Bien sûr, il lui faudra d’abord gravir sans dommages la “falaise budgétaire”, ce blocage institutionnel qui, s’il n’est pas dénoué, verra les Américains être amenés à payer plus d’impôts et à subir une réduction des financements publics collectifs (couverture sociale, éducation, etc.). Pour le circonscrire, le démocrate Barack Obama entend négocier la résorption de long terme des déficits publics avec le Parti républicain à partir d’une position initiale plus “dure” que celle adoptée lors des précédentes négociations d’août 2011.
Sa réélection, estime M. Obama, lui a octroyé l’autorité d’augmenter la fiscalité privée des plus fortunés et d’imposer aux entreprises de s’acquitter davantage de leur dû envers le fisc. La moitié des Américains sont dubitatifs sur les chances d’un accord. Les politologues sont plus optimistes. La stratégie du blocage institutionnel systématique a coûté très cher au Parti républicain, en désarroi après son échec à l’élection présidentielle.
Mais M. Obama peut difficilement entamer son second mandat sur un échec, la plupart des études et des analystes des marchés prédisant l’entrée du pays dans une nouvelle récession en cas d’absence de compromis sur un plan communément agréé de réduction de la dette.
Plus encore, M. Obama est désormais “naturellement” dominé par l’idée de l’héritage politique qu’il entend laisser.
Lors de sa première conférence de presse après sa victoire, mercredi 14 novembre, il a indiqué qu’il récusera un accord au rabais. Entre nouvelles recettes fiscales et baisse des dépenses publiques, il propose un plan décennal “équilibré” qui réduise de 4 000 milliards de dollars (3 133 milliards d’euros) sur dix ans le rythme actuel de l’endettement de l’Etat fédéral et qui se confronte à la résorption des coûts de la santé – exorbitants en Amérique – et au financement durable des retraites. Deux enjeux qui, vu l’absence de système universel de protection, pèsent sur les Etats-Unis plus que sur tout autre pays riche.
Un plan qui, en n’obérant pas les possibilités de relance, répartisse mieux ses bénéfices au profit des “classes moyennes” (qui incluent dans l’acception locale petits patrons, professions libérales et salariés). S’il ne devait avoir qu’un seul objectif pour ce second mandat, il serait d'”aider les classes moyennes” à se régénérer, a-t-il insisté.
Cette perspective, M. Obama l’avait déjà annoncée… il y a quatre ans. Roosevelt avait lancé le New Deal (la “nouvelle donne”), il proposait une “refondation” de l’économie américaine, assurait-il trois mois après son intronisation. Le terme avait rapidement disparu de son propos. Mais pas l’idée, à double détente, qui le fondait. Il s’agissait d’abord d’assainir le secteur bancaire pour relancer le crédit et la consommation, pilier de la croissance américaine, et donc l’emploi. Puis, dans un second temps, de s’attaquer aux grands enjeux : “refonder” une classe de salariés mieux payés et mieux protégés afin de desserrer l’étau de la dette privée sur les Américains – et ainsi “refonder” une croissance moins dépendante du crédit et plus due à l’amélioration du pouvoir d’achat.
Las, trois ans après le pic de la crise, la situation économique s’est certes améliorée – sans quoi M. Obama, malgré ses talents, n’aurait pas été réélu -, mais cela a beaucoup plus profité aux financiers, qui ont retrouvé leurs bénéfices, et aux industriels, qui ont amplement amélioré leurs gains de productivité, qu’aux salariés. Au contraire, l’endettement des ménages américains n’a jamais atteint un tel degré. Le nombre des jeunes diplômés surendettés faute d’emploi a explosé en quatre ans ; 62 % des faillites personnelles sont dues à l’incapacité de rembourser des frais de santé. La raison première à cet état de fait tient en une statistique du Census Bureau, l’équivalent américain de l’Insee : en dollars constants, le salarié américain médian a continué de voir son revenu régresser : – 16 % de 1999 à 2011.
L’endettement général réside dans le recul du pouvoir d’achat et le creusement des inégalités. Au moment où le président réélu donnait sa première conférence de presse, le Census Bureau indiquait que le nombre des Américains au-dessous du seuil de pauvreté était passé de 49,1 à 49,7 millions de 2010 à 2011. La sortie de l'”économie de la dette” qui a généré la crise financière aux Etats-Unis passe par la limitation de ces faiblesses-là.
Avec une victoire plus serrée, la présidence Obama II s’engage plus favorablement qu’en 2008. A l’époque, la crise apparaissait. Les Américains étaient obnubilés par l’émergence de la Chine et la hausse du prix du baril. Aujourd’hui, leur “confiance en l’économie” se requinque un peu et leurs craintes énergétiques sont balayées par la découverte de gigantesques ressources pétrolières et gazières dans leur sous-sol (la hantise de la Chine, elle, s’élargit à l’Asie en général…). Pour enfin jeter les bases d’une “refondation” économique, M. Obama entend créer des emplois et surtout de “bons emplois”, grâce, surtout, à la relance de la production de biens durables – une idée partagée autant à gauche qu’à droite.
Mais, pour de nombreux économistes, dès lors que la réindustrialisation se concentrera sur des secteurs de pointe les plus techniciens et robotisés, elle créera certes des emplois nouveaux, mais leur grand nombre n’est pas garanti. Cette limite au nouvel idéal du “produire américain” reste loin du débat grand public.
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