Why Freedom Includes the Right to Bear Arms in the US

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A la suite de la tuerie de Newtown, les multiples réactions des médias français et européens à l’égard du débat sur le port d’armes aux Etats-Unis confirment que de part et d’autre de l’Atlantique existent deux conceptions bien différentes des libertés publiques.

Le droit pour chaque sujet de porter des armes venait d’Angleterre. Suspendu un temps par Jacques II (1685-1688), qui s’efforçait de rétablir une monarchie absolue, il avait été réaffirmé par la Déclaration des droits de 1689, qui théorisait les libertés de la monarchie parlementaire anglaise, et parmi elles, celle de porter une arme, garantie aux sujets protestants.

C’est néanmoins contre la domination de la Grande-Bretagne, mais bien par les armes de ses citoyens, que l’Amérique a mis en avant un siècle plus tard son propre modèle libéral. Les Etats-Unis, en effet, se sont construits contre l’empire britannique, au cours d’une guerre d’Indépendance qui s’est déroulée de 1775 à 1783.

Le peuple armé, une garantie contre le retour de l’impérialisme

Les motifs de la révolution américaine sont complexes. D’une manière générale, les indépendantistes estimaient que, sur les plans politique et économique, la Couronne britannique portait atteinte aux libertés des colons. Retenons surtout la dénonciation de l’armée permanente, envoyée par Londres dans les Treize colonies.

Une fois la guerre achevée et l’indépendance acquise, les Treize colonies se sont dotées d’une constitution. Dans son esprit, ce texte est clairement hostile à l’impérialisme. Si le modèle fédéral a été retenu, il fallait éviter de retomber dans les travers de l’époque britannique : les indépendantistes, qui s’étaient soulevés contre la domination de Londres, n’allaient pas déléguer leurs pouvoirs à la nouvelle capitale, Washington. Ainsi la constitution fédérale laissait-elle une grande autonomie aux Etats.

Pour empêcher tout risque de glissement vers un modèle impérial, il fut décidé de garantir aux citoyens le droit de porter des armes : jamais les citoyens américains ne seraient désarmés face à un Etat fédéral qui tenterait de réduire leurs libertés.

Ce droit est garanti par le deuxième amendement de la Constitution américaine, promulgué dans le cadre de la Déclaration des Droits de 1791. Cet amendement entérinait aussi un état de fait : au sortir de la guerre, les indépendantistes, dont un bon nombre avaient combattu dans le cadre des milices, étaient armés.

De la diversité des définitions des libertés publiques

En Europe, et en France notamment, il est majoritairement admis qu’il est du ressort de l’Etat d’assurer la sécurité publique. Cette conception du rôle de l’Etat pour la sécurité et la paix civile s’est imposée à l’Angleterre absolutiste, puis à l’Europe à partir du XVIIe siècle.

Dans l’histoire des idées politiques, elle est surtout théorisée par le célèbre « Léviathan » de Hobbes : à l’état de nature, les hommes s’entre-déchirent, tandis que sous l’égide d’un Etat, dominé par un souverain, la paix civile est garantie.

En France, outre Hobbes, il faut mentionner l’apport de Rousseau, selon qui les libertés sont garanties par un pacte d’association, duquel émane l’Etat. C’est en déléguant une partie de leur liberté à l’Etat, pour l’intérêt général, que les citoyens atteignent finalement un plus grand degré de liberté. Autrement dit, en France comme en Europe, c’est la liberté publique qui garantit la liberté individuelle (et la sécurité) et non l’inverse.

Stratégies marketing et puissants lobbies

La culture politique américaine, en revanche, invite à la méfiance à l’égard de toute directive émanant de l’Etat fédéral. Le Président lui-même, faut-il le rappeler, n’est pas directement élu par les citoyens mais par des grands électeurs émanant de chacun des cinquante Etats, ce qui limite la légitimité de ses initiatives auprès des Américains.

Du point de vue de la culture politique comme des institutions, la marge de manœuvre de Barack Obama sur la question des armes est donc finalement assez limitée. Quant à la résurgence d’arguments favorables au port d’armes depuis la tuerie de Newtown, si elle semble incongrue de notre côté de l’Atlantique, elle s’inscrit pleinement dans la tradition libérale américaine.

Bien sûr, ce débat ne saurait se réduire à des références historiques. Le commerce des armes aux Etats-Unis implique aussi des stratégies de marketing et de puissants lobbies. Et pourtant, ces aspects peuvent tout aussi bien être questionnés sous l’angle des libertés publiques et individuelles.

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