Ben Fountain between Iraq's Reality and the American Dream

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Ben Fountain entre réalité irakienne et rêve américain

Entre la réalité des combats et la société du spectacle, Ben Fountain pose la question de l’engagement américain en Irak dans Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn.

Putain de mort, c’est le titre qu’avait choisi Michael Herr pour son inoubliable reportage sur l’enfer du Vietnam et l’on y songe souvent en lisant Ben Fountain, dont le jeune héros a failli laisser sa peau en Irak. Billy Lynn a grandi dans un Texas bouseux qui ne lui a guère fait de cadeaux et, à 18 ans, il a défoncé à coups de pied-de-biche la Saab de son ex-beau-frère. Pour échapper à la prison, il a été contraint de s’engager dans l’armée puis de rejoindre une garnison en Irak.

Lorsque s’ouvre le récit, Billy est de retour au pays, pour une brève permission. Avec sa compagnie, les Bravos, il a miraculeusement survécu à une embuscade – une caméra de la télé a tout filmé – et, du jour au lendemain, il est devenu “un sauveur de la nation”. Une sorte d’anti-colonel Chabert qui, avec les huit autres rescapés, est accueilli comme une star aux Etats-Unis, même si ses nuits sont hantées par la disparition de ses frères d’armes. “Billy n’a pas cherché à accomplir un acte d’héroïsme, oh non, c’est l’acte d’héroïsme qui est venu le chercher”, écrit Ben Fountain avant de raconter comment les radios et les télés américaines vont transformer son calvaire en “tournée de la victoire”. Une comédie tragi-comique où les Bravos seront transbahutés de villes en estrades, assaillis par la meute des journalistes et, bientôt, par un producteur avide de tirer un “scénario formidable” de leur descente aux enfers…

Ce terrible décalage entre la réalité des combats et l’image falsifiée qu’en donne la société du spectacle, Ben Fountain le décrit remarquablement. Et son récit montre aussi comment, avec la complicité du show-biz, l’administration Bush récupérera cyniquement ce battage médiatique pour justifier sa politique en Irak. “Je crois que personne ne sait ce qu’on fait là-bas”, dira pourtant Billy, qui repartira au casse-pipe en se demandant si cette hallucinante “mi-temps” n’a pas été pire que la guerre, dans une Amérique prête à vampiriser les marionnettes qu’elle exhibe sur ses écrans. Un premier roman impitoyable, au bout duquel Ben Fountain pose cette question : “Existe-t-il un point de saturation, un nombre de morts suffisant qui finira par briser en mille morceaux le rêve d’Amérique ?”

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