Il y a beaucoup de choses que les républicains n’aiment pas en Barack Obama. En ce jour de prestation de serment du Président réélu, j’en retiens trois qui me paraissent importantes pour comprendre la grande démoralisation qui frappe les conservateurs.
1) Barack Obama serait un faux centriste
Face à une Chambre des représentants républicaine, Bill Clinton avait gouverné en faisant des compromis. Il en avait le tempérament pragmatique. Bill Clinton était un centriste. Il aimait négocier. Aux yeux des républicains, Barack Obama est un homme de gauche. Sa manière de voter au Sénat, lorsqu’il représentait l’Illinois, montre bien du reste qu’il n’était pas du tout centriste à l’époque.
Mais ces convictions social-démocrates de Barack Obama ne suffiraient pas à rendre les républicains verts de rage, comme il le sont aujourd’hui. Ce qui les rend malades est que le Président continue dans ses discours d’occupper le centre et de se faire passer pour un centriste. Pour autant il ne négocie pas avec les républicains. Il laisse Joe Biden le faire pour lui. Il ne tend pas la main aux républicains. Il les tourne en ridicule. Et ça marche !
Il préfère donc se concentrer sur ce qu’il fait le mieux: des discours dans lesquels il maintient par exemple chercher “une solution équilibrée” pour réduire le déficit. Il ne parle que d’augmenter les impôts “des millionnaires”. Il promet de défendre les classes moyennes. Rien dans ce qu’il dit ne ressemble à l’appel au peuple que lancerait un homme de gauche ou d’un leader noir. Barack Obama incarne parfaitement la raison, la mesure et l’harmonie raciale. Pour autant il ne propose toujours pas de réelles réductions de dépenses publiques. Il ne parle que d’augmentation d’impôts.
Les républicains sont convaincus que fondamentalement Barack Obama est un extrémiste qui se cache par opportunisme, par calcul génial et par nécessité, derrière une rhétorique centriste pour faire avancer une cause bien plus radicale: celle de la dénaturation à terme du système capitaliste en vue de placer le peuple américain en situation définitive de dépendance à l’égard de l’État. En gros Barack Obama voudrait que les américains se retrouvent comme les européens: un peuple qui aime les taxes élevées, la croissance faible, la réglementation omniprésente, la puissance publique responsable de tout: de la santé à l’école, en passant par les routes, le degré de consommation d’énergie par les voitures, la promotion de l’homosexualité comme mode de vie “normal”…
Ils en veulent pour preuve l’absence dans l’entourage du Président à la Maison blanche de toute personne ayant une expérience réussie et durable dans le secteur privé. Les syndicats qui ont joué un rôle essentiel dans la réélection du Président seraient sur le point de récolter les fruits de leur soutien financier: les entreprises vont payer, les patrons seront punis, les riches vont être enfin remis à leur place.
Obamacare serait le meilleur exemple de la tactique du Président de gauche pour corrompre durablement l’Amérique: Barack Obama aurait accepté une réforme bancale qui oblige les américains, ou leurs employeurs, à s’assurer auprès de compagnies privées, sachant que l’explosion des primes d’assurance qui en résulte aujourd’hui va les précipiter demain dans les bras de la VRAIE RÉFORME qu’il a toujours souhaitée: celle qui nationalise la médecine et l’assurance-maladie.
2) Barack Obama serait intouchable
Parcequ’il est à la fois noir et blanc, Barack Obama est intouchable. Les noirs le considèrent comme l’un des leurs. Beaucoup de blancs à mauvaise conscience reconnaissent en lui une dimension transraciale qu’ils admirent et qui les soulage. Oui, grâce à Obama, l’Amérique serait devenue post-raciale. Les républicains n’en croient pas un mot. Mais ils constatent avec effroi que Hollywood, le monde universitaire, l’immense majorité de la presse écrite et parlée est tombée dans le panneau.
Là encore, cela ne les rendrait pas malades si la conséquence de cette situation ne les transformait pas immédiatement en suspects de racisme dès qu’ils émettent une critique à propos du Président ou de sa politique.
Pour le conservateur américain aujourd’hui, il est presque devenu politiquement impossible de critiquer le Président Obama sans passer pour une rétrograde raciste, manipulé par le lobby des riches. L’opposition se sent privée de toute dimension morale. Le bien est exclusivement incarné par le Président moderne multiracial. Les opposants sont des salauds qui veulent garder leurs armes de guerre pour défendre une Amérique ségrégationniste.
Les républicains sont sous le choc: ils ont l’impression qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’être respectable si l’on est blanc, républicain, chrétien et hétérosexuel. L’argent qu’ils ont gagné par leur travail est devenu sale. Ils doivent le confier à l’État qui saura le redistribuer.
3) Barack Obama surfe sur l’illusion de l’endettement sans douleur
Les républicains assomés par leur défaite découvrent une réalité inconfortable: l’endettement délirant qui entretient en Amérique une croissance médiocre, n’a pour le moment AUCUNE conséquence sur le niveau des taux d’intérêt ou sur l’inflation.
Le discours de l’othodoxie fiscale sonne creux. Hurler que l’envolée de 45% de la dette publique depuis 2008 va précipiter l’Amérique dans la ruine, ne fait pas peur à l’américain moyen. Voilà quatre ans que les républicains disent que la politique de relance du Président et la politique monétaire sans précédent de la Fed, vont couler le dollar et déclencher une flambée des prix. Cela ne s’est pas produit.
Il est difficile de croire que l’Amérique est au bord de la faillite: l’oncle Sam emprunte à des taux négatifs !
Le FMI, les agences de notation, les européens et la plupart des professionnels de la finance ont beau expliquer que cette situation ne va pas durer…ils ont beau demander la mise en place de mesures crédibles à moyen et long terme pour réduire l’endettement, rien ne se passe et personne n’en est victime pour l’instant.
Pour frapper les esprits, les républicains rappellent qu’aujourd’hui tout jeune américain arrive au monde avec une part de dette publique de 52.000 dollars. Who cares ? Le Président est beau, élégant, il parle bien, il est convaincant, il défend les classes moyennes. Face à lui il n’y a que des “vieux cons de blancs en colère” comme John Boehner, le Président de la Chambre des représentants, ou Rush Limbaugh, le roi du “talk radio”.
Il est vrai que dans la défaite les républicains ressemblent de plus en plus à une caricature d’eux-mêmes.
Les classes moyennes, hypnotisées par Barack Obama-le modéré, sont ravies de croire que sans sacrifice elles pourront sortir de l’endettement dramatique dans lequel elles se trouvent. Les autres, les riches, les profiteurs paieront pour elles.
The “others, the rich, the profiteers,” should “foot the bill” and they will. And if they don’t, the American people will ultimately pull them down into the mud by their snouts and make them wish they’d never been born.
They have no choice.