Dear Brad Pitt, I Love You, but Seeing You on Screen Makes It Hard to Keep on Living

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“Cher Brad Pitt, je vous aime beaucoup mais vous voir à l’écran n’est pas facile à vivre”

Par Eric Libiot

Dans chacun de ses films, Brad Pitt se la joue trop cool, trop beau, trop classe. Cogan, d’Andrew Dominik, en salle cette semaine, en est un exemple frappant. C’est énervant. Très énervant. Mais pour qui se prend-il? Ce qui vaut bien une lettre.

BRAD PITT – Dans chacun de ses films, le comédien se la joue trop cool, trop beau, trop classe. Cogan, d’Andrew Dominik, en salle cette semaine, en est un exemple frappant.

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Cher Brad Pitt,

Non, je n’irai pas vérifier l’info. Ce n’est sans doute pas très professionnel de ma part, je vous l’accorde, mais elle me plaît ainsi et j’aurais peur qu’elle soit fausse. J’ai donc lu sur le site imdb.com, qui est loin d’être un machin de racontars racoleurs, que vous vous étiez fait refaire la dentition. À tout le moins, votre dentiste vous a couronné les ratiches et les a emballées de papier blanc, histoire de présenter un sourire dentifrice au monde en général et aux filles en particulier. Ce n’est pas très fair-play, permettez-moi de vous le dire comme je le pense.

Il nous reste quoi, à nous, pauvres mortels sans gloire, garçons de peu, ni beaux ni riches, et réciproquement? Vous et votre pote George Clooney, dont le patronyme le fait tout de même ressembler à un gros nez rouge, ne l’oubliez pas, et je ne parle pas du vôtre, vous commencez franchement à m’énerver. Mais faites attention. Le tapis rouge déroulé à vos pieds ne va pas durer éternellement. Et que vous soyez un excellent acteur ne changera rien à l’affaire, cher Brad Pitt. Si personne ne remarque votre petit manège, moi, si. Dans Cogan, d’Andrew Dominik, par exemple.

“Brad Pitt , votre dentiste vous a couronné les ratiches et les a emballées de papier blanc, histoire de présenter un sourire dentifrice au monde en général et aux filles en particulier. Ce n’est pas très fair-play, permettez-moi de vous le dire comme je le pense.”

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Face à un James Gandolfini imbibé jusqu’à l’os, vous la jouez un chouïa méprisant. Regard hautain et revers de main ironique. Oui, vous vous la pétez grave. Sans le moindre gramme de compassion. Vous avez en face de vous Tony Soprano en personne, ou quasi, l’homme capable de dessouder n’importe quelle tuyauterie d’un simple haussement de sourcil, et vous ne trouvez rien de mieux que d’afficher votre humeur de star. Il va falloir que ça change. Et d’ailleurs, ça va changer. J’ai la gentillesse de vous prévenir, prenez-le comme il se doit. Avec modestie, s’il vous plaît.

Vous allez bientôt entrer dans votre cinquantième année, le 18 décembre pour être exact, et le crépi va commencer à se fissurer. Votre attitude à la Dorian Gray, ça va bien cinq minutes, et le jour viendra où, derrière le masque, on verra enfin le vrai tableau. Une vieille croûte aux couleurs ternes. Eh oui, mon petit Brad, il va falloir vous y faire. Une légère brioche, quelques cernes, un peu d’arthrose et compagnie.

Fini la cambriole de casinos et votre truc à la Benjamin Button dont je suppose qu’il vous servait de méthode Coué. Vous allez vieillir, un point c’est tout. Et vous ne savez pas à quel point ça va être moche. C’est une question d’équilibre mondial, voyez-vous. Aujourd’hui, vous êtes trop beau, trop doué, trop classe, trop riche, trop sexy, trop chou, trop crème, trop marié. Demain, vous serez tout ça aussi mais moins. Ou plus du tout.

J’entends d’ici vos fans me reprocher de ne pas rester sur le terrain qu’exige cette dernière page, le cinéma, et de m’attaquer au physique. Ça ne se fait pas. Ben si, ça se fait. Voilà. Surtout quand il ne me reste rien d’autre. Je vous aime beaucoup mais vous voir à l’écran n’est pas facile à vivre tous les jours. Arrêtez de sourire ou je porte plainte. Je ne le répéterai pas.

Bien à vous.

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