Au lendemain du psychodrame budgétaire, il semble déjà acquis que le président ne pourra plus imposer de chantier aussi ambitieux que celui présenté en 2009 sur l’assurance-santé.
La saison II d’Obama à la Maison-Blanche n’a pas encore commencé. Elle s’ouvrira officiellement le 21 janvier par son discours inaugural sur les marches du Capitole. Les deux mois passés depuis son élection donnent pourtant un bon avant-goût du scénario à attendre pour les quatre ans à venir. Le psychodrame budgétaire qui s’est achevé au soir du 1 er janvier a brisé l’espoir de voir le Congrès avancer dans un esprit de réforme et de compromis. Si une chose est d’ores et déjà acquise, c’est que le président ne pourra plus imposer de chantier aussi ambitieux que celui présenté en 2009 sur l’assurance-santé. « Il va assurément moins réformer qu’au cours des quatre années précédentes. N’oublions pas que pour faire voter l'”Obama care”, il avait bénéficié d’une conjonction d’éléments extrêmement favorables », rappelle Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à l’université Columbia. Au Sénat, il bénéficiait notamment de la « super-majorité » de 60 % qui empêchait les républicains de faire obstruction. Une majorité qu’il a perdue en 2010 et qui a sérieusement compliqué les choses depuis.
L’optimisme semble d’autant moins de mise que les relations entre républicains et démocrates se sont beaucoup dégradées ces dernières semaines. Faut-il en tenir rigueur au Congrès ou au président ? « La plus grande faute revient aux républicains. Leur cerveau s’est gelé depuis l’élection. Ils ne savent plus ce qu’ils veulent », dénonce David Brooks, un chroniqueur du « New York Times » pourtant classé au centre droit. La faute est toutefois partagée. Barack Obama a mené une stratégie qui a laissé beaucoup de monde pantois. « Il ne pouvait pas engager plus mal son second mandat », juge David Schultz, de l’université Hamline. Pourquoi ? Parce que le compromis dégagé sur le mur budgétaire n’en est pas vraiment un. Il laisse les républicains à terre et rend d’autant plus improbables de futures concessions entre les deux camps. L’accord bipartisan est pourtant une vieille tradition aux Etats-Unis : « George Bush a tendu la main aux démocrates pour négocier le sauvetage des banques. Ronald Reagan avait fait de même sur les retraites et Bill Clinton sur la zone de libre-échange en Amérique du Nord. Tous ces présidents ont eu l’intelligence d’en décerner le mérite aux deux camps », estime Keith Hennessey, ancien conseiller de George Bush. Ici, rien de tel. Barack Obama s’est montré d’une rare agressivité à l’égard des républicains, allant jusqu’à les humilier après même l’émergence d’un accord. « Rappelez-vous, les républicains disaient qu’ils n’accepteraient jamais d’augmentation d’impôt. Manifestement, l’accord que nous venons de négocier le prévoit, et de manière permanente », a-t-il lâché le 31 décembre devant une assemblée hilare. C’est effectivement une belle victoire pour le président démocrate, qui met fin à vingt années de baisses d’impôt et honore ainsi l’un de ses grandes promesses de campagne. Mais on peut lui reprocher de ne pas avoir le triomphe modeste. « Il gouverne comme s’il venait d’une civilisation moralement supérieure », résume David Brooks. « Il n’a pas construit la confiance avec les républicains. »
Peut-il s’en passer ? La réponse est non. Dès les prochaines semaines, il devra s’assurer du soutien des républicains pour relever le plafond de la dette, faute de quoi l’Etat ne pourra plus payer ses factures. Cela pourrait bien sonner l’heure de la revanche pour ses adversaires. Ils vont notamment profiter de ce nouveau bras de fer pour négocier une baisse des prestations sociales. « Je crains que ne survienne alors une crise bien plus grande que celle que nous venons de passer », prédit Robert Greenstein, président du think tank Budget and Policy Priorities, classé à gauche.
L’énergie dépensée dans ce feuilleton budgétaire est autant de perdue pour mener à bien les autres réformes. Barack Obama ne manque pourtant pas d’ambition. Sur les armes à feu, par exemple, il compte aller bien au-delà de ce qu’avait fait Bill Clinton en 1994 : en plus d’interdire les armes d’assaut, il espère instaurer un contrôle mental des acquéreurs et un suivi des mouvements d’armes dans le pays, rapportait le « Washington Post » dimanche. Au vu des dernières semaines, les experts sont pourtant nombreux à douter de sa capacité à arracher un compromis : « La réglementation des armes à feu est encore moins consensuelle que la question de la dette. Si le président n’est pas capable de négocier sur le deuxième sujet, on voit mal comment il arriverait à le faire sur le premier », observe David Schultz.
L’impasse n’est toutefois pas totale : il reste deux domaines où le consensus à Washington est encore possible, voire probable. Le premier est celui de l’immigration. Barack Obama pourrait ouvrir la voie à la régularisation des 11 millions de sans-papiers vivant actuellement aux Etats-Unis. Les milieux d’affaires le réclament, avec comme porte-voix le très puissant « Wall Street Journal », qui n’a pourtant pas l’habitude de soutenir Barack Obama. Les républicains, qui n’ont vu que 30 % des Latinos voter pour eux en novembre, se résolvent eux aussi au compromis : « Ils sont terrifiés par la démographie hispanique ! S’ils refusent d’avancer, ils savent que leur base électorale sera bientôt totalement acquise aux démocrates », constate Robert Shapiro. La deuxième lueur d’espoir a trait à la politique étrangère. « Le genre de sujet sur lesquels les Américains se retrouvent encore », veut croire le professeur de l’université Columbia. Face à l’Iran, qui pourrait obtenir l’arme nucléaire avant l’été, ou face au dossier syrien, c’est en tout cas ce que l’on peut souhaiter à la première puissance mondiale pour cette nouvelle année.
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