Il faut aller voir le magnifique film de Steven Spielberg “Lincoln”. Pas seulement parce que l’interprétation assez magistrale de Daniel Day Lewis permet de rentrer dans la peau et la tête de ce personnage fascinant, dans la solitude du pouvoir éprouvée par Abraham Lincoln, en pleine guerre civile, quand tout paraît se liguer contre les projets les plus nobles…Pas seulement pour se rappeler que l’Amérique a fini par abolir l’esclavage, mais qu’elle n’était certainement pas prête à l’époque à proclamer l’égalité des races et des sexes…
Pour ceux qui s’intéressent à la politique américaine, il faut aussi voir ce film pour des raisons plus actuelles. On y redécouvre en effet que Lincoln n’a réussi à arracher au Congrès le 13ième amendement confirmant l’abolition de l’esclavage que parce qu’il avait dépêché des lobbyistes en secret chez nombre de députés démocrates réticents , pour leur faire des propositions de poste alléchantes en échange de leur précieuse voix (le vote n’a été arraché qu’à deux voix près!). Bref, “le dessein le plus pur a été accompli par des moyens tordus et impurs”, notait dimanche dernier un commentateur de la chaîne ABC lors d’une conversation avec quelques uns des éditorialistes politiques les plus chevronnés de la place de Washington. Point frappant, ces derniers sont tombés d’accord lors de l’émission pour dire qu’Obama devrait faire de même pour arriver à ses fins dans la grande bataille qui se prépare avec les Républicains du Congrès sur la question du budget, pour éviter de précipiter le pays dans “le précipice budgétaire” au tournant de l’année. Bref, disent-ils, le président ne devrait pas être trop naïf dans sa pratique politique. Ces commentateurs ont sous entendu qu’Obama devrait engager en coulisses des marchandages de tapissier pour tordre le bras de ses interlocuteurs et arracher des concessions. Joe Klein, analyste politique de Time Magazine a même été jusqu’à regretter, en direct, sans le moindre état d’âme, que le sénateur McCain ait eu la malencontreuse idée de faire voter une loi mettant fin aux “earmarks”, ces fameuses subventions ou facilités votées par le Congrès fédéral pour tel ou tel projet particulier de tel ou tel état…”Les earmarks étaient l’huile dans le moteur qui permettait d’accoucher de compromis bipartisans”,a-t-il noté. Autrement dit, il faut de la corruption pour que la démocratie américaine fonctionne? Un aveu un peu dérangeant tout de même…
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