens plus aisés, dont les placements en bourse ont doublé pendant les quatre dernières années, ont opté pour le virage à droite.
Étant donné l’insistance des républicains sur les questions de religion et de valeurs, on pourrait s’attendre à voir une baise plus grande de l’appui de 2008 à 2012 chez les électeurs les plus pratiquants, mais ce n’est pas le cas. En fait, les pertes dde Barack Obama ont été assez semblables dans chacun des groupes définis par l’identité religieuse ou l’intensité de la pratique religieuse.
Peut-on vraiment dire d’où sont venus les votes qui ont assuré la réélection de Barack Obama? La réponse est trop facile : c’est un peu toutes ces catégories à la fois. La marge de victoire a été si mince que n’importe quel de ces groupes peut revendiquer la responsabilité d’avoir fait pencher la balance du côté de Barack Obama. Dans les billets suivants, j’essaierai d’aller au-delà de l’identité des groupes, pour demander ce qu’ils avaient derrière la tête au moment de faire leur choix.
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